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L’artisan Nguyên Thanh Vân |
Dans sa maison rue Trân Dình Xu, à Hô Chi Minh-Ville, impossible de faire un pas sans tomber sur un de ses cerfs-volants. Ils sont omniprésents, sur le sol, le mur, le long de l’escalier. Ils ont même droit à une grande salle spécialement dédiée à leur entreposage, devenue indispensable. En soixante ans, Nguyên Thanh Vân a en effet confectionné des milliers de pièces. Un trésor qu’il refuse de céder, malgré les nombreux acheteurs potentiels. «Je fais des cerfs-volants par passion, pas pour les vendre», partage-t-il. Ces créations ont volé dans le ciel dans des centaines de festivals nationaux et internationaux, mettant en valeur et à l’honneur tout son talent.
L’enthousiasme permanent
Aujourd’hui, auréolé du titre «d’artisan folklorique», il poursuit sa passion avec toujours le même enthousiasme. Nguyên Thanh Vân a commencé à créer des cerfs-volants dès l’âge de 6 ans, après en avoir perdu un confié par un ami. Son frère ne montrant aucune envie de l’aider, il partit tailler quelques bambous pour en faire le cadre, et découpa du papier pour le recouvrir. Un talent est né. On aurait pu croire qu’avec une telle vocation il devienne ingénieur pour développer et construire de vrais avions, mais il a choisi d’être électricien, ce qui lui laisse le loisir de dégager du temps pour peaufiner ses cerfs-volants.
Pour permettre à ces derniers de voler, il fallait trouver un espace suffisamment ouvert. Une mission des plus difficiles dans une mégapole aussi grouillante que Hô Chi Minh-Ville, mais il a jeté son dévolu sur les champs de paddy situés en périphérie.
«Je préfère construire les cerfs-volants plutôt que les faire voler», partage-t-il. «Je pourrais passer des heures à concevoir des modèles, couper le tissu, tailler le bambou et poser la peinture sur les ailes, sans se soucier de quoi que ce soit autour de moi. Pour moi, il est difficile de décrire ce que je ressens quand je finis un cerf-volant», exprime-t-il.
La créativité et le talent
Un cerf-volant de M. Vân aux couleurs des drapeaux français et vietnamien. |
Photo : SG/CVN |
Pour les motifs, il s’inspire des paysages de sa ville natale, ou des sites touristiques connus tels que le marché Bên Thành, le port Nhà Rông ou la pagode au pilier unique. Il aime aussi y apposer le drapeau national et des motifs plus traditionnels tels que des dragons, phoenix, poissons, oiseaux et autres fleurs.
La pratique du cerf-volant n’est pas de tout repos. «Une fois, nous avions réalisé un cerf-volant de 50 m de long, mais qui pesait sept kilos, le rendant dès lors bien trop lourd. Mes amis du club et moi-même avions couru le long de la rivière pour tenter de le faire voler, mais dès que nous sessions la course, il tombait», se souvient-il. Mais c’est au Festival de la mer, organisé en 2006 à Bà Ria-Vung Tàu, que ses efforts ont été récompensés à leur juste valeur. C’est en effet à cette occasion qu’il a pu présenter son cerf-volant en forme de dragon mesurant plus de 100 m de long, établissant dès lors un record national. Il a fallu à Nguyên Thanh Vân et à ses acolytes près de deux ans pour assembler cette œuvre.
L’artisan perpétue en fait un savoir-faire issu d’une longue tradition. Au Vietnam, les cerfs-volants faits de bambou, un matériau clé, étaient agrémentés de flûtes pour avertir autrefois les villageois de la fin du travail dans les champs. Auparavant, ces flûtes ne pouvaient émettre que des sons aléatoires produits par le vent, mais aujourd’hui, elles sont conçues pour reproduire des sons de sirènes de train ou des airs de musiques. «Les cerfs-volants à flûte font le voyage avec moi aux festivals internationaux, y compris en Malaisie, en Indonésie, en Thaïlande, à Singapour et en Pologne, et aident à présenter ces loisirs typiques vietnamiens».
Les cerfs-volants de M. Vân peuvent également se parer de mille feux. Dans un concours «inoubliable» organisé en Malaisie en 2002, des cerfs-volants ont pu voler de nuit avec des lumières attachées afin que le public puisse les admirer. «À ma grande surprise, j’ai reçu le premier prix pour un cerf-volant de grande envergure et décorés de lumières colorées, et c’était la première fois que j’en réalisais un», rappelle Vân.
Les cerfs-volants relient les gens
Sa famille, et en particulier sa femme, ont été d’un grand soutien. Pendant près de 20 ans, son épouse est restée à ses côtés quand il était occupé à préparer ses cerfs-volants et à participer aux concours et festivals vietnamiens et étrangers. «Elle se plaignait toujours de cuisiner et de tout nettoyer derrière moi, mais elle est la personne qui me soutient le plus», sourit-il.
En 1999, il a fondé le club Phuong Hoàng (Phoenix), le premier de son genre dans le Sud où les amateurs de cerf-volant, y compris les enfants, viennent partager leur passion commune. Aujourd’hui, il en est toujours le président. Ce club est un peu sa deuxième famille. «De plus en plus d’enfants et de jeunes se joignent au club», se réjouit-il. M. Vân est également invité dans les écoles primaires et secondaires locales pour enseigner aux élèves l’art de faire des cerfs-volants. «Je suis heureux de voir les élèves arriver à les faire voler haut dans le ciel».
Pourtant, il est regrettable de voir que les enfants vietnamiens ne disposent que de peu d’espace, en particulier dans les zones urbaines surpeuplées. L’image des champs spacieux avec les cerfs-volants bercés par le vent est devenue rare aujourd’hui. «J’enseigne à mes petits-enfants et à d’autres jeunes les pratiques, en espérant que cela aide à nourrir leur passion».
Thuy Hà/CVN