Le polymathe Lê Quy Dôn honoré par l’UNESCO

L’UNESCO a adopté une résolution historique pour célébrer en 2026 le tricentenaire de la naissance de l’encyclopédiste vietnamien Lê Quy Dôn. Ce geste symbolise la reconnaissance mondiale d’un esprit universel dont l’œuvre transcende les siècles.

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La délégation vietnamienne à la 43e session de la Conférence générale de l’UNESCO, tenue le 31 octobre dernier à Samarcande, en Ouzbékistan. 
Photo : VNA/CVN

Le 31 octobre dernier, à Samarcande en Ouzbékistan, la 43e session de la Conférence générale de l’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO) a adopté une résolution rendant hommage à Lê Quy Dôn (1726-1784), désigné “Grand homme de culture”. Cette reconnaissance marque une étape majeure pour la diplomatie culturelle du Vietnam.

Pour l’ambassadrice Nguyên Thi Vân Anh, cheffe de la Mission permanente du Vietnam auprès de l’UNESCO, il s’agit d’“un honneur non seulement pour la province de Hung Yên (Nord), terre natale du savant, mais aussi pour l’ensemble du pays”. En 2026, des célébrations seront organisées en coopération avec l’UNESCO et de nombreux partenaires internationaux, témoignant de la portée universelle de son héritage.

Considéré comme l’un des plus grands polymathes vietnamiens du XVIIIᵉ siècle, Lê Quy Dôn a laissé une œuvre colossale comprenant une quarantaine d’ouvrages couvrant des domaines aussi variés que l’histoire, la géographie, la poésie, la philologie, l’exégèse des classiques et les écrits en nôm (écriture démotique sino-vietnamienne). Son influence a largement dépassé les frontières du Vietnam, rayonnant à l’échelle régionale.

Une brillante carrière

Né le 2 août 1726 dans le village de Diên Hà, aujourd’hui rattaché à la province de Hung Yên, Lê Quy Dôn - de son nom d’enfance Lê Danh Phuong - manifeste dès son plus jeune âge une mémoire et une intelligence exceptionnelles. À deux ans, il a déjà lu quelques caractères chinois “l’être” (hữu) et “le non-être” (vô). À cinq ans, il récite les poèmes du Kinh Thi (Livre des Odes) ; à dix ans, il assimile 80 à 90 chapitres d’histoire par jour.

Les anecdotes sur son génie enfantin abondent. L’une des plus célèbres raconte qu’à la demande d’un haut dignitaire venu visiter son père, il improvisa un poème en langue vernaculaire. Ce poème, à la fois malicieux et plein d’autodérision, séduisit l’assemblée et consacra la réputation du jeune prodige. À dix-sept ans, il obtient le titre de Giải Nguyên (lauréat du concours régional), puis à vingt-sept ans celui de Bảng Nhãn (deuxième rang national), devenant ainsi l’un des plus jeunes érudits de son temps.

Lê Quy Dôn a mené ensuite une brillante carrière de haut fonctionnaire sous la dynastie Lê - Trinh. Lors de sa mission diplomatique en Chine (1760-1762), il rencontra de nombreux lettrés et savants étrangers. Ces échanges, alliés à une curiosité sans limite, nourrirent une vision ouverte sur la connaissance universelle. Il s’intéressa non seulement à la philosophie et à l’histoire, mais aussi à la géographie, à l’agriculture, à l’astronomie et même aux sciences naturelles. On disait de lui : “Thiên hạ vô tri vấn Bảng Đôn” (C’est-à-dire : Quand quelqu’un ignore quelque chose qu’il s’adresse à Lê Quy Dôn). L’expression reflète la place unique qu’occupait ce véritable “trésor de sagesse” dans la société lettrée vietnamienne du XVIIIe siècle. Léguant à la postérité près de quarante ouvrages couvrant la quasi-totalité des disciplines de son époque, Lê Quy Dôn mérite pleinement le qualificatif de “bachelier universel”.

L’érudit Lê Quy Dôn. Photo : BTN/CVN

Son Vân Đài loại ngữ, souvent qualifié d’encyclopédie vietnamienne, compile en neuf volumes les savoirs de son temps : philosophie, cosmologie, géographie, linguistique, littérature, sciences naturelles, économie... L’ordre méthodique, la rigueur logique et la profondeur conceptuelle de l’œuvre en font une référence incontournable pour les chercheurs en hán nôm (idéogrammes sino-vietnamiens), en culture et en histoire de la pensée vietnamienne.

Dans le domaine historique, son Đại Việt thông sử (chronique en trente volumes couvrant plus d’un siècle de la dynastie Lê) est une référence incontournable pour les chercheurs contemporains. L’auteur y expose une véritable méthode critique de l’histoire :

Écrire l’histoire, disait-il, c’est recueillir tout sans omission afin que les générations futures comprennent l’origine et le sens des choses”.

En littérature, il compile avec minutie les chefs-d’œuvre poétiques du pays dans le Toàn Việt thi lục, anthologie de 897 poèmes de 73 auteurs, de la dynastie de Lý à celle des Lê. L’œuvre constitue une mémoire poétique et un instrument d’identité culturelle pour le Vietnam.

Pour l’historien Phan Huy Chú, Lê Quy Dôn “avait un talent exceptionnel, une intelligence hors du commun... Il a écrit de très nombreux ouvrages tout au long de sa vie. Lorsqu’il discutait des classiques et des annales historiques, il était profond et exhaustif ; et lorsqu’il évoquait les références et les précédents, il était complet et clair”.

Le chercheur Van Tân, dans Les intellectuels vietnamiens d’hier et d’aujourd’hui, remarque : “Lê Quy Dôn est le plus grand polymathe du Vietnam de l’époque féodale. Toute sa vie, il s’est montré un lecteur infatigable”.

Un héritage vivant

Aujourd’hui, plus de quarante écoles à travers le Vietnam portent son nom. Ses manuscrits en caractères chinois, conservés et traduits, continuent d’inspirer les chercheurs en Asie et dans le monde. Ses ouvrages sont étudiés dans plusieurs universités étrangères, dont Osaka au Japon, où le Professeur Shimizu Masaaki le compare au linguiste Motoori Norinaga : “Lê Quy Dôn fut le premier Vietnamien à considérer la langue et l’écriture comme objets de connaissance”.

Selon le Professeur Nguyên Van Kim, vice-président du Conseil national du patrimoine culturel, l’œuvre de Lê Quy Dôn “reflète un esprit éclairé, embrassant la totalité du savoir humain de l’époque”.

La Docteure Nguyên Thi Thu Phuong, directrice de l’Institut national de la culture et des arts, estime qu’au cours des 300 dernières années, le talent et la stature de l’homme de culture Lê Quy Dôn ont été reconnus et ont suscité l’intérêt des scientifiques vietnamiens et étrangers. Selon elle, cela démontre l’urgence de mieux présenter et de diffuser plus largement son héritage à travers le monde.

L’hommage rendu à Lê Quy Dôn par l’UNESCO n’est pas seulement symbolique, mais constitue également une juste reconnaissance de la contribution de la culture et de l’intelligence vietnamiennes au patrimoine de la connaissance humaine.

Dan Thanh/CVN



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