Il ne s'agirait pas, au moins dans un premier temps, d'alimenter des villes qui disposent déjà d'infrastructures, mais des régions isolées, d'accès difficiles où on a besoin d'électricité, explique Robert Lainé, directeur technique d'Astrium.
Cela pourrait permettre de fournir ponctuellement de l'électricité à une zone de catastrophe, un hôpital de campagne, une installation de pompage, de purification ou de désalinisation d'eau, a-t-il précisé lors d'une récente conférence à Paris. Alimenter des grandes villes, "ça ne se produira pas avant qu'il n'y ait plus de pétrole", a-t-il déclaré.
"On pense que le plus simple, c'est de commencer avec un satellite existant, puis de l'adapter", note M. Lainé. La première démonstration pourrait s'appuyer sur les capacités du futur satellite de télécommunication Alphasat, avec l'objectif d'acheminer au sol, grâce à un laser infrarouge, quelques kilowatts d'énergie produite dans l'espace.
"Si on trouvait un financement demain, six ou sept ans c'est tout à fait raisonnable" pour aboutir à une démonstration, précise cet expert, alors qu'au delà de partenariats européens, Astrium envisage de s'associer avec Russes et Japonais pour mettre en place cette nouvelle filière technologique.
Lors de l'étape suivante, au cours de la décennie 2020-2030, plusieurs satellites, capables de fournir jusqu'à 100 kW chacun, pourraient faire converger leurs faisceaux. Alors qu'aux États-Unis des projets de grande ampleur sont envisagés, Astrium, qui recherche des partenaires, table plutôt sur un développement progressif, avec une première démonstration d'ici 2020, voire dès 2016.
"En cas de situation d'urgence, de besoin d'électricité, on bascule le faisceau facilement, on peut le faire en une minute", assure M. Lainé. Grâce à un miroir de 3,5 mètres de diamètre, comme celui du télescope scientifique Herschel, le satellite pointera vers la Terre un rayon laser infrarouge de 20 mètres de large en ciblant des panneaux solaires de 30 m sur 30 placés au sol, selon le projet d'Astrium. La puissance reçue sur chaque panneau pourrait atteindre 300 kW, de quoi alimenter des dizaines de foyers.
Des cellules photoélectriques adaptées par Astrium pour l'infrarouge permettraient de convertir jusqu'à 60% de l'énergie reçue en électricité, au lieu de 15% avec les panneaux solaires actuels captant la lumière blanche du soleil.
La longueur d'onde supérieure à 1,4 micron choisie pour le laser devrait permettre d'acheminer sans risque un kW par mètre carré sur le récepteur. Une personne regardant brièvement dans le faisceau "va avoir chaud à la figure, aux yeux, mais il n'y a pas de pénétration dans la peau" ni de risque de brûler la rétine, assure M. Lainé. À ces fréquences-là, les valeurs limites d'exposition sont élevées parce que "le rayonnement infrarouge est très peu pénétrant", précise un expert de l'Institut national de recherche et de sécurité (INRS).
Et avec un kW par mètre carré, le laser ne se transformera pas en arme de guerre. Pointé sur une forêt, "le laser n'y mettrait jamais le feu", souligne M. Lainé, car le flux d'énergie serait voisin de ce qu'on reçoit du soleil au zénith.
Transmettre l'énergie via un faisceau micro-onde, comme l'envisagent d'autres projets pourraient susciter davantage de réticences, comme dans le cas des antennes de téléphonie mobile, et nécessiterait des récepteurs jusqu'à mille fois plus grands.
AFP/VNA/CVN