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La guerre entre les dynasties Trinh et Mac a bien failli avoir raison de la céramique de Chu Dâu. Artisans décimés, fours détruits, la production de ces objets aux caractéristiques uniques avait été stoppée à la fin du XVIe siècle, à la suite du conflit. Depuis une dizaine d’années, grâce à un projet soutenu par la Compagnie générale de commerce de Hanoi (Hapro), la céramique de Chu Dâu, fabriquée dans le hameau éponyme, à 60 km à l’est de la capitale, a retrouvé une nouvelle jeunesse.
Le bleuté des objets est l’une des caractéristiques de la céramique de Chu Dâu. |
Chaque jour, des milliers de pièces réalisées selon les techniques ancestrales sortent des fours de la Société de production de céramique de Chu Dâu. Fondée en 2001, l’entreprise a quasiment le monopole sur leur confection. Seuls deux autres ateliers, de plus petite taille, subsistent.
Une renaissance à attribuer en partie au hasard. «En 1980, Makoto Anabuki, un ambassadeur japonais, a découvert un vase conservé au musée du palais de Topkapi d’Istanbul, d’une valeur de 25 millions de dollars. Il portait une inscription qui a permis d’identifier sa provenance : Chu Dâu», explique Nguyên Huu Hiêp, vice-directeur de l’entreprise. Des fouilles archéologiques ont ensuite été menées. Elles ont confirmé le passé du village. À ce jour, sept fouilles ont déjà eu lieu et d’autres sont prévues dans le courant de l’année.
Objets faits main
Se basant sur les objets d’époque révélés par les archéologues, les artisans ont réussi à en produire de nouveaux, qui respectent les codes de cette céramique particulière. Elle se distingue des autres types de céramiques, notamment de celle du village de Bat Tràng, sur plusieurs points. Sa spécificité réside tout d’abord dans sa forme. «Traditionnellement, les objets forment un couple, détaille Nguyên Huu Hiêp. Le premier symbolise le +yin+, la femme, et le deuxième le +yang+, l’homme».
Les objets les plus compliqués sont façonnés grâce à un tour de potier. Ceux aux contours plus simples dans des moules en plâtre. |
Si la fabrication de modèles anciens prévaut toujours, de nouveaux ont aussi été créés. La céramique de Chu Dâu se décline donc en bol, assiette, bougeoir, horloge et vase de toute sorte. Vient ensuite sa couleur, un émail bleuté déposé sur un fond ivoire craquelé, obtenu grâce à de la poudre d’écorce de riz. Et finalement, les motifs. Pour les modèles anciens, la base est ornée de pétales de lotus, emblème de la religion bouddhiste. Au milieu, se succèdent des vagues et des arbres représentants les quatre saisons, ou des chrysanthèmes. Au sommet, des feuilles de bananiers forment un diadème, symbole de beauté. «On retrouve également le soleil, pour la lumière, et le dragon, pour l’eau et le pouvoir. Mais quels qu’ils soient, tous les ornements font référence à la culture vietnamienne. Ils ne portent pas de trace de la culture chinoise», souligne Nguyên Thanh Binh, chef des ventes de la Société de production de céramique de Chu Dâu. Et d’ajouter que tous les objets fabriqués par l’entreprise sont faits main. «Ils sont tous uniques».
Motifs fins et précis
Rien d’industriel donc dans les ateliers de l’entreprise. Si ce n’est peut-être leur taille, 35.000 m2. Quelque 200 employés y travaillent. Première étape de la production, le mélange des matériaux - argile et eau. Puis, place au modelage. Autre particularité de la céramique de Chu Dâu, la majorité des objets, notamment ceux aux contours les plus simples, sont formés dans des moules en plâtre. Quand ils sont plus sophistiqués, ils sont créés à partir d’un tour de potier.
Concentré, un artisan est occupé à coller une oreille sur la tête du dragon qu’il vient de réaliser. Autour de lui, des centaines d’objets sont disposés sur des étagères. «Ils sèchent, commente Nguyên Thanh Binh. Selon la saison et la température, la durée de cette étape peut varier».
Plus loin, on s’affaire à la décoration. Les employés de ce secteur, en majorité des femmes, manient le pinceau d’un geste sûr. En ressortent des motifs fins, exécutés avec précision, parfois dans des positions d’équilibriste lorsqu’il s’agit d’atteindre le sommet des objets les plus imposants. Ils peuvent mesurer jusqu’à deux mètres. Arrangés sur des plateaux métalliques, les pièces sont ensuite cuites. «Traditionnellement, on utilisait des fours à bois, explique Nguyên Thanh Binh. Aujourd’hui, on les emploie encore occasionnellement, mais on leur préfère les fours à gaz».
Place de choix dans les musées
Texte et photos : Angélique Rime/CVN