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Hélène Luc, sénatrice honoraire française, lors d'une rencontre avec la presse en novembre 2023. |
Photo : Thu Hà/CVN |
De sa jeunesse passionnée, engagée dans le mouvement contre la guerre, à son statut de sénatrice honoraire, Hélène Luc est devenue un symbole de l’amitié franco-vietnamienne depuis plus de 70 ans.
Nous accueillant dans son petit appartement rempli de souvenirs sur l'avenue Villeneuve-Saint-Georges, dans la ville de Choisy-Le-Roi, en France, Hélène Luc prépare elle-même le café et dispose des pâtisseries. Avec sa silhouette vive et agile, peu de gens penseraient que cette femme a dépassé l'âge de 90 ans depuis quelques années déjà. Ses cheveux blond pâle légèrement ondulés, son visage marqué par les rides du temps, mais qui n'enlèvent rien à sa noblesse et à sa vivacité d'esprit. Sa jupe noire et sa veste rose la rendent même plus jeune et plus dynamique. Elle dégage une énergie positive qui captive inévitablement son interlocuteur.
Une grande affection pour le Vietnam
En montrant des souvenirs, des livres et des documents liés au Vietnam, elle nous emmène dans les souvenirs de sa relation affective avec ce pays en forme de S lointain durant plus de 70 ans. Des yeux brillants de joie, elle partage : "Mon amour pour le Vietnam ne s'arrêtera jamais".
Née en 1932, Hélène Luc a commencé sa carrière politique très tôt et était membre du Parti communiste français (PCF). Elle a été élue sénatrice en 1977 et a servi au Sénat français pendant plusieurs mandats, jusqu'en 2011, devenant l'une des femmes politiques les plus influentes de France. À travers différents rôles, de conseillère générale du Val-de-Marne à sénatrice et vice-présidente du Groupe d'amitié France - Vietnam au Sénat, et ensuite présidente de l'Association d'amitié franco-vietnamienne (AAFV), Madame Luc a contribué de manière significative à la consolidation des relations des deux pays.
Son lien avec le Vietnam a commencé lorsqu'elle était encore une jeune fille à Saint-Étienne. Fille d'un mineur d'origine italienne, elle a très tôt compris ce qu'était la guerre en étant témoin des bombardements dans sa ville natale pendant la Seconde Guerre mondiale. "J'ai compris ce qu'était la guerre. Le Vietnam était alors en lutte pour son indépendance, j'ai senti que je devais faire quelque chose", se souvient-elle.
Ses premières activités consistaient à participer à la collecte de lait, de laine et de produits de première nécessité à envoyer au Vietnam. Avec ses jeunes amis, elle décorait des vélos et parcourait divers endroits pour collecter des fonds pour le "Bateau pour le Vietnam" - l'un des premiers efforts du mouvement de solidarité franco-vietnamien.
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Hélène Luc est devenue un symbole de l'amitié franco-vietnamienne depuis plus de 70 ans. |
Photo : VNA/CVN |
Durant toute la période qui a suivi, le Vietnam a traversé d'abord la guerre contre les Français, puis celle contre les Américains. "Donc, au fil du temps, de guerre en guerre, j'ai toujours été intéressée par le Vietnam, par son combat et surtout par le but qu'il s'était assigné : gagner l'indépendance", confie-t-elle.
Parmi ses nombreux souvenirs du Vietnam, l'accueil de la Délégation de négociation de la République démocratique du Vietnam est probablement l'un des plus beaux et des plus profonds pour elle. À cette époque, la ville de Choisy-le-Roi et le PCF avaient hébergé la délégation à l'École centrale des cadres du PCF - le bâtiment Maurice Thorez, situé au 8 avenue du Général Leclerc. Initialement prévu pour quelques mois seulement, la délégation a dû y rester pendant cinq ans pour négocier les Accords de paix de Paris. Hélène Luc a raconté que pendant cette période, le Vietnam avait reçu beaucoup de soutien d'amis internationaux.
Elle se souvient des slogans sur les banderoles comme "Paix pour le Vietnam, le Vietnam de Hô Chi Minh va gagner"... qui apparaissaient non seulement dans des manifestations en France mais aussi en Allemagne et même aux États-Unis.
En 1978, lors de sa première visite au Vietnam après la guerre, ce qu'elle a vu l'a profondément marquée : "En 1978, les Vietnamiens avaient faim. J'y suis allée visiter, avec mon mari Louis Luc, une école que Choisi-le-Roi avait contribuée à construire. Et à la fin de la visite, j'ai dit +Mais la cuisine elle est où ?+ On nous a montré une marmite avec 40 petites boules de viande. Une boule par enfant, c'est tout pour le repas. Et pourtant, ces mômes ils étaient bien habillés, ils étaient propres, tout. Mais il n'y avait rien à manger".
Elle évoque également d’autres souvenirs : "Quand on voulait avoir un stylo bille, il fallait aller dans les rues de Hanoï, il fallait prendre de l'encre et remplir son stylo bille. À l'époque, on transportait la viande sur les vieux vélos... Ce sont les images dont je me souviens encore".
Et jusqu'à présent, alors que la guerre s’est éloignée ce pays depuis 50 ans, elle continue de s'intéresser au Vietnam, de le soutenir activement. Dans toutes les activités liées à ce pays (collectes de fonds, projets de coopération, et bien d’autres...), elle est toujours en première ligne.
Elle s'intéresse profondément à la question de l'agent orange/dioxine, soutenant la bataille juridique de Trân Tô Nga contre le groupe Monsanto et d'autres entreprises chimiques qui ont fourni des défoliants à l'armée américaine pendant la guerre du Vietnam. Elle s'inquiète des défis du changement climatique auxquels le Vietnam est confronté. Elle n'hésite pas à exprimer son point de vue sur les injustices dans les relations internationales actuelles, en particulier l'imposition par les États-Unis de droits de douane réciproques sur les exportations vietnamiennes. Elle se réjouit d'être témoin du développement extraordinaire du pays au cours du dernier demi-siècle.
"Lorsque le Vietnam a été réunifié, il y a des journalistes qui disaient qu’il faudra au moins 100 ans pour qu'il puisse à nouveau compter dans le monde. 100 ans, au moins ! Mais au bout de 50 ans, on voit ce qu'il en est. C'est vraiment une très grande victoire, parce que le Vietnam est devenu un pays puissant, qui compte dans le monde, non seulement sur le front diplomatique mais aussi en termes de développement de la paix".
Un témoin vivant de l'histoire des liens franco-vietnamiens
Aujourd'hui, bien qu'elle soit d'un âge avancé, Hélène Luc continue de suivre et de soutenir les activités qui lient les deux peuples, devenant un témoin vivant de l'histoire des relations franco-vietnamiennes et un précieux trait d'union pour l'amitié durable entre les deux pays.
En parlant de ses contributions, Nguyên Hai Nam, président de l'Association d'amitié franco-vietnamienne (AAFV), a avoué que Hélène Luc était une personne "immanquable" à l'AAFV. Elle est présente partout, dans toutes les activités de l'association.
"C'était non seulement une de mes prédécesseurs, mais c'est une figure de l'AAFV. Même aujourd'hui elle nous accompagne dans les activités en France et au Vietnam à l'occasion du 50e anniversaire des Accords de Paris en 2023. Même aujourd'hui, elle est toujours active. C'est quelqu'un qui est adorable".
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Hélène Luc (gauche) soutient le combat juridique de Trân Tô Nga (centre), victime vietnamienne de l'agent orange/dioxine, contre le groupe Monsanto et d'autres entreprises chimiques qui ont fourni des défoliants à l'armée américaine pendant la guerre du Vietnam. |
Photo : Thu Hà/CVN |
De son côté, l'ambassadeur du Vietnam en France, Dinh Toàn Thang, observe que Hélène Luc est un exemple remarquable de l'amitié et de la solidarité des amis et du peuple français envers le peuple vietnamien depuis de nombreuses décennies. Des activités locales à Choisy-le-Roi aux activités parlementaires, en particulier au Sénat, des activités associatives aux activités dans les partis politiques, notamment le PCF, Hélène Luc a toujours démontré son énergie et sa confiance dans les relations et l'amitié entre le Vietnam et la France, tant dans la lutte pour l'indépendance nationale et la réunification du pays par le peuple vietnamien autrefois, que dans la construction et la défense de la Patrie aujourd'hui.
"On peut dire que Hélène Luc est une femme à l'énergie inépuisable pour le Vietnam. Elle est aussi une personne qui crée une image captivante pour tous les amis français d'aujourd'hui comme d'hier. Et chaque fois que nous sommes à ses côtés, nous sommes également contactés et très encouragés à pouvoir travailler avec elle, participer à ses activités et stimuler davantage d'activités pour renforcer la solidarité, l'amitié ainsi que les relations et la coopération entre la France et le Vietnam", affirme l'ambassadeur.
Ses contributions importantes ont été reconnues par l'État vietnamien à travers de nombreuses récompenses et décorations prestigieuses, dont l'Ordre de l'Amitié et l'Ordre de l'Indépendance. Elle a également reçu le titre de Citoyenne d'honneur de plusieurs provinces et ville du Vietnam. En particulier, à l'occasion du 50e anniversaire de la réunification du pays, elle était l'une des invités internationaux les plus importants à assister à la cérémonie de célébration du 30 avril à Hô Chi Minh-Ville sur invitation officielle de l'État vietnamien.
À travers elle, nous voyons non seulement l'histoire des relations franco-vietnamiennes, mais nous ressentons également les sentiments profonds d'une femme française qui a consacré toute sa vie à construire des ponts d'amitié entre les deux peuples. "Mon combat avec le Vietnam sera éternelle. C'est ma deuxième Patrie avec l'Italie, où mes parents sont nés. Pour le Vietnam, je souhaite toujours le meilleur", telle est la dernière confession de Hélène Luc à la fin de son entretien avec la correspondante de l'Agence Vietnamienne d'Information à Paris.
Nguyên Thu Hà/CVN