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La Docteure Hà Thi Thanh Huong. Photo : NVCC/CVN |
La Docteure Hà Thi Thanh Huong est à la tête du Département d’ingénierie tissulaire et de médecine régénérative à la Faculté de génie biomédical de l’Université internationale, relevant de l’Université nationale de Hô Chi Minh-Ville.
Il y a 15 ans, un membre de sa famille souffrait de dépression. En accompagnant son proche pour des examens et traitements, Hà Thi Thanh Huong a constaté que les soins de santé mentale au Vietnam à cette époque étaient encore très insuffisants. Même lorsqu’ils se rendaient dans de grands hôpitaux tels que l’Hôpital psychiatrique de Hô Chi Minh-Ville, les médecins ne disposaient pas des outils nécessaires pour diagnostiquer et traiter avec précision la maladie. Elle a été déterminée à poursuivre des recherches scientifiques en neurologie afin d’améliorer les soins de santé mentale au Vietnam.
Les neurosciences
"Dans ma famille, mes deux parents sont enseignants. Ma mère enseigne la biologie et mon père la chimie. Depuis mon enfance, j’ai eu la chance d’acquérir des connaissances en sciences naturelles et sociales. Au lycée, j’ai suivi des cours de biologie, puis j’ai décidé d’étudier les neurosciences pour mieux comprendre le fonctionnement du cerveau afin de pouvoir développer des méthodes de diagnostic et de traitement plus efficaces pour les troubles de santé mentale et neurologiques", a-t-elle expliqué.
Lorsqu’elle a choisi les neurosciences, elle a envisagé de poursuivre ses études à l’étranger."Le Vietnam n’offrait alors que des programmes de formation en neurosciences destinés à former des médecins, et je souhaitais me consacrer à la recherche scientifique".
La Docteure Hà Thi Thanh Huong lors de la cérémonie de remise de diplôme post-universitaire. |
Photo : NVCC/CVN |
Pendant ses études, elle a commencé à se pencher sur les programmes de formation en neurosciences à l’étranger. "Je connaissais de nombreuses bonnes écoles, non seulement aux États-Unis et à Singapour, mais aussi en Allemagne et en Australie. Cependant, à l’époque, j’étais particulièrement intéressée par un sujet lié aux facteurs génétiques, en particulier la manière dont les protéines moléculaires biologiques influencent les patients. Il n’y avait que quelques professeurs dans le monde travaillant sur ce sujet, et l’Université de Stanford comptait le plus grand nombre de groupes de recherche dans ce domaine. J’ai donc soumis ma candidature et ai été acceptée à Stanford".
Hà Thi Thanh Huong avait déjà l’intention de revenir au Vietnam après ses études à l’étranger. Selon elle, sa motivation pour étudier à l’étranger était le désir de changer la manière dont la société perçoit la santé mentale, afin que les gens comprennent que les troubles mentaux sont des maladies, et non une lubie des patients. Elle souligne que dans le cerveau, il existe bien des changements aux niveaux moléculaire et chimique, qui amènent le patient à modifier sa manière de penser et de se comporter. Les médecins doivent donc utiliser des méthodes précises pour diagnostiquer, surveiller et traiter les patients.
Difficultés
"Vous ne pouvez pas simplement rencontrer une personne déprimée et lui dire d’être moins déprimée, moins triste, ou rencontrer un patient souffrant d’un trouble anxieux et lui dire d’être moins anxieux. De même, pour un patient atteint d’Alzheimer, vous ne pouvez pas lui dire d’essayer de se souvenir. Parce qu’ils ne peuvent vraiment pas le faire. Je souhaite retourner au Vietnam pour changer cette perspective et contribuer à ce processus de changement".
La Docteure Hà Thi Thanh Huong (gauche) fait un test sur un malade. |
Photo : NVCC/CVN |
Elle a rencontré de nombreuses difficultés au début de sa thèse de doctorat. "Ma spécialisation universitaire était la biotechnologie, et en troisième cycle, j’étudiais les neurosciences. À l’université, j’apprenais en vietnamien, tandis que pour la thèse de doctorat, j’apprenais en anglais. Les deux domaines sont totalement différents, tout comme les langues, il m’a donc fallu un certain temps pour m’adapter".
Son projet de recherche nécessite également de nombreuses techniques, y compris la dissection d’animaux et l’examen microscopique. Ces techniques demandent beaucoup de pratique pour mener ensuite des expériences approfondies et méthodiques et répondre à des questions pratiques.
Le travail de recherche est techniquement difficile et parfois coûteux. "Il y a eu de nombreux moments où j’ai eu envie d’abandonner parce que ce travail était trop difficile". La Docteure a ajouté qu’elle avait des amis et des membres de la famille qui la comprenaient et l’ont toujours soutenue.
Elle estime avoir eu de la chance de travailler dans le laboratoire de la Professeure agrégée-Docteure Hô Huynh Thùy Duong, qui est l’une des pionnières de la biologie moléculaire au Vietnam, pour son mémoire de fin d’études universitaires. Mme Thùy Duong lui a confié un projet lié à la création de lignées de protéines en vue de développer un kit de diagnostic du cancer du col de l’utérus. Hà Thi Thanh Huong a achevé ce projet en seulement deux mois, au lieu des six mois prévus.
"Le projet a été rapidement terminé grâce aux enseignants spécialisés en biotechnologie de l’Université des sciences naturelles, Université nationale de Hô Chi Minh-Ville, qui m’ont enseigné très soigneusement les techniques nécessaires pour réaliser une thèse de fin d’études. Ainsi, lorsque je suis devenue maître de conférences, j’ai pensé que si je voulais voir les étudiants réussir, je devais leur enseigner les compétences méthodiques comme on l’avait fait pour moi".
La Docteure Hà Thi Thanh Huong (2e à droite) lors de la cérémonie de remise du Prix “L’Oréal - UNESCO - Pour les femmes et la science”, en 2022. |
Photo : Thu Trang/CVN |
Prix prestigieux
En 2012, Hà Thi Thanh Huong a obtenu une bourse de doctorat pour étudier la neurologie à la prestigieuse Université de Stanford aux États-Unis. Elle est retournée au Vietnam en 2018 et est devenue maître de conférences à l’Université internationale de l’Université nationale de Hô Chi Minh-Ville.
En 2020, à l’âge de 31 ans, Huong a été l’une des 15 chercheuses dans le monde à recevoir le Prix "Early Career".
Avec son projet de recherche sur les techniques de détection précoce de la maladie d’Alzheimer grâce à l’utilisation d’un biomarqueur plasmatique, la protéine p-tau 217, elle a été l’une des trois scientifiques honorées en 2022 avec le Prix "L’Oréal - UNESCO - Pour les femmes et la science". Chaque lauréate a reçu un prix de 150 millions de dôngs (plus de 6.000 USD) pour mener des recherches plus approfondies.
"L’idée du sujet est venue d’un étudiant de troisième année du groupe de recherche, Pham Hoài Bao. Ce prix m’aide à lever des fonds pour mettre en œuvre le projet".
Pour elle, la science est une discipline où certaines qualités telles que la prudence, la capacité d’effectuer plusieurs tâches en même temps - des caractères que possèdent de nombreuses femmes - jouent un rôle crucial. Cependant, il est regrettable que le taux de femmes s’engageant dans la recherche, notamment pour atteindre les “sommets” de la science, soit encore très faible. Cela se reflète facilement dans les résultats des grands prix scientifiques du monde entier.
Parfois, les préjugés au sein de la famille et de la société conduisent les filles à croire qu’elles ne sont pas adaptées aux sciences et qu’elles ne peuvent travailler que dans d’autres professions que la comptabilité, la banque…
Le prix "L’Oréal - UNESCO - Pour les femmes et la science" est un succès au Vietnam, démontrant que les femmes peuvent également réaliser des travaux scientifiques importants pour la société. "Je suis honorée d’en faire partie. J’espère qu’il y aura davantage de prix comme celui-ci pour les jeunes afin de leur montrer des exemples et de les encourager à poursuivre cette voie".
Hoàng Phuong - Hông Nhung/CVN