Qui dit Bên Tre dit cocotier. Comme le bambou qui est l’âme des villages de la plaine du fleuve Rouge (Nord), le cocotier est étroitement attaché à la vie des villageois du delta du Mékong, notamment à Bên Tre. Si «tout est bon dans le cochon», on pourrait dire la même chose du cocotier : la noix de coco bien sûr qui donne lait et coprah très nourrissants, l’huile de coco employée dans l’alimentation et en savonnerie, les fibres pour la confection de tapis, les feuilles pour les cloisons et toitures des maisons, le tronc sec pour le bois de chauffage… Mention spéciale pour la coque de noix de coco de laquelle on tire de multiples objets d’art et instruments d’usage courant.
Lors du récent Festival du coco tenu à Bên Tre, un ensemble d’instruments de musique confectionnés à partir du cocotier a été présenté. Sur scène, les instrumentistes ont conquis le cœur et l’admiration du public.
Pour l’amour du pays du coco
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| M. Lê Dân |
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| M. Vo Van Ba. |
Les créateurs de ces instruments sont deux septuagénaires originaires de Bên Tre : Lê Dân et Vo Van Ba. «Quand j’étais soldat, plus d’une fois, le cocotier m’a sauvé la vie. La paix rétablie, j’ai rêvé de pouvoir créer moi-même des œuvres d’art en bois et en coque de coco. Entre autres pour payer ma dette de reconnaissance et témoigner de mon amour pour ma terre natale», confie Lê Dân, à la fois peintre, musicien et sculpteur. Diplômé de l’Université des beaux-arts en 1979, il a travaillé pour le Service de la culture de Bên Tre. C’est lui qui est à l’initiative des tableaux incrustés de coque de coco représentant les portraits de dirigeants du Vietnam et du monde, qui font vivrent beaucoup d’artisans locaux. Des oeuvres originales offertes comme cadeaux dans le pays et à l’étranger.
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| Des instruments de musique en cocotier de Bên Tre. |
«L’idée de créer des instruments de musique m’est venue en 2009, explique-t-il, mais ce n’est qu’en 2011 que je me suis mis à l’ouvrage. J’ai demandé à mon ami Vo Van Ba, dont le talent dans la fabrication des instruments est reconnu, de m’accompagner dans cette aventure».
Vo Van Ba a été un temps instrumentiste dans la Troupe de chant et de danse Giai Phong. Passionné de musique depuis son enfance, il a montré très tôt des prédispositions dans la confection des instruments. «En 30 ans de métier, jamais je n’avais pensé faire un instrument en cocotier. Car ce bois est peu serré et fragile, explique-t-il. Toutefois, le vœu de Lê Dân a coïncidé avec le mien. Depuis longtemps en effet, je voulais faire quelque chose pour ce pays du coco dont je suis si fier».
La clé de la réussite
Les deux compères ont décidé non pas de fabriquer un ou quelques instruments de musique, mais 27 (à cordes, à vent et percussions) ! Un défi de taille qui a mis leur patience et leur créativité à rude épreuve. Une année de travail au bas mot. Après avoir tracé des plans sur le papier, ils ont commencé à travailler ce bois si particulier. Vo Van Ba a trouvé la clé de la réussite : utiliser des tronc vieux de 70-80 ans. Restait un défaut de taille : le peu de résonance des instruments. Après une séance de «brainstorming», les deux artisans ont trouvé le remède : fixer sur les instruments, notamment dàn gao, dàn nhi, dàn co, dàn sên, dàn nguyêt, dàn tranh… (différentes sortes de luth et de cithare) et dàn bâu (monocorde)…, un vibreur et un micro spécifiques. Quant à la guitare, elle a été complétée par un amplificateur. Tous les instruments prévus ne sont pas terminés, mais la dynamique est lancée et nul doute qu’ils iront jusqu’au bout de leur rêve.
Lors du Festival 2012 de la coco, le concert «Aurore sur l’île des cocotiers», joué avec des instruments traditionnels en bois de coco, a mis en émoi le public. «Notre réussite, nous la dédions à notre province natale, le royaume des cocotiers», confient les deux artistes septuagénaires.
Les instruments de musique en cocotier de Bên Tre ont été hautement appréciés par le prof.-Docteur en musicologie Trân Van Khê. «Jamais dans ma vie je n’ai écouté des sons aussi originaux que ceux de ces instruments, notamment le dàn nhi et le dan gao», a-t-il confié.
Nghia Dàn/CVN