Une vie consacrée aux enfants des montagnes de Nghê An

Dans un district montagneux de la province de Nghê An, qui regorge de chemins escarpés et où les traditions ancestrales sont profondément ancrées, une enseignante H’mông a bravé les préjugés et les difficultés pour offrir aux enfants démunis une chance de s’épanouir.

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À 05h00 chaque jour, Lâu Y Pay quitte son foyer pour une journée de travail.
Photo : CTV/CVN

Chaque matin, à l’aube, Lâu Y Pay, une enseignante H’mông de 38 ans, entame un périple de plus de 25 km à travers la forêt pour rejoindre le village de Huôi Moi, une des neuf antennes de l’École maternelle de Tri Lê, située dans la commune du même nom, district de Quê Phong, province de Nghê An (Centre).

À 05h00 chaque jour, Lâu Y Pay quitte son foyer pour une journée de travail. “Deux motos usées, mais un défi relevé : autrefois une femme timide, je suis devenue une conductrice chevronnée, capable de sillonner les chemins les plus escarpés des montagnes”, confie l’enseignante avec fierté.

“Devenir enseignante était mon rêve, et chaque difficulté rencontrée sur mon chemin n’a fait que renforcer ma passion pour ce métier. Je suis prête à relever tous les défis”, affirme-t-elle avec détermination.

Née dans la commune frontalière de Dooc May, une localité H’mông située au cœur des montagnes du district de Ky Son, province de Nghê An, Lâu Y Pay a quitté son village natal pour se consacrer à l’éducation des plus jeunes à Tri Lê. Dans ce coin reculé, où la terre est peu généreuse, ses parents ont tout sacrifié pour offrir à leurs enfants une éducation.

Surmonter les préjugés

Lâu Y Pay, l’une des rares enseignantes H’mông à l’École maternelle de Tri Lê.
Photo : CTV/CVN

Malgré leur modeste situation, cette famille a toujours prôné l’éducation. Résultat : huit enfants diplômés de l’enseignement supérieur, dont quatre ont intégré la fonction publique. À une époque où un mariage précoce était la norme, Lâu Y Pay a fait le choix audacieux de poursuivre ses études.

“En grandissant dans le village, elle se sentait désavantagée lorsqu’elle voyait ses camarades se marier tôt. Elle craignait de se retrouver sans mari et d’avoir des enfants trop tard”, se souvient-elle. “J’ai vite compris que le mariage précoce n’était pas synonyme de bonheur. Ma famille était pauvre, et je ne voulais pas que mes enfants connaissent le même sort. L’éducation était notre seule échappatoire”, confie-t-elle.

“J’ai donc dû étudier d’arrache-pied, sacrifiant ainsi le confort immédiat d’une vie de villageoise. Mais je savais que ces efforts me permettraient d’assurer un avenir meilleur à ma famille, avec un emploi stable et un foyer confortable”, ajoute-t-elle.

C’est ainsi que la jeune fille H’mông a traversé les montagnes pour aller à l’école au bourg. Lâu Y Pay s’est inscrite à l’École d’éducation préscolaire après avoir terminé le lycée, car elle aimait chanter, danser et travailler avec les enfants.

Après avoir obtenu son diplôme, elle a postulé pour des emplois dans les districts montagneux et a été acceptée comme enseignante contractuelle à l’École maternelle de Nâm Nhoong, district de Quê Phong, province de Nghê An. Son travail acharné a porté ses fruits puisqu’elle a été recrutée à l’École maternelle de Tri Lê, dans la commune du même nom, l’une des zones les plus difficiles de ce district montagneux.

Changer les mentalités

Aujourd’hui, l’antenne de Huôi Moi accueille 68 enfants, répartis en deux classes encadrées par quatre enseignants dont Mme Pay est responsable.
Photo : CTV/CVN

L’enseignante Pay se souvient encore de sa première journée à Huôi Moi. “L’antenne d’école maternelle était une masure en bois, où se pressaient une quinzaine d’enfants. À l’époque, dans ce village, l’école primaire était déjà une notion abstraite, et l’idée d’un jardin d’enfants relevait de la science-fiction”, se rappelle-t-elle.

Chez les H’mông, on pense que les enfants doivent grandir au rythme de la nature, tel un arbre ou une pierre qui s’imprègne de la forêt. Les parents, tout en travaillant les champs, portent leurs bambins sur le dos, les laissant jouer et dormir au cœur de la nature, explique-t-elle. Les aînés assurent la garde des plus jeunes, l’école maternelle étant perçue comme superflue. Ayant moi-même grandi dans cette culture, je comprends parfaitement cette philosophie de l’éducation enracinée dans la tradition”.

Convaincre les H’mông de l’importance de l’école a été un véritable combat. Pour déraciner des croyances ancestrales et changer des habitudes séculaires, il a fallu sillonner les champs, frapper à chaque porte, discuter avec chaque famille. Un travail de fourmi, mais ô combien nécessaire.

“Si un jour ne suffit pas à changer les choses, il faudra des semaines, des mois, voire des années de visites répétées. Telle était ma détermination”, déclare-t-elle.

Dès sa 2e année à Huôi Moi, Mme Pay a vu la scolarisation connaître un essor spectaculaire : le nombre d’enfants a doublé pour atteindre une trentaine. Les années suivantes, cette dynamique s’est maintenue, avec des effectifs oscillant autour de 50 élèves. Aujourd’hui, l’antenne de Huôi Moi accueille 68 enfants, répartis en deux classes encadrées par quatre enseignants dont Mme Pay est responsable.

Il y a trois ans, l’antenne de Huôi Moi a fait peau neuve : une salle de classe plus spacieuse et un dortoir ont vu le jour, séduisant davantage de parents. Les repas, pris en charge par les familles, sont désormais préparés avec plus de soin.

Après quelques années de travail, Mme Pay a épousé un instituteur de la commune de Tri Lê, partageant ainsi sa vie professionnelle et personnelle avec la montagne. Ensemble, ils forment un couple d’enseignants dévoués, unis par leur amour pour les enfants des régions reculées.

S’enraciner dans une nouvelle vie

L’enseignante Lâu Y Pay et ses élèves lors d’un cours. 
Photo : CTV/CVN

Tri Lê, commune frontalière, s’étend sur un vaste territoire montagneux, où six villages H’mông sont isolés des grands axes. Ces hameaux reculés manquent de tout : électricité, voies de communication, marché, centre de santé... Pour répondre à leurs besoins, l’École primaire de Tri Lê 4 a été créée afin de faciliter la scolarisation des enfants. Mais un nouveau défi se pose : recruter des enseignants.

En raison des conditions de vie extrêmes, le district de Quê Phong n’affecte jusqu’alors que des hommes comme enseignants dans ses villages reculés. Pourtant, Mme Pay a choisi de s’installer à Huôi Moi. Bien qu’elle ait la possibilité d’être mutée dans une école plus confortable, elle a préféré rester auprès de ses élèves, adoptant ce village comme sa nouvelle Patrie.

Malgré les conditions de vie extrêmes, l’enseignante Lâu Y Pay préfère rester auprès de ses élèves, adoptant le village reculé de Huôi Moi comme sa deuxième famille.
Photo :  CTV/CVN

“On m’a proposé une mutation vers l’école principale, mais cela aurait signifié laisser mes élèves à la merci d’un remplaçant qui ne parle pas le H’mông, partage Mme Pay. Imaginer quelqu’un d’autre devoir apprendre la langue locale, visiter chaque foyer, c’est une idée qui me peine. Ici, à Huôi Moi, je suis chez moi. En tant que H’mông, je me sens le devoir de servir ma communauté”.

C’est pour ce dévouement sans faille que Mme Pay a été distinguée par le ministère de l’Éducation et de la Formation, qui lui a décerné le titre d’“Enseignante Emérite” pour l’année scolaire 2022-2023.

“Je n’aurais jamais pensé connaître un tel honneur. Être reconnue comme Enseignante Émérite et être invitée à Hanoi pour rencontrer les plus hautes autorités de l’Éducation nationale est une expérience inoubliable. Surtout pour quelqu’un qui enseigne dans une région aussi isolée”, confie Mme Pay, l’émotion dans la voix.

“Cette distinction est pour moi une marque de reconnaissance, un encouragement à poursuivre mon engagement auprès de mes élèves et de ma communauté”, exprime-t-elle.

Huong Linh/CVN

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