Ninh Binh, ying et yang !

Ses paysages en forme de pains de sucre, ses rivières nonchalantes, ses baies terrestres, son ancienne capitale, ses immenses pagodes et sa cathédrale... Autant d’images que le voyageur peut contempler sur l’écran de son appareil photo après les avoir admirées sur le papier glacé des catalogues ! Pour moi, Ninh Binh, c’est une nuit, un petit matin, et un jour de grand soleil !

Qui n’est venu au Vietnam et n’a jamais traversé ou visité Ninh Binh, cette province au Sud de Hanoi ? Impossible de la manquer, autant parce que c’est un passage obligé des tours opérateurs qui y conduisent par millions de visiteurs avides de découvrir les plaisirs d’une balade en barque sous des stalactites, que parce qu’à moins de prendre l’avion, difficile de ne pas la traverser quand on descend sur les rives méridionales du pays. Et c’est justement dans la seconde configuration que j’ai fait connaissance avec un Ninh Binh particulier...

Ninh Binh d’eau et de pierre...

Surprise de nuit !

Ce soir-là, Tuân et moi devions partir par le train pour entamer ensuite un grand périple à moto jusqu’aux confins du Vietnam, tout là-bas, dans le Sud lointain. Mais l’imprévisibilité vietnamienne, jointe à la nonchalance décontractée de mon ami et associé, nous a contraints à jucher nos postérieurs sur nos selles 400 km plus tôt que prévu. Et c’est donc par une nuit d’encre que je reçois en vrac, sur ma fragile cornée, insectes, poussière et vent, car j’ai commis l’erreur fatale de n’avoir mis ni lunettes, ni visière! La température est douce, et le vent de la vitesse nous rafraîchit…, les villages défilent dans l’obscurité. Lueurs scintillantes dans le lointain, kaléidoscope de halos de lumières devant les maisons, auréoles des lampadaires isolés… Parfois une bourgade ou une ville plus importante, encore animée d’une vie intense ; arrêt à un feu rouge, regards étonnés de voir un Tây (Occidental) dehors, en moto à cette heure-là ; des sourires, des «hellos», et nous repartons… Nous traversons une petite ville où vient de s’achever une représentation d’un festival de l’humour ! Encombrements de motos, familles qui rentrent chez elles, musique des haut-parleurs : il y a une vie au Vietnam, après le jour ! Il est déjà plus de minuit, et la fatigue se fait sentir. La campagne s’endort, et nous sommes de plus en plus seuls sur la route. Enfin, les lumières de Ninh Binh à l’horizon… Soulagement d’être à quelques kilomètres d’un lit que j’espère confortable, inquiétude de le trouver, ce lit ! En effet, notre départ ayant eu lieu sur les chapeaux de roues, loin de nous l’idée de réserver un hôtel à Ninh Binh auparavant ! Et tel qui rit à 21h00, risque bien de pleurer amèrement à 01h00 du matin... Je profite donc d’un sursaut de civisme de Tuân qui marque l’arrêt à un feu rouge, pour m’approcher de lui en lui faisant part de mon inquiétude. Je n’ai pas le temps d’émettre le moindre son qu’une moto s’arrête sur la droite de Tuân, suscitant chez moi surprise et stupéfaction ! Surprise de voir que finalement dans cette petite ville de Ninh Binh on stoppe plus facilement aux feux rouges qu’en pleine journée en d’autres villes que je connais ! Stupéfaction de constater que, regards à peine échangés, Tuân et l’autre conducteur échangent aussi une poignée de main, et un grand nombre de paroles, avant que mon ami ne se tourne vers moi en m’annonçant que nos condisciples de feu sont des amis qui travaillent dans un hôtel de Ninh Binh ! Et je vous jure que c’est vrai !!!

Au vrai, j’aurais pu m’économiser la perte de sels minéraux due au stress : au Vietnam inutile de s’inquiéter, tout s’arrange toujours !

Douceur de l’aube !

Dentelles rocheuses de Ninh Binh.

Ninh Binh, c’est aussi le lendemain, à l’aube naissante, quand après quatre heures de sommeil de brute, je redeviens forçat de l’asphalte. Les motos ronronnent. De chaque côté de la route, le paysage déploie les rizières vert tendre. Hormis quelques canards qui battent des ailes en nous voyant passer et un ou deux bœufs matinaux qui s’étonnent de voir des humains sur la route à cette heure là, nous sommes seuls sur le ruban de bitume. La fraîcheur de l’aube est vivifiante, et dans le lointain, les rochers karstiques qui signalent Tam Côc - la baie de Ha Long terrestre - rosissent sous le soleil levant. Cette tranquillité ne durera pas longtemps ! Pour l’instant, notre estomac nous signale que voyager le ventre creux n’est pas conseillé, et nous nous arrêtons à Tam Diêp, juste devant une gargote qui vient de mettre ses tables sur le trottoir. Qu’il est bon ce premier «pho bò» (soupe au bœuf) de la journée ! Qu’elle est sympa cette dame qui, émue de voir que nous venons de Hanoi en moto, nous sert double ration et nous offre une orange pour le même prix ! De nouveau, la gentillesse et l’hospitalité des Vietnamiens ne se dément pas! Il faut dire qu’un Vietnamien qui parle français et un Français qui parle vietnamien voyageant en moto depuis Hanoi jusqu’à Hô Chi Minh-Ville, c’est un peu comme une espèce en voie de disparition qu’on a envie de protéger ! Ce jour-là, j’ai laissé la province de Ninh Binh, «no nê», c’est-à-dire rassasié ! Je ne savais pas que je reviendrais flirter avec elle un jour de grand soleil...

Brûlures du jour !

Ce jour-là, Tuân, toujours lui, avait décidé de me présenter des poissons sacrés, quelque part du côté de la piste Hô Chí Minh. Et comme à notre habitude, nous étions partis aux premières heures d’un jour qui, mais je l’ignorais, allait progressivement devenir brûlant ! Les écharpes de brume matinale s’effilochaient sur la houle des rizières, les feuillages des eucalyptus frissonnaient au souffle d’un vent tôt levé, la route étirait son long ruban de bitume uni, le soleil doucement prenait possession du ciel, tout concourrait à faire de cette escapade un grand moment de bonheur. C’est en m’arrêtant pour admirer les dentelles rocheuses de Ninh Binh, que la réalité m’a rattrapé ! Il n’y a que nous les Occidentaux, nourris d’images d’«easy rider», pour croire que le vent de la course peut faire oublier la brûlure du soleil. Et mes mains me le rappellent cruellement ... Cuites par le soleil, elles avaient doublées de volume, et paraissaient soudées aux poignées de la moto ! Et pendant que je m’enduisais de crème à base de trolamine (impossible de citer son nom ici sous peine de publicité clandestine !), j’avais l’impression que les rochers en pains de sucre se gondolaient de me voir si penaud d’avoir oublier cette règle de base indispensable pour survivre ici : ressembler à un cosmonaute ou être braisé à point, pour conduire il faut choisir!

Ninh Binh de nuit, Ninh Binh de jour, Ninh Binh la fraîche, Ninh Binh la brûlante, pour moi Ninh Binh, c’est le ying et le yang !

Texte et photos : Gérard Bonnafont/CVN

 

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