Confrontation ou coopération ?

La démocratisation rapide de l’intelligence artificielle (IA) ouvre actuellement des perspectives mais fait aussi planer des risques sur les rédactions, notamment une perte de contrôle éditorial et une baisse de la qualité journalistique due à la dépendance excessive aux algorithmes.

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L’IA a la possibilité d’influencer chaque étape du processus éditorial, de la collecte de l’information à la publication. 
Photo : AFP/VNA/CVN

En peu de temps, la déflagration de l’intelligence artificielle générative a bousculé tous les secteurs, médias compris.

Une enquête mondiale sur l’utilisation de l’IA par les organismes de presse, intitulée “Générer le changement”, a été publiée en août 2023. Ce projet JournalismAI de l’École d’économie et de science politique de Londres (LSE) a été mené auprès de 105 salles de presse de petite et grande tailles, y compris des organisations émergentes et expérimentées, de 46 pays différents concernant l’IA et ses technologies. Le rapport aborde les problèmes de durabilité auxquels sont confrontées les rédactions.

Plus de 75% des personnes interrogées utilisent l’IA dans au moins un des domaines de la chaîne de valeur de l’information, à savoir la collecte, la production et la diffusion des informations.

Pour plus de la moitié d’entre elles, l’amélioration de l’efficacité et de la productivité afin de libérer les journalistes pour un travail plus créatif a été le principal moteur de l’intégration de l’IA.

Environ un tiers des répondants ont indiqué qu’ils disposaient d’une stratégie institutionnelle en matière d’IA ou qu’ils étaient en train d’en élaborer une.

De même, environ un tiers des personnes interrogées estiment que leur organisation est prête à relever les défis de l’adoption de l’IA dans le journalisme, tandis que près de la moitié ont déclaré qu’elles n’étaient que partiellement prêtes ou pas du tout.

Par ailleurs, plus de 60% des personnes sondées sont préoccupées par les implications éthiques de l’intégration de l’IA pour la qualité éditoriale et d’autres aspects du journalisme. Les journalistes tentent de déterminer comment intégrer les technologies de l’IA dans leur travail en respectant les valeurs journalistiques telles que l’exactitude, l’équité et la transparence.

Prévention des risques

Une intervention humaine est indispensable pour prévenir les dommages potentiels des systèmes d’IA.
Photo : VNA/CVN

De manière générale, les rédactions estiment qu’une intervention humaine est indispensable pour prévenir les dommages potentiels des systèmes d’IA, tels que les opinions biaisées et les informations inexactes. Mais bien que beaucoup craignent que ces technologies puissent fausser la couverture médiatique et laisser sans voix les groupes marginalisés, pratiquement aucun média ne propose de solution claire pour y faire face.

Outre la crainte que les machines remplacent les humains dans les rédactions lorsque l’IA sera largement appliquée, les organismes de presse s’inquiètent de la question du droit d’auteur. Les journaux apportent des réponses à de nombreuses questions, générant donc le plus de fréquentation possible sur leurs plateformes en vue des revenus publicitaires. Mais les outils d’IA synthétisent désormais les réponses provenant de nombreuses sources protégées par le droit d’auteur et “proposent” ensuite les plus pertinentes aux utilisateurs.

Les salles de presse sont très frustrées car les outils d’IA générative fournissant des informations sans citer les sources peuvent entraîner une diminution du trafic provenant des moteurs de recherche. Ainsi, tous leurs efforts déployés pour produire du contenu se révèlent être utilisés au profit des systèmes d’IA sans aucun retour pour les organisations médiatiques.

Les développeurs d’IA utilisent le contenu des médias sans autorisation et sans rémunération, et ce à une bien plus grande échelle que les sources originales.

Le 8 août 2023, la firme américaine OpenAI a annoncé le lancement de GPTBot pour ratisser automatiquement les données de “tout Internet”, afin d’entraîner ses modèles d’IA. Refusant d’être “pillés”, plusieurs sites d’information français, dont ceux de Radio France et TF1, ont déjà bloqué la collecte de données par ce robot d’exploration Web, à l’image de leurs confrères anglo-saxons du New York Times, de CNN ou de Reuters.

Jusqu’à présent, huit journaux américains, dont le Chicago Tribune, ont porté plainte pour violation de droit d’auteur contre la société créatrice de ChatGPT et Microsoft, son principal investisseur.

“Une valeur supplémentaire”

Google et Meta devraient payer entre 11,9 et 13,9 milliards d’USD chaque année aux médias américains.
Photo : AFP/VNA/CVN

Cependant, de plus en plus de médias signent des accords avec OpenAI tels que les agences de presse Reuters et Associated Press (AP), les groupes de presse News Corp (Wall Street Journal et le New York Post), Prisa (El País et le HuffPost espagnol), Axel Springer (Die Welt et les sites Business Insider et Politico). En France, le journal Le Monde a été le premier à rejoindre le giron d’OpenAI.

Depuis longtemps, les médias du monde entier tentent d’estimer combien d’argent Google et Meta leur doivent pour les informations qu’ils apportent aux utilisateurs. Mais cette tâche s’avère trop difficile car le manque de données publiques sur le comportement des lecteurs et l’absence de concurrence rendent les prix payés par les entreprises technologiques pour utiliser l’information extrêmement restreints.

Cependant, selon des estimations présentées comme “prudentes” dans une étude fouillée rendue publique le 29 octobre dernier par trois économistes américains, Paying for News (Payer pour les nouvelles), Google et Meta devraient payer entre 11,9 et 13,9 milliards d’USD chaque année aux médias américains. "Les plateformes et les médias créent une valeur supplémentaire quand ils travaillent ensemble, explique en entrevue avec La Presse un des auteurs, Haaris Mateen, Professeur de finance à l’Université de Houston. Mais la structure du marché fait en sorte que la plus grande partie de cette valeur est capturée par les plateformes”.

Les géants de la technologie argumentent que l’information ne joue pas un grand rôle dans leur activité et que ce sont les organismes de presse qui devraient remercier les plateformes pour générer du trafic vers leurs sites web, générant abonnements et revenus publicitaires.

La presse doit utiliser l’IA avec audace et disposer d’une stratégie spécifique. Cette voie est incontestable. Mais si nous ne faisons pas preuve d’initiative et manquons de proactivité, l’éventualité que l’IA signe la fin du journalisme doit être sérieusement envisagée.

Hoàng Lan/CVN

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