Portraits
Préserver des Sūtras bouddhistes vietnamiens : passion d’une jeune moniale

Au cœur de l’espace solennel et paisible de la Journée des Nations unies pour Vesak 2025, organisée à Hô Chi Minh-Ville, une petite exposition attire l’attention au sein du Festival culturel international du bouddhisme. Là, une jeune nonne, au regard serein et à la voix douce, présente avec soin une collection de textes bouddhistes vietnamiens retrouvés et restaurés depuis la Corée du Sud. Derrière ce travail minutieux se trouve la vénérable Thích nữ Thiên Hải - une jeune moniale qui consacre sa vie à la préservation du patrimoine spirituel vietnamien à l’étranger.

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La monial Thiên Hai met en ordre des sūtras vietnamiens et coréens anciens.

C’est à l’occasion de ses études monastiques en République de Corée, il y a plus de dix ans, que la moniale Thiên Hai découvre que de nombreuses pagodes coréennes conservent encore des sūtras vietnamiens anciens - manuscrits en caractères Han et Nôm, transmis de génération en génération. Certains de ces textes datent de plus de soixante ans, voire plus, et sont étonnamment bien conservés.

Un chemin né d’une affinité

"J’ai été profondément émue de voir que les temples coréens ne se contentaient pas de conserver ces textes, mais les traitaient avec un profond respect. Ce ne sont pas de simples livres, ce sont des mémoires culturelles, l’esprit du bouddhisme vietnamien loin de sa terre natale", confie-t-elle.

Actuellement chercheuse au Centre d’étude et de préservation des sūtras anciens du temple Hải Quang (relevant de l’École supérieure de bouddhisme de Khánh Hòa), la nonne comprend pleinement la valeur de ces documents. Elle décide alors de se consacrer à leur collecte, leur restauration et leur préservation - un engagement exigeant persévérance et passion.

Un chemin silencieux et semé d’embûc

La moniale Thiên Hải présente sa collection de sūtras anciens aux visiteurs.

Ses premières recherches se déroulent entre le Vietnam et la République de Corée, puis s’élargissent au Japon et à Taïwan (Chine), où les communautés bouddhistes sont bien établies. Chaque découverte de manuscrit est une aventure. Certains sont retrouvés dans de vieilles boîtes en bois, moisis et fragiles, si bien qu’un simple contact risque de les déchirer. Tourner une page sans la briser devient un moment de joie intense.

"J’ai un jour trouvé un sūtra manuscrit datant de la dynastie des Nguyễn, écrit en Han-Nôm. L’encre était pâlie, le papier jauni. Il m’a fallu une loupe, des gants spéciaux et un scanner professionnel pour restaurer chaque page. Tourner une page intacte était pour moi comme trouver de l’or", raconte-t-elle avec émotion.

Mais la restauration ne s’arrête pas là. La nonne traduit et transcrit ces textes anciens pour les rendre accessibles à la jeunesse vietnamienne vivant en République de Corée, souvent incapable de lire les caractères traditionnels. Pour elle, il s’agit d’une nouvelle forme de diffusion du Dharma - adapter les enseignements bouddhistes à la société contemporaine sans trahir leur essence originelle.

Faire de la science avec des moyens rudimentaires

Ce qui impressionne le plus, c’est que tout ce travail est accompli dans des conditions très limitées. Pas de laboratoire, ni d’équipe technique, ni de financement institutionnel. Elle s’appuie sur les dons des fidèles, parfois même sur ses fonds personnels.

"Je ne fais rien d’extraordinaire. Je souhaite simplement que, lorsqu’une personne tient dans ses mains un sūtra restauré, elle ressente la paix, la présence des ancêtres, et un peu de l’âme vietnamienne. Cela suffit", dit-elle humblement.

Parfois, elle doit même racheter des manuscrits anciens à des collectionneurs privés, souvent inconscients de leur valeur spirituelle et culturelle.

Soutien silencieux de la République de Corée

Le Sūtra Avataṃsaka en 80 fascicules - issue des Tripitaka Koreana est exposé dans le cadre Vesak 2025

Heureusement, elle n’est pas seule. Plusieurs moines et maîtres coréens l’ont soutenue en lui ouvrant les portes des temples, en partageant des techniques d’impression traditionnelles et en l’accompagnant dans ses recherches.

Le vénérable Daejung, un maître de l’ordre Jogye, l’un des plus influents de Corée, témoigne : "La moniale Thiên Hải a non seulement un vœu profond, mais elle possède aussi les capacités de le réaliser. Son dévouement émeut même les Coréens que nous sommes".

Grâce à des collaborations, elle a pu apprendre les méthodes d’impression traditionnelles utilisées pour les célèbres Tripitaka Koreana - connus pour leur durabilité et leur beauté. Elle combine aujourd’hui les techniques vietnamiennes et coréennes afin de produire des restaurations à la fois fidèles et durables.

Un rêve : un centre national pour les sūtras anciens

Le plus grand souhait de la nonne est de voir naître au Vietnam un centre dédié à la recherche et à la préservation des sūtras anciens, doté d’une méthodologie rigoureuse et moderne. Un lieu non seulement pour conserver, mais aussi pour restaurer, numériser, transcrire et promouvoir ces trésors spirituels.

«En Corée, la préservation des textes bouddhistes est structurée avec sérieux, depuis leur classement jusqu’à leur numérisation. J’espère qu’un jour, le Vietnam aura lui aussi un tel modèle, pour que les générations futures puissent toujours accéder à l’héritage précieux de nos ancêtres», espère-t-elle.

Les Sūtras Kinh Phổ Môn Xuất Tượng sont copiés et restaurés sous forme de rouleaux.

En plus de dix ans, elle a réussi à restaurer et copier plusieurs sūtras précieux sous forme de rouleaux, tels que le Sūtra du Lotus (Diệu Pháp Liên Hoa), le Sūtra Phổ Môn Xuất Tượng, et récemment, une version rare du Sūtra Avataṃsaka en 80 fascicules - issue des Tripitaka Koreana. C’est la première fois que cette œuvre est exposée au Vietnam, à l’occasion de Vesak 2025, marquant un jalon dans les échanges culturels bouddhistes entre le Vietnam et la R. de Corée.

L’itinéraire de la nonne Thích nữ Thiên Hai ne se résume pas à une quête spirituelle ou intellectuelle. C’est une passerelle entre le passé et le présent, entre le patrimoine national et la dimension internationale, entre un engagement personnel et un service communautaire.

Dans l’espace d’exposition modeste de Vesak, parmi les sūtras soigneusement conservés, son regard suit discrètement les visiteurs. Peut-être espère-t-elle que chacun ressente quelque chose de sacré, de paisible - qu’ils comprennent que ces manuscrits ne sont pas que du papier et de l’encre, mais bien l’âme vivante d’une culture encore vibrante, même en exil.

Texte et photos : Quang Châu/CVN

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