Le pays natal habite son cœur

Originaire de la province de Bên Tre (Sud) et installée en France depuis 1959, Nguyên Thi Thât Peel, présidente de l’Association culturelle franco-vietnamienne de Perpignan et chevalière de l’Ordre national de la Légion d’honneur, œuvre sans relâche au renforcement des liens avec son pays d’origine.

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Nguyên Thi Thât Peel (centre). 
Photo : VOV/CVN

Depuis une vingtaine d’années, elle partage son temps entre le Vietnam et la France, menant à bien des projets humanitaires et œuvrant à la promotion de la culture vietnamienne sur le sol français. Aujourd’hui octogénaire, cette femme empreinte de douceur partage avec ferveur à la Voix du Vietnam (VOV) son amour pour le Vietnam, évoque ses engagements humanitaires et révèle les projets qu’elle nourrit encore avec détermination.

Grâce à mes missions pour le compte de l’Union européenne et des Nations unies en Asie du Sud-Est, je peux poursuivre mes activités sociales, éducatives, culturelles et humanitaires dans le pays. Avec l’Association culturelle franco-vietnamienne, nous avons lancé le projet “Culture et enfance solidaire au Vietnam”. Dans ce cadre, nous avons lancé un programme de parrainage d’enfants, qui permet de soutenir leur scolarité, de leur éviter de travailler et d’améliorer leur quotidien, leur santé et leur niveau de vie. Nous avons également mis en place un programme de microcrédits pour aider des personnes en situation précaire. Par ailleurs, depuis 2012, nous menons un programme de construction de cantines pour les crèches, afin de répondre aux besoins essentiels des jeunes enfants.

Vos projets sont mis en œuvre principalement dans le delta du Mékong. Et quels résultats ou changements concrets avez-vous constatés grâce, justement, à vos projets dans cette région ?

Je suis née dans un village situé à 30 km de Bên Tre. C’est également là que je reçois des demandes d’aide. J’ai un contact local qui facilite la distribution des dons, ce qui est essentiel, notamment pour répondre aux exigences des donateurs en France et de notre banque, qui demandent des pièces justificatives. Il est donc crucial d’avoir des partenaires fiables au Vietnam pour organiser et superviser les dons sur place, qu’ils soient destinés aux enfants ou aux familles. Pour le parrainage ou les microcrédits, le fonctionnement est similaire. Nous avons une équipe de volontaires sur place qui vérifie les besoins, reçoit les fonds envoyés par la banque et les distribue directement aux bénéficiaires. Nous nous assurons également d’obtenir les signatures des bénéficiaires, notamment des enfants, afin de les transmettre aux donateurs. Je ressens une grande responsabilité entre les donateurs et les bénéficiaires. C’est un travail transparent et concret, car chaque enfant reçoit directement l’aide qui lui est destinée. Jusqu’à présent, les résultats ont été positifs, même si nous sommes conscients que ce n’est qu’une goutte d’eau. Nous ne prétendons pas offrir un soutien monumental. Ce sont des mini-programmes et des mini-projets que nous réalisons avec modestie, en nous inspirant de mon expérience au sein de l’Union européenne à travers différents pays.

Nguyên Thi Thât Peel distribue des cadeaux aux personnes démunies de la province de Bên Tre, le 15 novembre 2022. 
Photo : VOV/CVN

Quels types de projets humanitaires avez-vous financés ces dernières années, notamment pour aider les enfants et les familles vulnérables au Vietnam ?

Chaque année, je réserve un don, au mois de décembre, d’environ 1.500 à 2.000 euros pour les enfants. L’année dernière, j’ai soutenu les enfants de la région de Son La (Nord). Cette fois-ci, avec le typhon Yagi, nous avons récolté 7.000 euros, ce qui est tout de même appréciable. J’ai finalisé toutes les pièces justificatives des dons offerts à Lào Cai (Nord), notamment dans le district de Bat Xat. Cette somme a également permis de financer une cour de 205 mètres carrés devant une école à Bat Xat, pour un coût total de 60 millions de dôngs. En outre, j’ai apporté une aide d’urgence à 29 familles et à 20 autres pour la reconstruction de leurs maisons, en collaboration avec les autorités locales. Au total, ce don de 7.000 euros, bien que modeste, a bénéficié à plus de 48 familles et à 40 enfants d’une école maternelle.

En tant que présidente de l’Association culturelle franco-vietnamienne de Perpignan, vous avez organisé de nombreux événements pour promouvoir la culture vietnamienne en France. Pouvez-vous nous en dire davantage sur ces initiatives ?

Nous avons aussi organisé des conférences, des concerts, des expositions, des rencontres culinaires pour faire connaître le Vietnam en France, son histoire, ses paysages, son patrimoine, sa population, ses traditions, sa culture, sa gastronomie... Pour soutenir tout cela, la francophonie au Vietnam également, nous avons envoyé nos étudiants français dans le cadre du service civique international en favorisant ainsi les échanges professionnels dans le domaine économique, touristique, gastronomique et culturel. Nous avons organisé de nombreux programmes culturels à Perpignan, mais aussi à Bordeaux et à Toulouse. À Perpignan, on se souvient toujours d’une semaine dédiée à la gastronomie vietnamienne. Nous avons obtenu un espace de 850 m² exclusivement pour le Vietnam, gratuitement, pendant une semaine. Tout cela a été rendu possible grâce au ministère des Affaires étrangères et à une réunion organisée à l’ambassade du Vietnam à Paris. Ça a été un succès total. Un deuxième événement a été organisé juste avant la pandémie de Covid au lycée d'Argelès-sur-Mer. Un autre a eu lieu du côté de Poitiers, à l’occasion du 40ᵉ anniversaire des relations diplomatiques entre la France et le Vietnam. Je pense que ces initiatives ont profondément marqué le public français. Elles ont permis de promouvoir la culture et la gastronomie vietnamiennes tout en répondant aux attentes du public. Il est essentiel de poursuivre ces actions.

Et quel aspect de la culture vietnamienne souhaitez-vous particulièrement mettre en valeur ?

Je pense qu’il y a deux domaines universels : la musique et la gastronomie. La musique rassemble les gens à travers les mélodies, mais ce n’est pas tout à fait la même chose que la gastronomie. Avec la gastronomie, on se réunit, on échange, on pose des questions. C’est un événement très concret, propice aux rencontres et aux discussions. J’apprécie particulièrement cet aspect, car les échanges sont souvent facilités autour d’un repas. 

Et selon vous, quelles sont les priorités humanitaires par les communautés vietnamiennes, tant en France qu'au Vietnam ?

Les enfants du village d'An Phu Trung, dans la province de Bên Tre (Sud), ont reçu des bourses d'étude. 
Photo : VOV/CVN

Il me semble qu'il faut aider la jeunesse. Et aussi les personnes âgées. La jeunesse, les enfants, c'est l'avenir du pays. Et actuellement, je travaille beaucoup, même en France, sur la formation professionnelle des jeunes. Et le métier le plus accessible, c'est dans le domaine de la gastronomie, tout simplement parce qu'il y a des formations à court terme, trois mois, six mois, un an, et aussi à long terme, et aussi parce qu'il faut que le projet gagne dans la durée. Et donc, mes préoccupations actuelles, c'est de pouvoir réaliser des projets de formation professionnelle dans le domaine de la gastronomie au Vietnam. Et actuellement, il y a des problèmes de santé, des problèmes de l'environnement, climatique. Il faut revenir vers une alimentation saine.

Qu’est-ce qui vous motive à poursuivre ces actions année après année ?

Mon cœur continue encore à partager mon amour pour le pays natal. Et il faut rester fidèle à ses objectifs et surtout j'ai l'habitude de bien préparer tout le planning pour pouvoir réaliser jusqu'au bout les programmes souhaités. C'est très important. Je sais où je vais et je connais mes limites lorsque je présente un projet au Vietnam. Et lorsque j'ai un dossier complet, j'ai des certitudes de la réalisation sur place, à ce moment-là, la collecte de fonds arrive. Je prévois toujours un an d'avance pour avoir de l’argent.

Pensez-vous que la culture peut être utilisée comme un levier pour mobiliser des soutiens humanitaires?

Absolument, c’est une solution idéale. Lorsque surviennent des catastrophes naturelles, que faisons-nous? Nous organisons des collectes de fonds, mais sous des formes culturelles : concerts, réunions autour d’un repas, ou autres événements. Cela permet de récolter les fonds nécessaires tout en créant un espace de solidarité et de partage. Des événements culturels sont parfaitement adaptés pour mobiliser les soutiens et apporter une aide concrète au pays.

Et vos futurs projets?

Pour mes projets futurs, tout commencera à partir du mois de mars prochain, lorsque je serai au Vietnam avec la directrice du centre de formation en langue française. Nous commencerons par signer une convention avec l’Université de Cân Tho (Sud) pour faciliter les échanges entre les futurs enseignants de français au Vietnam et le soutien aux étudiants souhaitant venir à Perpignan pour apprendre le français, ainsi que le métier de la cuisine. En parallèle, nous prévoyons une rencontre avec l’ambassade de France afin d’évaluer la suite de ce projet d’échange axé sur le développement de la langue française. Par ailleurs, un autre projet concerne la construction d’une nouvelle cantine. Je l’examinerai sur place après mes discussions avec mes contacts, notamment mes amis, l’association des chefs, ou encore les journalistes du magazine Nghê Nghiêp và Cuôc Sông. Tout dépendra des rencontres et des opportunités qui m’aideront à concrétiser ce projet. Dans l’avenir, je continuerai à apporter mon soutien aux personnes âgées, aux enfants et aux jeunes. Ces actions s’inscrivent également dans une démarche de valorisation du rôle de la femme. Partout où je vais, je parle de la femme vietnamienne : son costume, son talent et son travail. Je me permets même de remonter au XIXᵉ siècle en utilisant des photos d’archives que je présenterai bientôt à l’université, lors d’un événement prévu le 3 mars. 

VOV/VNA/CVN

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