Les Hanoïennes sont nombreuses à utiliser des masques en tissus pour se protéger de la pollution. |
Je ne pense pas me tromper en avançant que l’une des premières choses qui choque un Français en arrivant, c’est cette circulation délirante et anarchique ! Sans oublier les klaxons qui, dans ma terre natale, ne sont qu’exception. Le jour de mon arrivée à Hanoi, j’ai attendu près de cinq minutes à un carrefour avant de comprendre, après mure observation, que si j’attendais que les motos s’arrêtent, j’allais m’endormir sur place. J’ai donc sauté le pas, espérant que ce premier jour ne soit pas le dernier... Depuis j’ai compris la technique : slalomer entre les motos, et attendre sagement s’il s’agit de voitures, ou de bus. Après trois semaines sur place, j’ai l’impression que tout ça n’est pas si désordonné. Le klaxon est utilisé pour prévenir de son arrivée. Pour ce qui est de traverser, la technique du marcher régulièrement sans à-coups est encore à peaufiner...
Manger : un défi à lui tout seul
Passées ces questions matérielles, il s’agit de se remplir l’estomac. Au début, en toute bonne étrangère fraîchement débarquée, les restaurants de rue sont peu rassurants niveau hygiène. Certains sautent le pas directement. De mon côté, j’ai attendu, à tort ou à raison, de m’y rendre avec une personne aguerrie. Et je n’ai pas été déçue. L’accueil y est, de plus, fort convivial dans mon quartier de Ta Quang Buu.
Quoi qu’il en soit, le service vietnamien a quelque chose de tout particulier, sûrement en partie parce que je suis étrangère. Le prêt ou la vente de claquettes pour être à l’aise, la distribution systématique de cure-dents, le remplacement du cendrier toutes les deux cigarettes ou encore le serveur qui vous observe, parfois pendant tout le repas, à l’affût de vos moindres besoins. Évidemment, tout cela n’aurait pas de piment sans un souci de compréhension linguistique... et souvent le plat choisi relève de la surprise gustative. Car même en anglais, mon niveau étant ce qu’il est, l’accent vietnamien demande une certaine pratique ! À noter tout de même qu’au Vietnam, le jus d’ananas en bouteille de verre sorti d’usine devient un jus de fruit frais pressé. Et que les plaquettes de beurre et la «Vache qui rit» sont bien présentes... mais sous anti-vols dans les supermarchés !
Une fois l’addition payée, me voilà partie déambuler dans le vieux quartier de Hanoi pour découvrir la ville, appareil photo autour du cou. Soudain, une jeune femme portant une palanche me la pose sur l’épaule pour me photographier avec. Naïve que je suis, je me prête au jeu. Mais j’ai du ensuite lui acheter bananes et ananas à un prix relativement... déraisonnable ! Erreur de débutante. Deuxième péripétie quelques mètres plus loin. Un homme prend ma ballerine du pied pour la cirer et recoller la semelle. Il me demande 300.000 dôngs... Je lui donne finalement 50.000, qu’il estime trop peu. Aux touristes qui me lisent... ces vendeurs peu scrupuleux mais peu nombreux repèrent les étrangers à 100 mètres... il suffit d’aller ailleurs....
Partout vous êtes chez vous !
En observant un peu, on remarque que les habitants se réapproprient l’espace public de manière fabuleuse ! Excepté bien sur les nombreux restaurants et commerces de rues, certains font du sport sur la chaussée. Je ne parle pas du footing du matin, je parle de séances de fitness ou de tai chi en plein air, le soir ou à l’aurore. D’autres font du badminton en pleine journée au milieu du trottoir, au travers duquel ils ont installé un filet. Certains adolescents aussi se créent leur propre terrain de football. Ils ne s’embarrassent pas avec l’inscription à un club. Et si je ne comprends pas encore le vietnamien, j’ai tout de même relevé les nombreuses affiches et inscriptions à la gloire du parti et du héros national, Hô Chi Minh. Et puis tous ces hommes, ces femmes, et ces couples de futurs mariés qui se font photographier au milieu de la rue, presque entre les passants, comme si l’espace public était inexistant. Chaque lieu devient privé. Ce qui peut avoir des conséquences moins sympathiques en cas de pollution olfactive.
Et puis ce qui marque à Hanoi, ce sont les femmes, à la fois discrètes et intransigeantes, même si mes connaissances relèvent pour le moment de l’observation. Elles sont majoritaires dans les emplois administratifs. Et, comme leurs homologues masculins dans la rue, elles font une petite sieste au bureau après déjeuner, histoire de digérer. Pour certaines d’entre elles, elles se couvrent la bouche d’un masque en tissu pour se protéger de la pollution et la poussière. Des protections peu efficaces car sans filtre. Certaines même utilisent une parka spéciale pour se protéger des rayons du soleil. Et rester blanche. Une coutume bien étrangère à une Française qui vient du pays des autobronzants et des UV! En dépit de la circulation, d’autres montent avec leur petit sur la moto, qu’il ait six mois ou trois ans, et sans casque. Enfin, à leur grand avantage, les rides des femmes n’apparaissent qu’à 50 ans passés.... Je serai toutefois peut être capable d’évaluer leur âge dans quelques mois... Moi qui viens du pays de l’anti-ride à 25 ans, le choc est cruel.
Près de l’Opéra, les filets de badminton poussent ça et là, au grand dam des clubs! |
Enfin, pour terminer ce récit sans fin, je parlerai de la sacro-sainte question de la négociation. En tant qu’étrangère, je suis un porte-monnaie sur pattes potentiel pour les marchands ambulants des quartiers touristiques mais aussi et surtout pour les moto-taxis, qui se plaisent à m’interpeller à chaque pas.... Les prix pour les étrangers sont toujours plus élevés. Ma meilleure technique face à un conducteur trop ambitieux est de partir... il vous rattrapera à coup sur ! Quand au rendu monnaie, il est parfois bien approximatif. Attention aussi à la brûlure éventuelle du mollet sur le pot d’échappement. Maintenant je sais qu’il faut descendre par la gauche ! On apprend en se brûlant, c’est ce que maman répétait sans cesse. Dans un an, je serai enfin devenue grande.
Texte et photos : Éloïse Levesque/CVN