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Le Vietnam amorce un changement significatif en matière de gouvernance et de valorisation de la recherche scientifique. |
Photo : VNA/CVN |
Cette proposition est incluse dans le projet de Résolution de l'Assemblée nationale sur l’expérimentation de nouvelles politiques destinées à lever les obstacles qui freinent les activités scientifiques, technologiques et d’innovation. Présenté ce 15 février par le ministère des Sciences et des Technologies, ce texte introduit plusieurs mesures visant à renforcer l'autonomie des établissements publics de recherche. Ceux-ci disposeront désormais d’un pouvoir élargi en matière de gestion de leurs missions, finances et biens, ainsi que de leurs effectifs et de leur organisation interne. Ils bénéficieront également d’une plus grande flexibilité dans le recrutement et la gestion des ressources humaines, ainsi que dans leur coopération internationale.
L’un des changements majeurs concerne la propriété des résultats de la recherche. Les organisations en charge des missions scientifiques et technologiques financées par l'État pourront désormais détenir officiellement les résultats de leurs travaux, sauf pour certaines recherches relevant de la défense nationale, de la sécurité nationale ou impliquant des entités étrangères. Ces organisations auront le droit de publier ces résultats et d’en déposer les droits de propriété intellectuelle, à condition de respecter les réglementations en vigueur.
Le projet de Résolution prévoit également une obligation d’exploitation des résultats de la recherche. Si, cinq ans après la fin d’une mission financée par l’État, l’organisation responsable ne met pas en œuvre l’application des résultats et qu’une autre entité ou un individu souhaite les utiliser, l’État pourra les retirer et les attribuer à cette entité afin de garantir leur mise en application. En outre, l’État se réserve le droit de diffuser largement certains résultats scientifiques lorsque cela est nécessaire pour la prévention des maladies, les traitements médicaux, la sécurité alimentaire ou pour répondre à des besoins urgents de la société.
Concernant les biens issus de la mise en œuvre des missions scientifiques et technologiques, ceux-ci seront gérés indépendamment des actifs des établissements publics. Ils ne seront pas intégrés dans leur comptabilité en tant qu’actifs immobilisés, ce qui signifie qu’ils ne feront pas l’objet d’une évaluation de leur prix d’acquisition, de leur valeur résiduelle ou de leur amortissement. Ces biens pourront être transférés, cédés dans le cadre de joint-ventures, faire l’objet de partenariats ou être commercialisés librement. Les établissements de recherche auront également la possibilité de décider de l’utilisation des résultats de leurs recherches pour des activités commerciales, des locations ou des cessions de droits d’utilisation à d’autres entités.
Un changement notable concerne la situation des chercheurs eux-mêmes. Jusqu’à présent, les scientifiques employés par des organismes publics de recherche n’étaient pas autorisés à fonder ou à gérer des entreprises, ce qui limitait la valorisation de leurs découvertes. Avec cette nouvelle réglementation, les fonctionnaires et gestionnaires travaillant dans les établissements publics de recherche pourront désormais investir et participer à la gestion des entreprises créées par leurs institutions pour exploiter les résultats de recherche. Cette évolution met fin à une barrière qui freinait l’innovation et empêchait les scientifiques d’être directement impliqués dans la commercialisation de leurs travaux.
Ces mesures répondent aux préoccupations exprimées depuis longtemps par la communauté scientifique. Lors d’une conférence le 30 décembre 2024 avec le secrétaire général Tô Lâm, le Dr. Nguyên Quân, ancien ministre des Sciences et des Technologies, avait souligné que de nombreux résultats de recherche restaient inutilisés faute de cadre réglementaire permettant leur transfert vers le secteur privé. Contrairement aux pays développés, où les résultats de recherche appartiennent aux instituts scientifiques et aux chercheurs eux-mêmes, au Vietnam, les chercheurs étaient jusqu’à présent privés de la possibilité de valoriser directement leurs découvertes, ce qui freinait l’innovation et l’application des avancées scientifiques.
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L'État se réserve le droit de diffuser largement certains résultats scientifiques lorsque cela est nécessaire pour la prévention des maladies ou la sécurité alimentaire. |
Photo : VNA/CVN |
Le professeur Trân Đinh Long, président de l'Association des semences végétales du Vietnam, a également plaidé pour un assouplissement des réglementations afin de permettre aux chercheurs de s’engager dans des joint-ventures et des partenariats. Lors de son intervention devant le secrétaire général Tô Lâm, il a évoqué le potentiel inexploité de certains instituts de recherche, tels que l’Institut des cultures céréalières et des plantes alimentaires, qui dispose de près de 350 ha de terres, ou l’Institut du riz du delta du Mékong, qui en possède près de 400. Il estime qu’un hectare peut générer entre 40 et 50 millions de dôngs par an, mais qu’en développant des partenariats stratégiques, ces revenus pourraient atteindre plusieurs milliards de dôngs par hectare. Ces fonds pourraient alors être réinvestis dans la recherche, l’amélioration des infrastructures et l’augmentation des salaires des scientifiques.
Selon lui, il est essentiel de doter les unités de recherche appliquée d’un mécanisme de financement plus souple, afin qu’elles ne dépendent plus uniquement du budget de l'État. La mise en place d’un cadre juridique plus flexible pour les partenariats entre instituts de recherche et entreprises privées permettrait non seulement d’optimiser l’utilisation des ressources disponibles, mais aussi de favoriser la transformation des avancées scientifiques en applications concrètes au service de l’économie et de la société.
Avec cette Résolution, le Vietnam amorce un changement significatif en matière de gouvernance et de valorisation de la recherche scientifique. En assouplissant les règles encadrant la propriété intellectuelle, en renforçant l’autonomie des chercheurs et en facilitant leur implication dans le secteur économique, ces nouvelles mesures visent à dynamiser l’innovation et à accélérer l’application des découvertes scientifiques dans la vie quotidienne.
Xuân Lôc/CVN