>>Les épopées, un trésor des hauts plateaux du Centre
Le Tây Nguyên englobe cinq provinces : Gia Lai, Kon Tum, Dak Lak, Dak Nông et Lâm Dông. Et le patrimoine culturel de cette région est d’une grande richesse, avec l’espace culturel des gongs, des épopées, le ruou cân (alcool de riz à siroter avec un chalumeau de bambou), ses constructions typiques comme nhà mô (cénotaphe), nhà rông (maison commune), nhà dài (longue maison), ou encore ses coutumes et arts traditionnels des ethnies Ba Na, Ê dê, Xo Dang, M’Nông, Co Ho, Ma, Chu Ru, Gie Triêng, Brâu, Ro Mam, etc. Mais leur préservation - et c’est encore plus vrai aujourd’hui - est liée au fait qu’ils sont regroupés dans un espace culturel spécial constitué de forêts, de montagnes, de champs, les nhà rông et nhà dài formant une harmonie avec leur environnement.
L’espace culturel des gongs (hauts plateaux du Centre) est reconnu comme patrimoine culturel immatériel de l’humanité. |
Modernité et tradition ne font pas bon ménage...
Or, c’est bien là que le bât blesse, la région se transformant rapidement en raison de l’urbanisation et de l’industrialisation. De plus, les médias et Internet promeuvent l’intégration internationale de la région en termes de développement. Si c’est évidemment une bonne chose pour l’économie du pays mais le son de cloche n’est pas tout à fait le même en ce qui concerne les valeurs culturelles traditionnelles, tout simplement menacées de disparaître sous les flots de la modernité.
La province de Gia Lai vit au rythme des fêtes populaires des ethnies qui sont environ une dizaine pour les seules ethnies Bahnar ou Jrai. Pourtant, il arrive de plus en plus que l’un ou l’autre de ces événements soit rayé du calendrier. Mme Ho Duyên, chef de la troupe des artistes du district Dak Po, province de Gia Lai, s’inquiète à propos du fait que les jeunes n’écoutent plus que de la musique pop, hip-hop ou rock, avec pour conséquence un risque élevé de voir la musique traditionnelle sombrer dans l’oubli.
Le Docteur Bùi Minh Dao, directeur de l’Institut de recherche sur la culture du Tây Nguyên, reconnaît : «Les épopées comme les gongs ne peuvent survivre que dans un espace composé de forêts ou de champs. Mais la déforestation progresse, les cafiers remplacent les cultures vivrières. En quelques mots, l’économie de marché fait planer une lourde menace sur cet héritage».
Le collectionneur des épopées, le Docteur Dô Hông Ky, remarque que les habitants des hauts plateaux du Centre sont porteurs de belles valeurs culturelles. Malheureusement, certains jeunes ont tendance à les dénigrer au profit de la culture kinh, avec de fâcheuses conséquences.
... en général
La préservation de la culture des ethnies du Tây Nguyên est l’affaire de tous. Le Docteur Luong Hông Quang, directeur adjoint de l’Institut de la culture et des arts du Vietnam insiste sur la nécessité d’associer préservation et soutien des habitants, afin d’aider ces derniers à gagner de quoi vivre sans renoncer à leur mode de vie.
Une nhà rông (maison commune) à Dak Nông. |
Le directeur adjoint du Service de la culture, des sports et du tourisme de Gia Lai, Nguyên Van Hanh, informe que les autorités locales s’intéressent de près à cette idée de donner la possibilité aux habitants de vivre des patrimoines. La province de Gia Lai élabore dans cette perspective le projet de développement de l’espace culturel des gongs, avec comme pilier le développement du tourisme. De fait, elle encourage d’or et déjà les ethnies à préserver leur culture, crée des conditions favorables pour développer les métiers traditionnels et pour que les ethnies échangent et diffusent leur culture. L’optique étant que les ethnies minoritaires s’approprient à nouveau leur culture, celle-là même qui fait leur identité.
Selon la directrice du Service de la culture, des sports et du tourisme de Dak Nông, Lê Thi Hông Anh, pour préserver et valoriser le festival des gongs et des instruments de musique traditionnels, la province a redonné vie à 18 fêtes, comme celle de la célébration du Nouvel An de l’ethnie Xê Dang, le mariage des Ba Na, la fête Cha K de l’ethnie Gie Triêng, etc. Ce service coopérera avec les services de l’éducation et de la formation et des écoles-internats, pour présenter ce genre de patrimoines culturels dans les établissements.
Si la préservation de la culture du Tây Nguyên dépend en partie de la bonne collaboration entre les différents secteurs, ce travail ne peut être rendu possible que si les acteurs - les minorités ethniques - prennent véritablement conscience de l’importance de sauvegarder leur culture, plus forte que tout autre lien social. Les autorités, pour leur part, doivent aussi proposer des solutions aux habitants pour qu’ils puissent vivre de leurs patrimoines.
Hà Minh/CVN