Vers une aéronautique durable : la transition écologique de l'aviation vietnamienne

Alors que la question du changement de mode de transport dans le centre-ville de Hanoï suscite un vif débat au sein de l’opinion publique, un autre secteur des transports spécialisés mène depuis longtemps, en toute discrétion, sa propre transition écologique : celui de l’aviation civile vietnamienne.

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Le carburant d’aviation durable (SAF) présente un fort potentiel avec une capacité de réduction des émissions de CO₂ pouvant atteindre 60%. 
Photo : CTV/CVN

Parler de transition verte dans le domaine aérien peut sembler être un "jeu réservé aux riches", tant les coûts engagés sont élevés. Pourtant, l’aviation vietnamienne poursuit avec détermination sa trajectoire "verte", portée par l’esprit de "Transformation, sacrifices et développement durable".

Un mouvement mondial irréversible

Le monde traverse actuellement une période de transition énergétique marquée par des bouleversements et des incertitudes. Les politiques climatiques internationales ne sont pas toujours cohérentes.

À titre d’exemple, les États-Unis, sous la présidence de Donald Trump, se sont officiellement retirés de l’Accord de Paris sur le climat.

Cependant, dans un apparent paradoxe, les États-Unis ont continué de participer à des mécanismes techniques spécifiques, tels que le dispositif de compensation et de réduction des émissions de carbone pour l’aviation internationale (CORSIA) mis en place par l’Organisation de l’aviation civile internationale (OACI). Par ailleurs, les subventions à la recherche et au développement de carburants durables pour l’aviation (connus sous le nom de SAF - Sustainable Aviation Fuel) n’ont jamais cessé, ce qui démontre une orientation technologique et économique désormais difficilement réversible, transcendant les fluctuations politiques de court terme.

Dans ce contexte, le Vietnam affirme pleinement son engagement en tant que membre responsable de la communauté internationale.

L’engagement ferme du Vietnam pris dans le cadre de la 26e Conférence des Parties à la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (COP26), qui consiste à atteindre la neutralité carbone (Net Zéro) d’ici 2050, constitue une déclaration politique décisive, permettant de redéfinir la stratégie de développement national.

Cet engagement ne se limite pas à une simple annonce, il se traduit progressivement en stratégies, plans et actions concrètes dans tous les domaines, sous la direction énergique du Parti et du gouvernement.

Plus récemment, dans son message politique émis lors du Sommet du partenariat pour la croissance verte et les objectifs mondiaux 2030 (P4G) tenu au Vietnam, le secrétaire général du Parti communiste du Vietnam, Tô Lâm, a réaffirmé la vision stratégique du pays dans la construction de trois piliers fondamentaux pour une croissance verte, que sont : des institutions vertes comme fondement, des technologies vertes comme moteur de percée, et des ressources humaines vertes comme facteur clé.

Cette vision sert de boussole pour l’ensemble du processus de transition, dans lequel le secteur de l’aviation joue un rôle important.

Vers l’objectif de 30% des émissions de carbone

Un fait méconnu est que la transition verte du secteur aérien vietnamien ne commence pas seulement avec l'apparition des termes tels que CORSIA (Carbon Offsetting and Reduction Scheme for International Aviation - régime de compensation et de réduction de carbone pour l'aviation internationale) ou SAF (Sustainable Aviation Fuel - carburants d'aviation durables).

Le parcours de transition verte de la phase 1, silencieux et efficace, de l'aviation vietnamienne. 
Photo : CTV/CVN

Au contraire, ce secteur a déjà connu une première phase de transition s’étalant sur plusieurs années, une démarche discrète mais extrêmement efficace en faveur de la réduction des émissions de carbone.

Le principal moteur de cette phase réside dans les choix commerciaux et l’optimisation des opérations, où les exigences de sécurité et de sûreté aérienne doivent aller de pair avec les avantages économiques et environnementaux.

Cette période a créé un "tremplin" de réduction des émissions important, tout en démontrant les capacités technologiques et de gestion du secteur. Cependant, le succès de cette phase "gagnant-gagnant" pourrait involontairement masquer les énormes défis financiers et technologiques de la phase suivante, une phase qui exigera des investissements directs et le sacrifice des bénéfices immédiats.

L'une des solutions les plus efficaces pour réduire les émissions est d'investir dans de nouvelles générations d'avions, plus économes en carburant et plus respectueux de l'environnement. Les compagnies aériennes vietnamiennes ont été très proactives à cet égard, considérant cela comme une double décision stratégique, car cela améliore leur compétitivité et leur permet d’assumer leur responsabilité environnementale.

Vietnam Airlines, en tant que compagnie aérienne nationale, a été pionnière dans l'investissement dans les dernières générations d'avions gros-porteurs.

Elle est devenue l'une des premières compagnies de la région Asie-Pacifique à exploiter simultanément les deux types d'avions modernes, le Boeing 787 Dreamliner et l'Airbus A350 XWB.

Ces avions offrent non seulement une meilleure expérience de vol aux passagers, mais ont également une consommation de carburant inférieure de 25% par rapport aux générations précédentes, réduisant directement une grande quantité d'émissions de CO2.

Pendant ce temps, Vietjet Air s'est concentrée sur l'optimisation de sa flotte d'avions monocouloirs avec l'Airbus A321neo.

Il est considéré comme l'un des modèles d'avions à couloir unique les plus efficaces au monde, capable de réduire plus de 5.000 tonnes d'émissions de CO2 par an et par avion et de réduire le bruit de 50% par rapport aux avions de l'ancienne génération.

L’adoption des moteurs GTF de Pratt & Whitney pour la flotte d’A321neo permet à la compagnie d'économiser de l’ordre de 15 - 17% de carburant, contribuant ainsi de manière significative à sa stratégie de développement durable et à l’objectif national de neutralité carbone d’ici 2050.

Parallèlement au renouvellement de la flotte, une véritable révolution dans la gestion du trafic aérien a été mise en œuvre de manière efficace, à travers une modernisation du contrôle aérien et l’optimisation des opérations aéroportuaires, conformément à la feuille de route technologique de l’OACI (Organisation de l'aviation civile mondiale).

L’application de la navigation basée sur les performances (Performance-Based Navigation - PBN) permet aux avions de suivre des trajectoires optimisées grâce aux systèmes de navigation par satellite, au lieu de suivre des itinéraires fixes basés sur des stations de navigation au sol.

Cette évolution permet de raccourcir les distances de vol, de réduire le temps de vol, et donc de diminuer la consommation de carburant et les émissions polluantes.

Consolider le réseau aérien national

Le Vietnam a élaboré une feuille de route et met actuellement en œuvre le PBN dans l’ensemble des 22 aéroports du pays, dans le but de renforcer les capacités et l’efficacité du réseau aérien national.

Par ailleurs, Airport Collaborative Decision Making (A-CDM) est une plateforme numérique permettant aux différentes parties prenantes opérant dans les aéroports (exploitants aéroportuaires, services de contrôle aérien, compagnies aériennes, prestataires de services au sol) de partager les informations et de prendre des décisions en temps réel.

Le véhicule-citerne de carburant durable pour l'aviation (SAF) approvisionne un avion de Vietnam Airlines. 
Photo : VNAirlines

La mise en œuvre réussie de l’A-CDM dans les deux plus grands aéroports du pays, à savoir Nôi Bài et Tân Son Nhât, a connu des résultats concrets.

Les essais à l’aéroport de Nôi Bài ont montré que le taux de ponctualité des vols (On-Time Performance - OTP) a atteint 94%, tandis que le temps de roulage en attente sur la piste a été considérablement réduit, ce qui a permis d’atténuer les embouteillages, d’économiser de carburants et de réduire directement les émissions de CO₂.

Sur la base des normes et analyses internationales en matière d’aviation, on peut estimer que la combinaison des efforts de modernisation de la flotte et d’optimisation de la gestion du trafic aérien au cours de la dernière décennie a permis à l’aviation vietnamienne de réduire d’environ 30% ses émissions de CO₂ par unité de transport.

En d’autres termes, pour transporter un passager sur une distance d’un kilomètre, la quantité de CO₂ émise a diminué d’environ 30% par rapport au scénario où les technologies des années 2000 auraient été maintenues.

Ce chiffre représente non seulement une performance environnementale remarquable, mais surtout, il illustre la capacité du secteur aérien vietnamien à bâtir une base technologique solide et une maîtrise opérationnelle durable. C’est cet acquis qui constitue un socle stratégique et un avantage compétitif essentiel, permettant au Vietnam d’aborder avec confiance la prochaine étape de la transition verte - une étape pleine de défis, mais aussi riche en opportunités.

Un nouvel horizon : le CORSIA et la révolution du carburant d’aviation durable

Si la première phase de la transition verte était principalement motivée par les impératifs de sûreté, de sécurité aérienne et de rentabilité économique interne, la phase actuelle marque un tournant fondamental : on passe d’une "transition volontaire" à une "transition dictée par les normes internationales".

L’attention du public et la pression réglementaire ne se sont véritablement intensifiées qu’avec l’émergence de deux concepts clés : le CORSIA et le SAF.

L’aviation vietnamienne participera à la phase 1 du CORSIA à partir du 1er janvier 2026. 
Photo : CTV/CVN

Ils constituent la partie émergée de l’iceberg, là où les engagements nationaux doivent désormais se traduire en actions concrètes et coûteuses.

Le secteur aéronautique du Vietnam et les initiatives de décarbonation

L’internalisation proactive des réglementations du Vietnam et sa participation précoce à ces mécanismes ne constituent pas une action passive, mais une démarche stratégique, démontrant une vision visant à transformer des pressions en une opportunité de restructurer l’industrie aéronautique, d’améliorer la compétitivité et d’attirer les flux financiers verts mondiaux.

Alors que le CORSIA est un mécanisme fondé sur le marché, établi par l’OACI pour aider l’industrie aéronautique mondiale à atteindre la neutralité carbone d’ici 2050, le carburant d’aviation durable (SAF) est considéré comme une "clé d’or" et l’outil le plus efficace pour réduire les émissions de CO₂ à long terme.

Le SAF peut être produit à partir de diverses sources renouvelables, telles que les huiles de cuisson usagées, les déchets agricoles ou encore les algues, et il a le potentiel de réduire de 60% à 80% ou 94% les émissions de gaz à effet de serre sur l’ensemble de son cycle de vie, par rapport au kérosène traditionnel (Jet A1) utilisé pour les avions.

Consciente de cette importance et de cette nécessité, l’aviation vietnamienne a pris des mesures très proactives, notamment en s’inscrivant officiellement et en obtenant la confirmation de l’OACI pour participer à la phase volontaire du CORSIA à compter du 1er janvier 2026.

Il s’agit d’une décision stratégique qui démontre à la fois son rôle de membre responsable et donne au Vietnam le temps de se préparer, de renforcer ses capacités et de bénéficier du soutien technique international avant d’entrer dans la phase de participation obligatoire à partir de 2027.

Vietnam Airlines a effectué son premier vol commercial utilisant du SAF, de Singapour à Hanoi, en mai 2024, et s’est engagée à respecter la réglementation relative à l’utilisation du SAF pour les vols au départ de l’Europe.

Vietjet Air a exploité des vols utilisant du carburant d’aviation durable (SAF) au départ de Hô Chi Minh-Ville à destination de Melbourne (Australie) et de Séoul (République de Corée), affirmant ainsi son engagement fort en faveur du développement durable.

La Société par actions de carburant d’aviation Petrolimex (Petrolimex Aviation) est devenue la première entité au Vietnam à importer et à ravitailler avec succès du carburant d’aviation durable (SAF), posant ainsi une base essentielle à la formation d’une chaîne d’approvisionnement en énergie verte dans le pays.

Au niveau national, l’Institut du pétrole du Vietnam (VPI) mène activement des recherches sur les sources de matières premières disponibles ainsi que sur les technologies de production de SAF adaptées aux conditions vietnamiennes, nourrissant l’espoir d’une autonomie partielle en approvisionnement à l’avenir.

Le plus grand défi : le poids financier

Le respect des réglementations internationales entraînera clairement des coûts d’exploitation considérables pour l’aviation vietnamienne. Concernant les dépenses liées à la participation au dispositif CORSIA, selon des estimations préliminaires, rien que pour l’achat de crédits carbone destinés à compenser les émissions durant la phase volontaire (2024-2026), une grande compagnie aérienne vietnamienne pourrait devoir débourser entre 13 millions et plus de 92 millions de dollars américains, en fonction des fluctuations des prix des crédits sur le marché mondial.

En ce qui concerne le SAF, rien que pour se conformer à la réglementation ReFuelEU de l’Union européenne, qui impose l’utilisation obligatoire de 2% de SAF pour les vols au départ de l’UE, les coûts en carburant des liaisons européennes de Vietnam Airlines pourraient augmenter d’environ 4,8 millions de dollars américains par an.

Ces surcoûts, qu’on le veuille ou non, devront inévitablement être partiellement répercutés sur le prix des billets, affectant ainsi la compétitivité des compagnies aériennes et les choix des passagers.

Dans un contexte où les grands marchés, comme l’Union européenne ont déjà légiféré sur des barrières techniques en matière environnementale, à l’instar de la politique ReFuelEU, la transition verte n’est désormais plus une option.

Vietnam Airlines, en utilisant le carburant d'aviation durable (SAF), est à l'avant-garde de l'aviation verte. 
Photo : VNAirlines/CVN

Si les compagnies aériennes vietnamiennes ne respectent pas les normes imposées, elles ne pourront plus exploiter les lignes vers l’Europe.

Les marchandises exportées du Vietnam perdront alors un canal de transport essentiel, exposant l’ensemble du secteur à un risque d’isolement face aux flux économiques mondiaux.

Il s’agit donc ici d’un choix stratégique fondé sur un sacrifice assumé : renoncer aux profits immédiats pour préserver l’existence, l’indépendance et l’autonomie de l’aviation vietnamienne dans un monde en pleine mutation.

Aucun besoin de modifier les infrastructures aéroportuaires ou les structures des avions et moteurs.

Cependant, le Vietnam est confronté à un déficit en matière de technologie de production de SAF à grande échelle et manque d’expérience dans l’exploitation de cette nouvelle chaîne d’approvisionnement.

Une dépendance totale aux importations, à des prix élevés, engendre de lourds risques en matière de sécurité énergétique et de coût.

Actuellement, le coût de production du SAF est de 2 à 6 fois supérieur à celui du kérosène classique Jet A-1, alors que l’offre mondiale ne couvre qu’environ 0,1% de la demande totale.

C’est là un obstacle majeur auquel l’aviation vietnamienne devra faire face.

Des efforts pour le développement durable

La révolution verte du secteur aérien n’est plus un "terrain de jeu" réservé aux nations riches disposant de multiples options.

Elle s’est transformée en une véritable "arène" où la survie stratégique est en jeu pour tous les acteurs de l’aviation mondiale.

Les coûts engagés aujourd’hui ne doivent pas être considérés comme de simples pertes, mais bien comme des investissements incontournables pour garantir la "souveraineté économique" et l’accès aux marchés internationaux à long terme.

Accepter de renoncer à des gains immédiats est aujourd’hui indispensable non seulement pour rester dans le jeu, mais surtout pour construire une industrie aéronautique vietnamienne solide et durable au bénéfice des générations futures.

L’histoire du Vietnam est jalonnée de sacrifices héroïques : ceux de nos aïeux, qui n’ont épargné ni leur vie ni leur jeunesse pour reconquérir l’indépendance, la liberté et l’unité nationale. Aujourd’hui, confrontés à de nouveaux enjeux, nous sommes engagés dans une lutte sans arme, mais déterminante : celle contre le changement climatique.

Une lutte qui exige un autre type de sacrifice - celui du bénéfice immédiat, le prix à payer pour bâtir un avenir pérenne, un Vietnam vert et prospère pour demain.

Ce défi ne concerne pas seulement le secteur aérien : c’est toute la nation qui se mobilise. Pour transformer cette épreuve en opportunité, l’aviation vietnamienne, sous l’impulsion du Parti et du gouvernement, avec le soutien du peuple et de la société, met en place sans tarder les fondements d’une économie verte.

Les efforts portent sur le déploiement de technologies propres, la recherche et le développement de carburants d’aviation durables (SAF), valorisant les ressources biomasses du pays, mais aussi sur la formation d’une main-d’œuvre verte, une génération de techniciens et d’ingénieurs prêts à maîtriser les innovations de demain.

La transition écologique n’est pas un coût à supporter, mais un investissement pour l’avenir. Animée par l’esprit d’autonomie, de résilience et une ferme volonté de progrès, l’aviation vietnamienne surmontera ce défi.

Elle s’élèvera, non seulement dans le ciel, mais sur la voie du développement durable, contribuant ainsi à affirmer la place du Vietnam comme nation visionnaire, responsable et influente sur la scène internationale.

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