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Le roi Trân Nhân Tông fut le troisième souverain de la dynastie Trân (1226-1400), régnant pendant 14 ans (de 1278 à 1293). Il est reconnu comme l’un des rois les plus éclairés de l’histoire monarchique du Vietnam, un héros ayant vaincu à deux reprises les armées mongoles, ainsi qu’un grand homme de culture.
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Vue d'ensemble de l'ermitage Ngọa Vân avant les fouilles archéologiques (2017). |
Photo : Nguyên Van Anh/Vietnamnet/CVN |
En 1293, à l’âge de 35 ans, il abdiqua en faveur de son fils et se retira à Thiên Truong (Nam Đinh aujourd’hui) pour devenir Thai Thuong Hoàng (Roi retraité). En 1299, il entra dans la vie monastique sur la montagne Yên Tu, prenant le nom de Truc Lâm Dai Si, et fonda l’école zen Truc Lâm Yên Tu. En novembre 1308, il atteignit la paix ultime au pavillon Ngọa Vân (Dông Triêu - Quang Ninh).
Selon les documents historiques, après sa mort spirituelle (hóa Phật) à Ngọa Vân, ses disciples procédèrent à la crémation de son corps et recueillirent plus de 3 000 perles de reliques (xá lợi). Le roi Trân Anh Tông fit ramener ces reliques pour les installer à la pagode Tư Phúc, située dans la Cité impériale de Thăng Long. Par la suite, elles furent réparties dans divers lieux, notamment à Ngọa Vân, Hoa Yên, Phô Minh, Đuc Lang, Quynh Lâm…
Le parcours de Trân Nhân Tông - de l’abandon du trône à l’ordination, l’atteinte de l’illumination, la prédication du Dharma et la mort sereine en posture du lion couché, suivi de la distribution de ses reliques - est considéré comme une reproduction symbolique de la vie spirituelle du Bouddha Shakyamuni, depuis son renoncement jusqu’à la dispersion de ses reliques après sa mort.
Après son accession à l’état de Bouddha, le roi Trân Anh Tông lui conféra le titre honorifique de "Đại Thánh Trần Triều Trúc Lâm Đầu Đà Tinh Tuệ Giác Hoàng Diệu Ngự Tổ Phật". Le peuple l’appelle plus communément Phật Hoàng – le Roi-Bouddha.
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Nguyên Xuân Manh, maître de conférences principal en archéologie (chemise bleue, chapeau), découvreur direct de la boîte de reliques de Phât Hoàng à l’ermitage Ngọa Vân, explique aux assistants de terrain la méthode de mise au jour des reliques. |
Photo : Nguyên Van Anh/Vietnamnet/CVN |
Au pavillon Ngọa Vân se trouve encore aujourd’hui une stūpa construite en 1707, appelée la stūpa du Roi-Bouddha (Tháp Phât Hoàng). À l’intérieur est placée une tablette commémorative, sur laquelle figure une inscription en caractères chinois, dont la transcription est : "Nam mô đệ nhất tổ Trúc Lâm đầu đà Tinh tuệ giác hoàng Trần triều đệ tam Nhân Tông Hoàng đế Diệu ngự vương Phật" . ("Hommage au premier patriarche Trúc Lâm, moine ascète, Bouddha de la pure sagesse, roi Trân Nhân Tông, troisième souverain de la dynastie Trân, devenu le Bouddha du peuple").
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La boîte de reliques du Roi Bouddha, nouvellement découverte à l’ermitage Ngoa Vân. |
Photo : Nguyên Van Anh/Vietnamnet/CVN |
Ainsi, le concept de "xá lợi Phật Hoàng" fait référence aux reliques du Roi-Bouddha Trân Nhân Tông, reconnu comme le Bouddha du Vietnam. C’est un aspect culturel remarquable et unique du bouddhisme vietnamien.
Le bouddhisme vietnamien a toujours eu une tendance à "vietnamiser" ses figures bouddhiques. À ses débuts, cela se traduisait par l’assimilation de l’image du Bouddha avec celle de Bà Dâu, des Quatre Déités (Tu Phap), des figures proches de la mentalité des populations rurales.
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La boîte de reliques du Roi Bouddha découverte à l’ermitage Ngọa Vân. |
Photo : Nguyên Van Anh/Vietnamnet/CVN |
Selon la croyance populaire, les Tứ Pháp (Nuages, Pluie, Tonnerre, Éclair) sont vénérées en tant que quatre déesses bouddhistes, appelées respectivement Bà Dâu, Bà Đậu, Bà Tuong et Bà Dàn. La population les considère comme quatre sœurs : Dame Dâu est l'aînée, Dame Đậu la deuxième, Dame Tướng la troisième, et Dame Dàn la benjamine. Ces quatre déesses sont vénérées dans quatre temples différents de la région de Dâu, à Bắc Ninh.
Sous la dynastie Trần, cette tendance se manifeste par l’unification de l’image du Bouddha avec celle d’un roi sage, héros national ayant renoncé au trône pour atteindre l’Éveil – le Roi-Bouddha.
Ngọa Vân révèle une boîte à reliques bouddhiques
Afin de restaurer et de valoriser le site historique de l’ermitage Ngọa Vân, en 2017, avec l’autorisation du ministère de la Culture, des Sports et du Tourisme, l’Université des sciences sociales et humaines – Université nationale du Vietnam à Hanoï – a coopéré avec le Musée de Quảng Ninh et le bourg de Đông Triều pour entreprendre des fouilles archéologiques sur le site de l’ermitage Ngọa Vân.
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La boîte reliquaire est composée de deux couches ; à l'intérieur se trouvent un objet en forme de bâton et un autre en forme de disque (ressemblant à la surface d’une molaire). |
Photo : Nguyên Van Anh/Vietnamnet/CVN |
L’objectif principal de ces fouilles était de retrouver les traces de la stūpa du Roi-Bouddha, construite en 1308 par Pháp Loa, le deuxième patriarche de l’école zen Trúc Lâm. En parallèle, les fouilles visaient à comprendre la structure et l’ampleur architecturale de l’ermitage Ngoa Vân à travers les époques, afin de fournir une base scientifique solide pour sa conservation et la mise en valeur de son patrimoine.
Les résultats des fouilles ont permis de révéler de nombreuses données nouvelles, clarifiant la structure, l’échelle ainsi que l’histoire de la formation et des transformations du site de l’ermitage Ngọa Vân, dans l’ensemble du complexe historique. Parmi ces découvertes figurent des éléments importants permettant d’affirmer que la stūpa actuelle du Roi-Bouddha, encore existante aujourd’hui, est une construction neuve érigée en 1707, bâtie à un emplacement différent de celui de la stūpa originale de 1308.
Par ailleurs, les archéologues ont découvert une boîte en métal mesurant 80/83 mm de long, 45/46 mm de haut et 46/49 mm de large.
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Consultation avec des experts japonais au sujet de la boîte reliquaire du Roi- Bouddha. |
Photo : Nguyên Van Anh/Vietnamnet/CVN |
L’analyse de la composition du matériau de la boîte, réalisée par fluorescence X, a révélé qu’elle était fabriquée en alliage de plomb, de cuivre et d’étain. Les radiographies industrielles effectuées à l’aide de l’appareil X-Ray RF-300EGM montrent que la boîte est composée de deux couches, et qu’à l’intérieur se trouvent un objet de forme allongée et un objet circulaire (ce dernier ressemblant à la surface d’une molaire).
En comparant cette boîte avec celles contenant des reliques découvertes dans des stūpas bouddhiques en Chine et au Vietnam, les scientifiques ont constaté une grande similitude de forme et de structure. À partir de toutes ces données, on peut affirmer que la boîte découverte à Ngoa Vân est une boîte à reliques.
Les sources historiques et archéologiques montrent qu’en Chine, depuis l’époque de l’empereur Sui Wen Di, l’inhumation des reliques du Bouddha suivait un rituel impérial. Les boîtes à reliques étaient alors conçues avec plusieurs couches de protection. Ce modèle a ensuite influencé plusieurs pays d’Asie de l’Est.
En se basant sur le lieu de découverte, les caractéristiques morphologiques et structurelles de la boîte, on peut constater qu’aucun autre maître spirituel dans l’histoire du bouddhisme vietnamien, à part le Roi-Bouddha Trần Nhân Tông, n’aurait pu bénéficier d’un rituel funéraire d’inspiration impériale, affirme le docteur Nguyễn Văn Anh.
C’est pourquoi les experts sont convaincus que la boîte à reliques découverte à Ngọa Vân contient les reliques de Trân Nhân Tông.
L’importance d’un hommage digne des reliques bouddhiques
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La pagode Ngoa Vân, site historique national spécial, est le berceau de l’école zen Trúc Lâm. |
Photo : VNA/CVN |
Pour vénérer les reliques de Phât Hoàng Trân Nhân Tông, les fidèles effectent un pèlerinage à Ngoa Vân, lieu de son accession à l’état de Bouddha ; à Hoa Yên – Yên Tu, où ses reliques et sa statue sont placées dans la stūpa Huê Quang, au sein du jardin des stūpas des patriarches ; ou encore au temple Phô Minh, où ses reliques sont actuellement installées au 11e étage de la tour datant de la dynastie Trân.
Concernant la protection des reliques bouddhiques au Vietnam, d’après l’expert en archéologie du Musée d’Histoire de l’Université nationale de Hanoï Nguyên Van Anh, non seulement les reliques, mais tous les trésors nationaux en général doivent être traités avec le respect et la reconnaissance qu’impose leur valeur.
D’après ses observations, beaucoup de ces trésors nationaux ne reçoivent pas encore l’attention qu’ils méritent.
Il est donc nécessaire, d’une part, d’approfondir les recherches, l’évaluation et la valorisation de ces trésors, et d’autre part, de renforcer la diffusion d’informations scientifiques et précises, afin que le public puisse mieux connaître, comprendre et apprécier la véracité et la valeur de ces patrimoines exceptionnels, et ainsi les honorer à leur juste niveau.
En ce qui concerne les reliques bouddhiques, et en particulier celles de Phật Hoàng, contrairement aux autres trésors culturels, en plus de la participation active des scientifiques dans leur étude et leur évaluation, le rôle du clergé bouddhique est fondamental et irremplaçable dans leur préservation, valorisation et diffusion.
Xuân Lôc/CVN