Les déclarations alarmistes puis apaisantes sur la dangerosité du virus A(H1N1) qui ont jalonné ces 7 dernières semaines reflètent en fait l'effort de transparence de l'organisation qui "nous a fait vivre une épidémie en direct un peu comme CNN et la première guerre du Golfe", explique le chef du service de prévention et contrôle de l'infection de l'Hôpital de Genève, Didier Pittet.
"Tout le monde a été au courant au jour le jour de la situation, du nombre de malades et du nombre de morts", ce qui a suscité "des questions auxquelles l'organisation n'avait pas forcément les réponses (..)". Cela a généré une certaine impression d'exagération ou de minimisation, reconnaît-il.
Pour le médecin cantonal délégué de Genève, Philippe Sudre, "c'est une communication extrêmement honnête même si l'ambivalence est souvent plus difficile à faire comprendre".
Tout a commencé le 23 avril, quand l'OMS fait le rapprochement entre l'existence, aux États-Unis et au Mexique, d'un virus inédit aux souches identiques et de nombreux cas de grippe.
L'OMS active alors son Centre stratégique d'opérations sanitaires (SHOC) et fait ses premières communications à la presse le lendemain.
L'organisation parle de dizaines de morts suspectes et sème le trouble en parlant d'un virus particulièrement virulent chez des personnes jeunes, contrairement à la grippe saisonnière.
Craignant le pire, la propagation à l'échelle planétaire d'un virus hautement pathogène et très contagieux contre lequel il n'existe pas de vaccin, l'OMS déclare que la situation relève "d'une urgence de santé publique de portée internationale" et élève son alerte pandémique au niveau 4.
De nouveaux foyers apparaissent aux États-Unis et de nombreux pays enregistrent leurs premiers malades. L'OMS active le 29 avril le niveau 5, sur une échelle de 6, signifiant que la pandémie est "imminente".
Mais l'inquiétude s'amplifie. Malgré les recommandations de l'organisation, certains pays imposent des restrictions de déplacement, des quarantaines ou des interdictions d'importations de porc en provenance des pays affectés.
La tension culmine lors de l'assemblée générale de l'OMS, mi-mai à Genève. Selon ses propres critères, l'OMS devrait déclarer la première pandémie du 21e siècle. Mais sa directrice, Margaret Chan, se fait sermonner par certains des pays les plus affectés, qui l'appel-lent à ne pas céder à une annonce "mécanique" dans un contexte déjà plombé par la crise économique.
Il apparaît alors clairement que le système d'alerte, conçu pour un virus particulièrement pathogène, n'est pas adapté au A(H1N1), dont la virulence s'avère "modérée".
Prise entre la pression de ses membres et son système inadéquat, l'OMS commence à calmer le jeu, alors que le virus continue de gagner du terrain et qu'on se rapproche inéluctablement de l'annonce d'une pandémie.
Il s'agit pour elle de gagner du temps et permettre aux gouvernements de se préparer. Car comme ceux de l'OMS, leurs plans de réactions sont adaptés aux plus grandes grippes meurtrières du 20e siècle.
"L'OMS a eu une approche ambiguë par rapport à ces changements de phase", reconnaît Philippe Sudre.
Mais la déclaration trop rapide de la pandémie "aurait entraîné des réactions disproportionnées. C'est le principe de réalité qui a prévalu", défend-il encore.
AFP/VNA/CVN