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Le Japon vise la neutralité carbone d'ici 2050. |
Photo : CTV/CVN |
Ces panneaux à base de pérovskite (type de minéral) constituent "notre meilleur atout pour atteindre à la fois la décarbonation et la compétitivité industrielle", a insisté en novembre le ministre nippon de l'Industrie, Yoji Muto.
Le Japon vise la neutralité carbone d'ici 2050. Et au total, le pays souhaite installer d'ici 2040 suffisamment de panneaux solaires à pérovskite pour produire 20 gigawatts d'électricité... puissance équivalant à 20 réacteurs nucléaires supplémentaires.
De quoi l'aider à remplir son objectif de couvrir jusqu'à 50% de sa demande d'électricité par les renouvelables à cette date. L'archipel prévoit que l'énergie solaire couvre alors jusqu'à 29% de sa demande totale d'électricité contre 9,8% sur l'année 2023/2024.
Avantage majeur : l'iodure est un composant majeur des panneaux en pérovskite, et le Japon en produit davantage que tout autre pays, à l'exception du Chili.
Les défis restent cependant massifs: ces panneaux ne sont pas encore fabriqués en série, ils produisent moins d'électricité que leurs homologues à base de silicium et ont une durée de vie de dix ans contre trente pour les cellules en silicium conventionnelles. Et le plomb toxique qu'ils contiennent complique leur transformation.
Sécurité énergétique
Entre autres généreuses incitations, le gouvernement a offert une subvention de 157 milliards de yens (908 millions d'euros) au fabricant de plastique Sekisui Chemical afin de construire une usine capable de fabriquer suffisamment de panneaux à pérovskite pour générer 100 mégawatts d'électricité d'ici 2027, de quoi alimenter 30.000 foyers.
"Les panneaux à base de pérovskite peuvent être fabriqués localement, depuis l'extraction de matières premières jusqu'à la production et l'installation: ils pourraient contribuer significativement à la sécurité énergétique et économique", déclare à l'AFP Hiroshi Segawa, expert de ces technologies à l'Université de Tokyo.
Sur fond d'intense concurrence internationale, entretenue par des firmes chinoises, européennes et sud-coréennes, Tokyo espère faire de cette nouvelle technologie un pilier national et éviter que se renouvelle la débâcle des fabricants japonais face aux panneaux solaires chinois.
Au début des années 2000, les cellules photovoltaïques au silicium fabriquées au Japon représentaient près de la moitié du marché mondial : aujourd'hui, la Chine contrôle plus de 80% de la chaîne d'approvisionnement mondiale du solaire, de la production du polysilicium à la fabrication des cellules.
Ces panneaux à base de silicium sont constitués de fines plaquettes transformées en cellules. Ils doivent être protégés par des feuilles de verre renforcées et des cadres métalliques, ce qui rend les produits finis lourds et durs à manipuler.
À l'inverse, les cellules solaires en pérovskite, sont créées en imprimant des matériaux comme l'iodure et le plomb sur des films ou plaques de verre et le produit final peut ne mesurer qu'un millimètre d'épaisseur et peser un dixième du poids d'une cellule en silicium classique.
La malléabilité des panneaux en pérovskite leur permet d'être installés sur des surfaces irrégulières et courbes. Pratique dans un Japon couvert à 70% de montagnes et où les terrains plats sont très convoités.
Un immeuble tokyoïte de 46 étages en construction sera recouvert de ces panneaux. La ville de Fukuoka (sud-ouest) entend aussi en tapisser un stade de baseball en forme de dôme.
Dans les vitres des gratte-ciels ?
Et le géant de l'électronique Panasonic travaille à l'intégration de cellules en pérovskite dans les vitres : de quoi faciliter la production d'électricité là où elle est utilisée et réduire la charge sur le réseau électrique national, explique Yukihiro Kaneko, une responsable de la recherche du groupe.
La demande énergétique est élevée dans les villes, mais les parcs solaires sont souvent implantés dans les zones rurales où les prix des terrains sont bas : "Et si toutes ces fenêtres des immeubles de Tokyo étaient équipées de cellules photovoltaïques ?", s'interroge-t-elle.
Pour M. Segawa, la technologie progresse rapidement : certains prototypes en laboratoire sont presque aussi performants que les cellules en silicium et leur durabilité devrait atteindre bientôt 20 ans.
Le pérovskite au Japon pourrait ainsi représenter une capacité de jusqu'à 40 gigawatts d'ici 2040, assure même l'universitaire.
Plus généralement, "ce n'est pas une simple question de silicium ou pérovskite. Nous devons réfléchir à la manière d'optimiser notre capacité à utiliser les renouvelables", observe-t-il. "Si le Japon adopte un bon modèle, il pourra s'exporter à l'étranger".
AFP/VNA/CVN