Le protecteur des Doucs à Dà Nang

La péninsule de Son Trà est le poumon vert de Dà Nang (Centre). Là, vivent des centaines de Doucs à pattes rousses, qu’un jeune passionné, Bùi Van Tuân, observe et protège. Rencontre avec cet ange gardien.

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Bùi Van Tuân accorde une grande importance à la sensibilisation des jeunes sur la protection de l’environnement.

Né dans la province de Quang Nam (Centre), Bùi Van Tuân, 30 ans, est un amoureux du Douc à pattes rousses (Pygathrix nemaeus).

Le primate se décline en 3 espèces, reconnaissables par la couleur de leurs pattes (rousses, noires ou grises), et toutes sont présentes au Vietnam. Le Douc à pattes rousses se trouve dans le Centre du Vietnam, le Nord du Cambodge et le Centre-Est du Laos, son aire de répartition reste dès lors très limitée.

L’un des plus beaux primates du monde

Les Doucs sont menacés à la fois par le braconnage et la destruction de leur habitat naturel. Ce sont des animaux sociaux qui vivent en groupes de quatre jusqu’à 50 individus, composés d’une majorité de femelles. Ils se nourrissent principalement de feuilles. Ils mangent aussi des fruits, des graines, des fleurs, ou encore des bourgeons et des pousses de bambou. Ils ne boivent pas, l’eau qu’ils ingèrent provient uniquement de leur nourriture. Du fait de ses nombreuses couleurs (un de ses noms en vietnamien est Vooc ngũ sắc, ce qui signifie «singe aux cinq couleurs»), le Douc à pattes rousses est sans conteste l’un des plus beaux primates du monde.

Des Doucs à pattes rousses dans la péninsule de Son Trà, à Dà Nang (Centre).
Photo : CTV/CVN

La péninsule de Son Trà, à Dà Nang, est un refuge pour cette espèce animale classée dans le Livre Rouge du Vietnam. Depuis une dizaine d’années, la vie de Tuân est liée au «roi des primates». Lui et ses collègues n’hésitent pas à s’enfoncer des journées entières en forêt pour observer ses mœurs.

Connaissances introuvables

C’est en 2007 que Tuân, alors étudiant en 2e année de biologie et environnement à l’École normale supérieure de l’Université de Dà Nang, découvre dans le cadre de son cursus cette espèce. C’est le coup de foudre. Bien que vivant aux portes de la ville, le Douc est quasi-inconnu des gens de Dà Nang. «Lors d’un projet de recherche sur l’habitat des Doucs, j’ai fait un sondage. Résultat : cinq personnes sur dix ne connaissent pas cette espèce», assure Tuân.

Bien que protégés par la loi, ces petits singes sont encore braconnés, ce qui l’indigne au plus haut point. «Si nous ne protégeons pas les Doucs de Son Trà, cette péninsule perdra de son attractivité. Car Son Trà a pour particularité d’être le lieu où il est le plus facile d’observer les Doucs dans le monde», informe le spécialiste. En matinée, on peut aisément les observer le long de la route, parfois à quelques dizaines de mètres seulement. Ils continuent de vaquer à leurs occupations, parfois en se cachant un peu dans le feuillage car ils sont timides. La péninsule abrite 60% de la population de Doucs à pattes rousses du pays, c’est dire son importance.

Bùi Van Tuân sur le terrain.

Pour les étudier, Tuân a passé des centaines d’heures sur le terrain. Lors du concours «Les étudiants mènent des recherches scientifiques», organisé par l’Université de Dà Nang, son projet sur le primate et sa protection a remporté le deuxième prix.

Une fois diplômé, Tuân s’est rendu dans le Tây Nguyên pour découvrir d’autres populations de Pygathrix nemaeus. Deux années sur le terrain lui ont donné des connaissances précieuses introuvables dans les livres. Il est désormais un scientifique de terrain, connu dans le microcosme de la primatologie.

En 2012, Tuân et ses camarades ont créé le Centre de conservation de la biodiversité GreenViet, qui regroupe de jeunes passionnés de la nature. Ils ont photographié des Doucs dans leur habitat naturel et beaucoup de leurs clichés ont été exposés à Dà Nang.

GreenViet et la société Thiên Bach Minh ont collaboré pour lancer une campagne de sensibilisation. Depuis le 24 avril, une vingtaine de photos montrant des Doucs braconnés a été placardée dans des abribus de grandes artères de Dà Nang, avec pour slogan «Ensemble pour protéger les Doucs». Les organisateurs souhaitent en mettre un peu partout dans la ville. Leur ambition : que d’ici 2020, tous les habitants de Dà Nang connaissent les Doucs.

Un sanctuaire menace

Début 2016, des violations sur la forêt de Son Trà ont révolté l’opinion publique locale. Les autorités locales ont confié des terrains dédiés au reboisement à de nombreux foyers. Ces derniers ont coupé des arbres pour ouvrir des routes en plein territoire des Doucs. C’est lors d’une virée en forêt que Tuân et ses collègues ont découvert «le massacre». Ils ont informé les organes concernés afin que les contrevenants soient sanctionnés. «J’ai envoyé des lettres aux organes compétents. Aucune réponse. J’ai même repéré des baraquements de bûcherons, payés par des gens étrangers de Dà Nang», partage Tuân. Devant l’urgence de la situation, lui et ses amis ont posté sur Facebook des photos et des vidéos. Les internautes ont réagi, obligeant les autorités locales à sortir de leur torpeur. Des directeurs de services et des dirigeants de Dà Nang ont inspecté la péninsule. De nombreux forestiers ont écopé de sanctions disciplinaires pour leur «négligence».

Après cet épisode, le Service des ressources naturelles et de l’environnement a pris des mesures pour protéger Son Trà. «Les autorités locales sont désormais à nos côtés dans notre campagne de protection», se réjouit Tuân. Les Doucs peuvent dormir sur leurs deux oreilles, un protecteur dévoué veille sur eux.

Ngoc Yên/CVN

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