>>Comment préserver le culte des rois Hùng ?
L’ambassadeur Duong Van Quang accorde une interview à l’AVI à Paris. |
Photo : Lê Hà/CVN |
Quelles sont vos impressions en suite de l’annonce de l’inscription du Culte des rois Hùng de Phu Tho sur la liste des patrimoines culturels immatériels de l’humanité lors de la 7e session du Comité intergouvernemental de sauvegarde du patrimoine culturel immatériel de l’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO) qui a eu lieu récemment à Paris ?
En tant que patrimoine culturel immatériel, le «Culte des rois Hùng de Phu Tho» a une valeur représentative de l’humanité. Il s’agit d’une bonne nouvelle et surtout d’une grande fierté pour le peuple vietnamien, et plus particulièrement pour nos compatriotes de la province de Phu Tho. Une fierté d’autant plus grande, je pense, que l’année dernière, leur Hát xoan (chant du Printemps) a été reconnu patrimoine culturel immatériel nécessitant une sauvegarde urgente.
De manière plus générale, cette nouvelle reconnaissance exprime également une singulière estime de l’opinion mondiale pour la vie spirituelle du peuple vietnamien comme de ses coutumes, dont le culte des ancêtres qu’il pratique depuis temps immémoriaux est caractéristique. C’était d’ailleurs la motivation de notre gouvernement, lorsqu’il a fait de l’anniversaire de la mort des rois Hùng la Journée de commémoration nationale des ancêtres de notre nation.
Le fait que l’UNESCO ait décidé de l’inscrire sur la liste représentative des patrimoines culturels immatériels du monde traduit un même souhait de reconnaître cette vie spirituelle et d’encourager les autres peuples à en prendre l’exemple en pratiquant leurs cultes des ancêtres. En cette période de forte mondialisation, notamment sur le plan culturel, ces rites de notre peuple prouvent la vivacité et la richesse de la culture du Vietnam.
Dans quelle mesure le Culte des rois Hùng de Phu Tho a répondu aux critères exigés pour une telle reconnaissance ?
Pour mémoire, la convention 2003 impose la réunion de cinq critères, en l’occurrence, primo, ce culte fait l’objet de cérémonies, d’offrandes, de pèlerinages et de présentations dans plus d’une centaine de villages de Phu Tho et dans l’ensemble du pays, participant d’un sentiment de vénération des ancêtres tout en exprimant fierté et cohésion sociale de ses pratiquants. Secundo, son inscription peut contribuer à la reconnaissance de l’importance du culte des ancêtres qui est pratiqué dans de nombreux autres pays du monde et, par là même, encourager les communautés à en relever les similitudes tout en cultivant la diversité culturelle. Tertio, un ensemble de mesures de sauvegarde, comprenant recherches et études, éducation, promotion et sensibilisation de ce patrimoine, doivent être soutenues par l’État comme par les autorités locales afin d’en assurer la pérennité originelle. Quarto, les représentants des villages, communes et districts ainsi que les membres des Conseils de gestion du festival ont pris une part active dans la préparation du dossier, exprimant ainsi la réalité à tous égards de cette pratique cultuelle. Quinto, ce culte a été inscrit en 2010 à l’inventaire de l’Institut de recherche sur la culture et les arts du Vietnam, après consultations des communautés des treize districts concernés de Phu Tho.
Quels autres dossiers de patrimoine culturel de l’humanité pourraient être constitués par le Vietnam ?
Notre pays possède plusieurs sites, ouvrages, rites et coutumes d’une grande valeur sur le plan culturel. Le problème n’est pas là, mais plutôt dans le fait que le Vietnam possède aujourd’hui sept patrimoines culturels immatériels. C’est dire en d’autres termes que, pratiquement, le caractère de culture immatérielle ne suffit plus à lui seul car l’UNESCO accorde une priorité aux dossiers des pays qui n’ont que peu ou prou bénéficié d’une telle reconnaissance. Pour être clair, le Vietnam n’est plus aujourd’hui sur sa liste prioritaire... Nous devrons donc en conséquence définir nos propres priorités et faire des choix, ainsi que préparer plus minutieusement nos dossiers. Ainsi, le dossier sur Đờn ca tài tử (chant folklorique des amateurs méridionaux) qui a été soumis au secrétariat de la convention de 2003 doit être examiné l’année prochaine, mais, avec la nouvelle réglementation, il risque fort d’être renvoyé à une session ultérieure pour être «complété ou amélioré».
Pour être digne de l’honneur que nous accorde l’UNESCO, que devons-nous faire en termes de sauvegarde et de valorisation de ce nouveau patrimoine culturel immatériel ?
Chaque année, les pèlerins se ruent vers le Temple des rois Hùng, dans la province de Phu Tho, pour le rituel à la mémoire des rois fondateurs de la nation au 10e jour du 3e mois lunaire. |
Il doit impérativement être préservé intact, dans son état originel : il est interdit de le réformer, d’en reconstituer certains éléments ou, pire, d’en changer la nature. Le Culte des rois Hùng de Phu Tho en lui-même, mais aussi en tant que l’expression plus générale du culte des ancêtres du peuple vietnamien remonte à... plusieurs milliers d’années ? Nous ne pouvons le modifier sur le fond comme sur la forme, mais au contraire en préserver et en perpétuer tous les caractères afin que les futures générations puissent comprendre les coutumes des générations qui les ont précédées, de leurs ancêtres. L’important, c’est de davantage sensibiliser notre jeunesse en vue de préserver et de valoriser effectivement nos patrimoines culturels matériels comme immatériels et leurs caractères.
Lê Hà/CVN