>> Deux bombes datant de la guerre neutralisées en toute sécurité à Quang Tri
>> Près de 500.000 ha de terres ont été déminés en dix ans
>> Le règlement des conséquences des bombes et des mines d’après-guerre se poursuit
Créée en 2018, l’équipe MAT 31 compte 14 membres, dont 13 femmes. |
Photo : CTV/CVN |
Marquée par les cicatrices de la guerre, Quang Tri est la province vietnamienne la plus lourdement touchée par les restes de bombes et de mines. C’est également la première localité du pays à avoir bénéficié d’un programme de coopération internationale en matière de déminage après-guerre.
Aujourd’hui, de nombreux groupes et organisations œuvrent dans la province pour soutenir le déminage et sensibiliser aux dangers des engins explosifs. Parmi ces acteurs engagés figurent des organisations qui ont mis en place des équipes de femmes spécialisées dans le déminage, à l’instar de l’équipe MAT 31 du groupe consultatif sur les mines (MAG).
Originaire de Gio Phong, dans le district de Gio Linh, Lê Thi Bich Ngoc, 46 ans, dirige l’équipe MAT 31. Cette dernière a mené à bien une mission cruciale : dépolluer une zone de 377.162 m² jonchée de bombes à fragmentation et d’autres explosifs datant de la guerre, restituant ainsi des terres fertiles à 640 foyers du village de Thông Nhât.
Créée en 2018, l’équipe MAT 31 compte 14 membres, dont 13 femmes et un homme assurant les fonctions de chauffeur et technicien.
Expériences et compétences
Discussion avant les travaux de déminage. |
Photo : CTV/CVN |
Fortes de leurs expériences, les membres de MAT 31 arpentent les terres contaminées depuis de nombreuses années, de six à plus de vingt pour certaines. Parmi elles, Mme Ngoc, vétérane depuis l’an 2000 raconte un parcours semé d’embûches : “Pour persévérer dans cette voie si longtemps, j’ai dû affronter les doutes, les préjugés et les objections de mes proches”.
“Si le métier de démineur est déjà périlleux pour les hommes, il l’est d’autant plus pour les femmes. Nous bravons les intempéries, travaillons sans relâche sur le terrain, et faisons face à des risques constants”, confie Mme Ngoc.
Son quotidien est rythmé par des départs matinaux et des retours tardifs, sa maison étant éloignée du bureau et des champs de mines situés en périphérie de la ville. Pour assumer ses responsabilités familiales, elle compte sur le soutien indéfectible de son mari et, parfois, de ses parents.
“Femmes de caractère, nous assumons pleinement nos responsabilités. Notre métier nous laisse peu de temps pour les soins esthétiques, mais cela ne signifie pas que nous y renonçons. Malgré les intempéries, nous travaillons avec ardeur tout en prenant soin de notre féminité”, déclare Mme Ngoc.
Trân Thi Thao, 32 ans, originaire de la commune de Triêu Ai, district de Triêu Phong, avec sa silhouette svelte et ses lunettes, est- elle aussi membre de MAT 31. Et derrière son apparence gracile se cache une femme d’une bravoure et d’une détermination sans faille.
Sitôt alertée de la présence présumée d’engins explosifs, Mme Thao se rend sur place sans hésiter. Avec une agilité et une expertise redoutables, elle utilise un détecteur manuel pour localiser précisément les bombes. Ensuite, avec un courage infaillible, elle creuse patiemment le sol pour les déterrer et les désamorcer. Grâce à son intervention, de nombreuses zones ont été libérées du danger des mines, contribuant ainsi à la sécurité des populations.
C’est par le biais des réseaux sociaux qu’en janvier 2018, Mme Thao a appris que le MAG recrutait des employés à Quang Tri. Intriguée par cette opportunité, elle a étudié attentivement les informations sur le poste et les conditions d’emploi. Inspirée par la mission de l’organisation, elle a postulé et a été embauchée.
Mère de deux enfants dont son mari s’occupe, Mme Thao n’a jamais reculé devant la difficulté. Son nouveau travail, bien que physiquement exigeant, lui procure une grande satisfaction. Il lui offre non seulement une source de revenus stable, mais aussi la possibilité de contribuer concrètement à la décontamination des terres polluées par les bombes, les mines et les explosifs datant de la guerre. En rendant ces terres fertiles à nouveau, elle participe à l’amélioration des conditions de vie des populations locales.
“Je n’ai jamais regretté mon choix”, confie Mme Thao avec conviction. “Ce travail me donne un sentiment d’accomplissement et me permet de contribuer modestement à la reconstruction de mon pays”.
Une formation rigoureuse
Membres de MAT 31 au travail. |
Photo : LĐXH/CVN |
Intégrer l’équipe de neutra-lisation des bombes, mines et explosifs est un défi en soi. Dès leur recrutement, les membres suivent une formation rigoureuse, apprenant à manier le matériel et à réagir face à des situations périlleuses à travers des exercices de simulation. Mais rien ne remplace l’épreuve du terrain, où la théorie se confronte à la réalité brutale des engins de mort.
C’est ce que Mme Ngoc a vécu lors de sa première mission sur un terrain contaminé dans la commune de Gio Quang, district de Gio Linh. Alertée par un signal, elle s’approche prudemment de l’objet suspect, son cœur battant la chamade. La découverte la glace : il s’agit d’une mine M14, un modèle couramment utilisé par l’armée américaine pendant la guerre.
La peur la saisit, mais son professionnalisme prend le dessus. Se remémorant les leçons sur le désamorçage, elle reprend son calme et procède méthodiquement à la neutralisation de l’engin. Son courage et son expertise sauvent des vies une fois de plus.
Un souvenir qui marquera à jamais Mme Ngoc est celui d’une blague de son patron. Ce dernier, pour tester sa résilience, a placé un serpent mort dans sa boîte à outils. Terrifiée par la découverte macabre, elle a poussé un cri strident. Plus tard, elle a compris que cette mise en scène était une manière de les entraîner à garder leur sang-froid face aux situations périlleuses inhérentes à leur métier.
Comme sa collègue, Mme Thao a vécu son propre baptême du feu. Lors de son deuxième jour de travail dans le district de Hai Lang, alors qu’elle déblayait un amas de feuilles mortes, elle a découvert une grenade M33. Prise de panique, son instinct l’a poussée à fuir.
Aujourd’hui encore, le nombre exact d’engins explosifs qu’elle a désamorcés lui échappe. Ils sont trop nombreux, trop variés pour qu’elle puisse s’en souvenir précisément. Mais chaque détonateur neutralisé représente une victoire sur la peur et une vie sauvée.
Trân Binh Phuong, responsable des opérations de terrain du MAG, nous plonge dans le quotidien des démineurs. Huit heures par jour, ces héros anonymes bravent les dangers des engins explosifs pour sécuriser les sols.
La sécurité, c’est leur priorité absolue. Chaque démineur est équipé d’une combinaison de protection complète et suit à la lettre les instructions du commandant d’équipe. Leur mission : manier avec précision machines et outils spécialisés pour neutraliser et désamorcer mines et bombes.
Les équipes du MAG sont dotées d’un arsenal technologique de pointe : détecteurs de métaux ultra-sensibles, robots télécommandés, combinaisons de protection à la pointe du progrès. Tout est mis en œuvre pour minimiser les risques et maximiser l’efficacité de ces opérations vitales.
Méticulosité et efficacité
Déjeuner sur le terrain. |
Photo : LĐXH/CVN |
À l’arrivée sur le terrain, les équipes MAT déploient leur savoir-faire méthodique. Piquets et cordes délimitent l’espace à inspecter, divisé en parcelles rigoureusement définies. Deux membres, armées d’un scanner de profondeur, scrutent chaque mètre carré, à la recherche d’objets suspects. Le moindre signal du détecteur déclenche une réaction immédiate : une plaque triangulaire rouge en plastique marque l’emplacement, alertant le chef d’équipe qui dépêche aussitôt le personnel technique pour neutraliser la menace.
M. Phuong précise que la productivité des équipes MAT varie en fonction du terrain et du niveau de pollution. Sur des sols plats, meubles et peu pollués, elles peuvent traiter en moyenne 4.000 à 4.500 m² par jour. En revanche, les terrains complexes et fortement pollués réduisent leur capacité de 3.000 à 3.500 m² quotidiens.
Lueur d’espoir
Dans la province de Quang Tri, marquée par les cicatrices d’un passé conflictuel, le MAG se dresse comme une lueur d’espoir. Cette organisation non gouvernementale figure parmi les acteurs majeurs du déminage humanitaire dans la région, contribuant inlassablement à libérer les terres du fléau des mines terrestres.
Depuis sa création en 1999, le MAG a accompli un travail titanesque, déminant près de 180 millions de mètres carrés de terres. Cette mission cruciale a permis de redonner vie à des sols autrefois meurtriers, les transformant en espaces fertiles où la population peut désormais cultiver, construire des écoles, des dispensaires, des routes et des zones de réinstallation.
Thao Vi - Huong Linh/CVN