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La Docteure Trân Thi Hiên dans son laboratoire à l'Université de Lund, en Suède. |
Photo : NVCC/CVN |
Depuis 2000, de nombreux groupes de recherche à travers le monde se sont engagés dans l’étude du complexe alpha lactalbumine-acide oléique, également connu sous le nom de HAMLET/BAMLET, une molécule présente dans le lait humain, pour développer des médicaments contre le cancer.
Découvert en 1995 par l’équipe de la Professeure Catharina Svanborg à l’Université de Lund, cette molécule a la capacité de détruire les cellules cancéreuses tout en préservant les cellules saines, contrairement à la chimiothérapie. Toutefois, les recherches n’ont permis de stabiliser le complexe HAMLET que sur de courtes périodes et à l’échelle du laboratoire.
Les bienfaits de la molécule HAMLET
L’équipe dirigée par la Professeure Catharina Svanborg et la Docteure Trân Thi Hiên, âgée de 40 ans, a été la première à développer un processus permettant de créer ce complexe, le rendant ainsi apte aux essais cliniques et à la production industrielle.
Ce complexe se distingue par sa composition en alpha lactalbumine, une protéine présente dans le lait humain et le lait de vache, ce qui le rend sûr même pour les nouveau-nés. Il cible spécifiquement les cellules cancéreuses et celles infectées par des virus ou des bactéries, sans induire de toxicité ni d’effets secondaires, contrairement aux traitements de chimiothérapie et de radiothérapie habituels.
Cette étude ouvre de nouvelles perspectives pour un traitement du cancer à la fois sûr et efficace, en complément des thérapies conventionnelles. “C’est la principale distinction par rapport aux médicaments anticancéreux actuels, faisant de notre complexe un candidat prometteur pour de nouvelles méthodes de traitement”, a partagé Mme Hiên.
Initiée en 2015, cette étude a permis à elle et à son équipe de développer, après près de dix ans de travaux, un processus pour produire une forme active stable du complexe à une échelle industrielle. Ce développement a conduit à la création d’une formulation réalisable, adaptée à une production sur des lignes conformes aux normes Good Manufacturing Practices (GMP - bonnes pratiques de fabrication ou BPF), ainsi qu’à l’établissement d’une méthode pour évaluer l’efficacité anticancéreuse après fabrication.
Images du cancer colorectal et effet du complexe alpha lactalbumine-acide oléique sur la réduction des polypes tumoraux (les tumeurs sont indiquées par des flèches noires). |
Photo : NVCC/CVN |
À ce jour, l’équipe a obtenu des résultats prometteurs lors d’études précliniques sur le complexe HAMLET pour le traitement et la prévention de divers cancers, notamment colorectal, hépatique, gastrique, pulmonaire, du sein, du col de l’utérus, de la prostate et de la peau, avec plusieurs formulations. Les essais cliniques de phase 3 pour le cancer de la vessie et de phase 1 pour les tumeurs cérébrales malignes ont déjà reçu l’approbation du Food and drug administration (FDA, service du gouvernement américain responsable de la pharmacovigilance, c’est-à-dire des études, du contrôle et de la réglementation des médicaments avant leur commercialisation, Ndlr).
La Docteure Hiên met en lumière les défis persistants de la production du complexe HAMLET à l’échelle industrielle, notamment la nécessité d’atteindre une pureté, une durabilité et une stabilité élevées lors de l’extension de la production.
Son ambition est de ramener cette technologie de production au Vietnam pour développer des médicaments anticancéreux à des coûts inférieurs à ceux des traitements importés. “Je suis prête à collaborer pour transférer cette technologie au Vietnam”, a-t-elle déclaré, soulignant son désir de travailler avec des experts, des médecins et des organisations pour mener des essais cliniques sur des patients.
Futures thérapies efficaces
Dô Thi Hà, directrice adjointe de l’Institut national des matières médicinales, relevant du ministère de la Santé, a estimé : “Les nouvelles thérapies anticancéreuses développées par les grandes entreprises pharmaceutiques sont généralement coûteuses”. Cela explique l’ardente recherche de nombreux pays pour des traitements anticancéreux sûrs, efficaces et abordables.
“La découverte du complexe HAMLET pourrait ouvrir la voie à de futures thérapies contre le cancer, à condition que nous puissions réaliser des essais cliniques dans les délais”, a souligné Mme Hà. Selon elle, les nouveaux médicaments à base de lait pourraient résoudre deux problèmes cruciaux : l’efficacité du traitement et les effets secondaires, les rendant très prometteurs pour la prévention du cancer dans un avenir proche.
Avec plus de 20 ans de recherche à son actif, la Docteure Hiên est auteure et co-auteure de 50 articles publiés dans des revues internationales de renom, telles que Nature Biotechnology, Nature Communications, Nature Reviews Urology et Journal of Clinical Investigation. Elle détient également deux brevets internationaux (délivrés en 2020 et 2021) concernant le complexe alpha lactalbumine-acide oléique, ainsi que trois brevets au Vietnam.
En 2015, elle a remporté le prix du jeune scientifique de moins de 35 ans décerné par la Fondation L’Oréal-UNESCO. En 2020, son équipe a obtenu un financement de 2 millions d’euros du programme Horizon de l’Union européenne pour des essais cliniques sur le cancer de la vessie. Elle est également la première scientifique vietnamienne à participer à la recherche et aux essais réussis d’un médicament anticancéreux approuvé par la FDA pour la phase 3.
Nhu Quynh - Phuong Nga/CVN