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La pression des soins pour 14 millions de citoyens constitue un défi majeur pour Hô Chi Minh-Ville après cette fusion. |
Servir une population avoisinant les 14 millions d’habitants soulève de nombreux défis en matière de capacité du système, de ressources médicales et de modes de gestion. Le secteur de la santé de Hô Chi Minh-Ville est confronté à une équation complexe qui nécessite des réponses globales et urgentes.
Renouveau
Hô Chi Minh-Ville vient d’achever le projet de réorganisation globale de ses services spécialisés à la suite de la fusion avec Binh Duong et Bà Rịa-Vung Tàu. L’un des changements majeurs consiste à unifier les trois départements de la santé en un seul Service de la santé de Hô Chi Minh-Ville, doté d’un périmètre, de responsabilités et d’une influence considérablement accrue.
Dans la foulée, un colloque sur l’évaluation de la capacité de prestation des services de santé a été organisé afin de cerner les besoins réels et les orientations futures. Cette étape est essentielle pour garantir que le secteur de la santé soit à la hauteur des attentes de la population dans un contexte de redéfinition territoriale et de croissance démographique.
Redéfinir les indicateurs sanitaires
Selon le Professeur associé et Docteur Tang Chí Thuong, directeur du Service de la santé de Hô Chi Minh-Ville, la ville comptera plus de 13,7 millions d’habitants après la fusion. Bien que la population augmente, les indicateurs sanitaires par habitant tendent à baisser en raison du déséquilibre entre les systèmes de santé des trois localités.
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Les indicateurs sanitaires doivent être modifiés pour répondre à toutes les urgences. |
Concrètement, le nombre total de lits d’hôpital passe à 41.525 à 49.147, mais le ratio de lits pour 10.000 habitants chute de 41,7 à 31,3 , en dessous de la norme minimale actuelle de 42 lits/10.000 habitants. Le nombre de médecins s’élève à près de 24.630, mais le ratio diminue également de 20,8 à 13,08 pour 10.000 habitants, contre un objectif de 21. Le nombre d’infirmiers pour 10.000 habitants passe de 37 à 29, alors que l’indicateur recommandé est de 39.
Ces baisses sont les conséquences inévitables de l’agrandissement administratif, mais elles soulignent aussi l’urgence d’un mécanisme spécial et d’un ajustement des indicateurs stratégiques adaptés à la nouvelle configuration.
Pression sur les hôpitaux
L’un des défis majeurs est le risque de surcharge des hôpitaux de dernier recours à Hô Chi Minh-Ville. Les prévisions estiment une augmentation des consultations de plus de 42 millions à plus de 51 millions par an. Les hospitalisations devraient également grimper de 2,2 millions à 3,8 millions par an. Ainsi, le système de santé post-fusion assumera environ 30% des consultations externes et 23% des hospitalisations du pays, des proportions extrêmement élevées.
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La modernisation du système est impérative pour garantir un accès équitable aux services de santé. |
Selon le Professeur associé Tang Chi Thuong, cette pression est aussi une opportunité d’élargir le réseau de soins de qualité. Investir dans de nouveaux établissements, en particulier à Bà Rịa-Vũng Tàu et Binh Duong,constitue une stratégie clé pour désengorger les hôpitaux actuels et développer le tourisme médical.
En outre, Hô Chi Minh-Ville reste la seule des trois localités à avoir mis en œuvre avec succès un réseau de secours extra-hospitalier, notamment avec le Centre de secours d’urgence 115 et ses antennes. Étendre ce modèle aux deux autres provinces est essentiel pour garantir une capacité de réponse rapide aux urgences et catastrophes.
Pour le transfert de compétences
L’Hôpital d’oncologie de Hô Chi Minh-Ville, qui accueille plus de 880.000 consultations annuelles, est depuis longtemps habitué à traiter des patients venus d’autres provinces (70% de sa patientèle). Avec la fusion, la demande ne fera qu’augmenter, entraînant des temps d’attente plus longs en l’absence de mesures appropriées.
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Vue de l’Hôpital d’oncologie de Hô Chi Minh-Ville. |
De même, l’hôpital Binh Dân qui accueille 2.300 patients/jour dont 60% viennent d’autres provinces investit activement dans de nouvelles infrastructures, élargit ses consultations et étend ses horaires. L’hôpital Nhân Dân 115, avec près de 4.000 consultations/jour et 2.000 patients hospitalisés, prévoit quant à lui des extensions, la création d’unités satellites et un transfert actif de techniques vers les provinces partenaires.
Le Docteur Trân Van Song, directeur de l’hôpital Nhân Dân 115, estime que l’interconnexion du système est essentielle. Le transfert de technologies en matière de traitement des AVC, de rééducation et de pathologies complexes permettra aux localités de devenir progressivement autonomes et de réduire la pression sur les hôpitaux centraux.
Fidéliser les ressources humaines : un enjeu vital
Un autre problème majeur des hôpitaux post-fusion est le mode de gestion financière autonome et la rétention des professionnels de santé qualifiés. Selon les directeurs d’hôpitaux, sans innovation continue et sans amélioration des services, il sera impossible de retenir les meilleurs médecins.
Cela signifie aussi que les établissements de soins secondaires, s’ils ne prennent pas l’initiative d’investir et d’évoluer vers des soins spécialisés et techniques, auront du mal à survivre dans un environnement de santé compétitif et autonome.
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L'IA est appliquée pour soutenir les médecins à traiter des maladies. |
Accélérer la transformation numérique
L’un des points forts du système de santé de Hô Chi Minh-Ville ces dernières années est sa transition numérique. Des plateformes comme le portail d'information sur les pratiques médicales, l'application de gestion du personnel médical, ou le système de recherche de médicaments d’urgence ont contribué à améliorer l’efficacité de la gestion et de la supervision du secteur.
Cependant, avec l’élargissement du territoire et la multiplication des établissements de santé, la mise à jour, l’intégration et la synchronisation des données deviennent cruciales. Le moment est venu d’investir davantage dans des plateformes de données partagées, intégrant l’intelligence artificielle pour surveiller la qualité des soins, gérer les pratiques médicales et contrôler les secteurs de la cosmétique et de la pharmacie.
Avec la suppression de l’inspection départementale dans le nouveau modèle, le rôle de l’État dans la régulation doit en particulier être renforcé via la technologie, une délégation raisonnable des pouvoirs et une coordination cohérente entre les organismes concernés.
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Les hôpitaux privés soutiennent le développement de Hô Chi Minh-Ville. |
Vision pour un système de santé métropolitain intégré
La fusion de ces trois localités en une entité administrative unique ne doit pas se limiter à une réorganisation institutionnelle. Dans le domaine de la santé, il s’agit d’une opportunité unique de bâtir un écosystème de soins intégrés, cohérents et de dimension régionale.
Si les ressources sont bien exploitées, et que l’harmonisation est assurée entre la planification et les politiques, Hô Chi Minh-Ville peut devenir un centre de santé technologique de pointe, non seulement pour les 13 millions d’habitants de la région fusionnée, mais aussi pour l’ensemble du pays et l’Asie du Sud-Est.
Les défis sont immenses, mais si la direction est la bonne, cette période pourrait marquer la transformation radicale du système de santé de Hô Chi Minh-Ville en un modèle de développement urbain du XXIe siècle.
Texte et photos : Quang Châu/CVN