Bernard Bigot. |
Dans le projet de la centrale nucléaire de Ninh Thuân, le Vietnam a choisi la Russie et le Japon comme partenaires pour la construction des réacteurs 1 et 2. De quelle manière la France prendra-t-elle part à ce projet ?
La France coopérera avec le Japon dans le projet de centrale nucléaire Ninh Thuân 2 selon les conventions signées entre les deux gouvernements. Concrètement, la France fournira le réacteur et les infrastructures de transport de l’électricité. D’autre part, toujours en partenariat avec le Japon, la France aidera à la formation du personnel. Nous sommes toujours prêts à partager nos expériences dans l’électronucléaire avec le Vietnam. Nous avons une expérience unique au monde, celle d’un pays qui a fait le choix, il y a maintenant plus de 35 ans, de développer très fortement le nucléaire civil. Grâce à cette politique, 75% de l’énergie produite en France aujourd’hui est d’origine nucléaire.
Pour sa politique de développement de l’énergie nucléaire, le Vietnam doit être conscient qu’il s’engage pour une longue période, 100 ans au maximum. Concrètement, entre 7 et 10 ans pour la construction de la centrale, 60 ans de fonctionnement pour les réacteurs de nouvelle génération et 30 ans pour démanteler, assainir le site et gérer les combustibles usagés.
Sur cette longue période, il faut prendre en considération plusieurs facteurs pour assurer la sécurité : site, technologie et, surtout, formation du personnel.
Nous nous engageons à fournir au Vietnam les réacteurs les plus sûrs, c’est-à-dire sans risque de fuite de radioactivité à l’extérieur, même en cas d’accident.
Quelle technologie la France appliquera-t-elle pour la centrale nucléaire Ninh Thuân 2 ?
Nous utiliserons le réacteur Atmea 1 de 3e génération, de 1100 MW. Ce réacteur, fruit d’une coopération entre la France et le Japon, intègre les derniers développements technologiques, permettant de respecter les critères de sûreté les plus exigeants.
Maquette de la première centrale nucléaire qui sera construite dans la province de Ninh Thuân (Centre). |
Des tests sur la capacité de résistance de ce réacteur ont été réalisés. Les résultats montrent qu’Atmea 1 peut résister à un accident du type Fukushima. Début 2012, la sécurité d’Atmea 1 a été approuvée par l’Autorité de Sûreté nationale après des contrôles draconiens qui ont duré 18 mois.
Plusieurs pays dans le monde comme l’Allemagne et le Japon sont dans une démarche d’abandon du nucléaire civil ? Qu’en est-il en France ?
L’électronucléaire est une technologie complexe et exigeante. En conséquence de quoi, si on ne respecte pas les règles, évidemment, on en subit les conséquences.
La France a fait le choix de l’énergie nucléaire parce qu’au début des années 1970, nous savions déjà que les énergies fossiles de la France ne seraient plus disponibles à la fin du XXe siècle. Si nous n’avions pas construit 58 réacteurs, nous dépendrions aujourd’hui à plus de 92% de l’étranger pour importer les produits fossiles, qui sont de plus en plus chers et qui, de surcroît, ont un impact négatif sur l’environnement et la santé de la population.
Aucun pays au monde ne fait appel à l’énergie nucléaire s’il n’en a pas besoin. Je dis souvent que les pays qui avaient besoin de l’énergie nucléaire avant Fukushima en auront encore besoin après. Qu’est ce qui a changé fondamentalement avec Fukushima? C’est l’impératif de sécurité. Les pays qui ont suffisamment confiance en eux-mêmes dans leurs capacités à respecter les règles de sécurité n’ont aucune raison d’abandonner l’énergie nucléaire. Les pays qui ont des doutes veulent mettre fin à leur programme.
Après l’accident de Fukushima, devant l’opposition de son opinion publique, le Japon a cherché à minimiser sa dépendance à l’énergie nucléaire. Pourtant, ce pays a l’intention de construire trois nouvelles centrales. Entre le souhait et la réalité, il y a parfois un fossé...
Le Pavillon France à la 5e Exposition internationale de l’électronucléaire, tenue du 25 au 27 octobre à Hanoi. |
La France n’a aucune raison d’abandonner le programme nucléaire s’il est raisonnable et respecte les règles de sécurité. Dans la politique d’énergie nucléaire, les règles de sûreté sont renforcées avec comme but principal : pas de fuite de radioactivité dans l’atmosphère en cas d’accident.
Ce que nous savons en France maintenant de manière sûre, c’est que le prix de l’énergie nucléaire est très bas et quasiment constant sur une longue durée de temps parce que l’essentiel du prix de l’électricité (90%) est l’investissement initial pour la construction des réacteurs. Seulement 10% est le prix d’exploitation.
Comment faites vous pour bénéficier du soutien de l’opinion publique ?
Pour la construction d’une centrale nucléaire, il faut bénéficier de la confiance de tous les partenaires concernés et de l’opinion publique. Les avantages ainsi que les risques du projet doivent être clairement exposés. Nous essayons de gagner la confiance des habitants en mettant en avant la transparence. Tous les citoyens ont le droit de savoir, de questionner et de recevoir des réponses claires des autorités.
Nous avons un réseau d’établissements chargés d’informer le public dont l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN), les commissions locales d’information, le Haut Comité pour la transparence et l’information sur la sécurité nucléaire (HCTISN). Ce comité comprend des députés, des représentants des commissions locales d’information, des scientifiques, des représentants d’organisations syndicales, ainsi que des représentants d’organisations de lutte contre le nucléaire civil…
Vân Anh/CVN