>> Une écrivaine vietnamienne remporte un prix littéraire aux États-Unis
>> L’écrivaine Nguyên Phan Quê Mai remporte deux prix littéraires français
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L'écrivaine Nguyên Phan Quê Mai. Photo : NVCC/CVN |
Une voix vietnamienne résonne désormais aux quatre coins du monde. Celle de Nguyên Phan Quê Mai, écrivaine née au Vietnam, qui s’est imposée sur la scène littéraire internationale avec ses récits poignants et profondément enracinés dans l’histoire et la culture de son pays.
Connue au Vietnam pour ses poèmes patriotiques, comme Tổ quốc gọi tên mình (La Patrie m’appelle par mon nom), popularisé grâce à sa mise en musique, Nguyên Phan Quê Mai est devenue une figure incontournable de la littérature vietnamienne contemporaine.
Mais c’est à l’étranger qu’elle connaît une reconnaissance fulgurante. En 2020, elle publie The Mountains Sing (Pour que chantent les montagnes), son premier roman écrit directement en anglais. Le livre rencontre un succès immédiat, se hisse parmi les meilleures ventes aux États-Unis et est traduit dans une vingtaine de langues. Son second roman, Dust Child (Là où fleurissent les cendres), confirme ce talent rare. Ensemble, ces deux œuvres lui valent de prestigieuses distinctions littéraires, notamment en France, pays exigeant s’il en est en matière de littérature.
Une réussite éclatante
Ce chemin vers le lectorat mondial n’a rien eu d’évident. Lorsqu’elle se lance dans l’écriture de The Mountains Sing, Quê Mai quitte son emploi salarié, misant tout sur un projet qui n’avait alors ni éditeur ni garantie de publication. L’audace paie. Bien qu’écrire dans une langue apprise - l’anglais - constitue un défi constant, elle y voit une chance de porter plus loin la voix vietnamienne. À ses yeux, ce choix linguistique répond aussi à une logique stratégique : les éditeurs étrangers privilégient les manuscrits rédigés dans leur propre langue, et les traducteurs de l’anglais vers d’autres langues sont plus nombreux.
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L'écrivaine Nguyên Phan Quê Mai et son œuvre The Mountains Sing. |
Photo : CTV/CVN |
Mais loin de diluer l’identité vietnamienne, ses romans en anglais la célèbrent. On y retrouve des bribes de langue vietnamienne, des proverbes, des chants, des descriptions fines de la cuisine, des paysages ou de la société. ''Je veux montrer au monde un Vietnam authentique'', confie-t-elle. Elle avoue même que sa manière imparfaite de manier l’anglais donne à ses textes une ''couleur locale'' précieuse.
L’année 2025 a été particulièrement marquante pour Nguyên Phan Quê Mai. Elle a été conviée à s’exprimer dans de prestigieuses universités américaines telles que Stanford, Columbia ou UCLA, avant de partir à la rencontre de ses lecteurs au Danemark, en Allemagne et en France, où ses deux romans ont connu plusieurs éditions, du grand format au poche. Elle se dit admirative de la rigueur des maisons d’édition françaises, qui ont su construire une stratégie de diffusion et de communication solide autour de ses livres.
Elle ne manque pas de souligner le rôle déterminant de sa traductrice française, Sarah Tardy, ainsi que de son éditrice, Camille Jure.
''Les deux prix que j'ai reçus sont en grande partie le fruit du travail de la traductrice Sarah Tardy, une professionnelle chevronnée qui a traduit plus de soixante romans. Elle et la directrice éditoriale Camille Jure ont travaillé avec un grand sérieux pour publier deux traductions qui respectent au mieux l'esprit de l'œuvre'', insiste-t-elle, avec une humilité constante.
Lors de ses tournées, elle n’hésite pas à réciter ses poèmes en vietnamien ou à chanter du cải lương (théâtre rénové) - une forme d'art folklorique du Sud du Vietnam, au grand ravissement de son public. Ces gestes, simples mais puissants, sont pour elle une manière d’ancrer encore plus son œuvre dans une tradition vivante, et de créer des ponts entre les cultures.
Si ses succès sont personnels, Nguyên Phan Quê Mai les pense toujours dans un cadre plus large : celui de la littérature vietnamienne. ''Le potentiel de nos écrivains est immense'', affirme-t-elle. Mais ce potentiel reste, selon elle, entravé par le manque de soutien structurel : peu d’investissement dans la traduction, peu de formation pour les traducteurs, et une stratégie encore timide pour exporter les œuvres vietnamiennes.
Le feu intérieur
Pour autant, chaque auteur, dit-elle, doit trouver son propre chemin. Elle ne prodigue pas de conseils, seulement des témoignages. ''Je lis beaucoup, je participe à des conférences, j’écoute les autres écrivains du monde entier. C’est une école permanente'', explique-t-elle. Elle encourage les écrivains vietnamiens à lire massivement en vietnamien comme en langue étrangère, à cultiver leur curiosité, à affiner leur plume pour s’ouvrir à des publics plus larges.
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L'écrivaine Nguyên Phan Quê Mai s'entretient avec les élèves de l'École internationale Wellspring le 25 avril. |
Photo : NVCC/CVN |
À la question de savoir ce qui la pousse à écrire, Nguyên Phan Quê Mai répond sans détour : ''Je ne pense pas aux ventes. J’écris si le sujet est suffisamment fort pour que je puisse y consacrer plusieurs années sans perdre ma flamme''. Ce feu intérieur, elle le cultive avec rigueur. Sa discipline de travail est constante. Et si elle reçoit aujourd’hui les honneurs de la critique, elle n’oublie pas les années de silence, de doutes et de manuscrits refusés.
À 33 ans, elle publie son premier poème. Aujourd’hui, elle a publié huit ouvrages en vietnamien, des recueils de poésie, de nouvelles, des récits de voyage. Mais son avenir, elle le voit à la fois en anglais et en vietnamien. Elle espère faire paraître prochainement la version vietnamienne de ses romans - un retour attendu par ses lecteurs du pays natal, qu’elle remercie pour leur soutien sans faille.
Nguyên Phan Quê Mai, avec ses mots tissés entre deux langues, est devenue une passerelle entre le Vietnam et le reste du monde. Son parcours prouve que la littérature, lorsqu’elle est portée par la sincérité et le travail, peut abolir toutes les frontières.
Minh Hung - Dan Thanh/CVN