Le pape confirme sa volonté d'accélérer la réconciliation entre chrétiens, pour lutter ensemble contre le radicalisme musulman. Photo : AFP/VNA/CVN
La séparation entre catholiques et orthodoxes, scellée dans le schisme de 1054 entre Rome et Constantinople, est liée à des questions théologiques complexes, mais aussi à des motifs politiques : l'Occident carolingien voulait exercer son autorité sur l'ensemble du monde chrétien à travers le pape, tandis que l'Orient souhaitait maintenir son indépendance. Si les deux Églises sont finalement assez proches sur les questions théologiques, les différences sont encore nombreuses et profondes : elles portent toujours sur la primauté du pape, mais aussi sur le conflit ukrainien, où se manifestent une nouvelle fois les divisions entre Grecs-catholiques rattachés à Rome et orthodoxes rattachés à Moscou.
Les deux chefs religieux, qui avaient besoin d'un terrain neutre, profiteront de la visite du patriarche russe en Amérique latine et du voyage du pape au Mexique pour se retrouver quelques heures à l'aéroport de La Havane, où ils seront accueillis par le président Raul Castro. Le patriarche connaît pourtant bien le Vatican, où il s'était rendu à plusieurs reprises quand il était « ministre des Affaires étrangères » de l'Église russe. Après une entrevue qui pourrait durer jusqu'à trois heures, les deux hommes doivent publier une déclaration commune.Des rapprochements avec Constantinople avaient déjà eu lieu
À la suite du rendez-vous historique de Paul VI et d'Athénagoras en 1964 à Jérusalem, de nombreuses rencontres et déclarations communes ont déjà eu lieu entre un pape et le patriarche de Constantinople, théoriquement chef spirituel du monde orthodoxe mais qui n'a d'autorité directe que sur 3,5 millions de fidèles. Avec 130 millions de fidèles, c'est dans les faits l'Église orthodoxe russe qui domine les 14 Églises autocéphales orthodoxes.
Avant François, ses prédécesseurs Jean-Paul II et Benoît XVI avaient tour à tour souhaité une rencontre avec le patriarche de Moscou. Jean Paul II avait parlé de la nécessité de rapprocher « les deux poumons » de la chrétienté, mais le patriarcat de Moscou a mal vécu le pontificat de ce pape polonais, qui soutenait les Grecs-catholiques ukrainiens, une des Églises catholiques d'Orient. La relation a été plus apaisée avec Benoît XVI, dont le patriarcat russe appréciait le conservatisme doctrinal. Moscou fustige en effet régulièrement ce qu'il considère comme un laxisme doctrinal des évêques catholiques occidentaux sur la famille, l'homosexualité et le mariage.
Du côté du Saint-Siège, certains déplorent en privé le nationalisme de l'Église russe et ses liens avec le Kremlin, mais le Vatican a évité toute confrontation ouverte ces dernières années. La modération du Saint-Siège dans les condamnations de la politique interventionniste en Ukraine du président russe Vladimir Poutine a été appréciée à Moscou et douloureusement perçue par les Grecs-catholiques ukrainiens, qui soutiennent le gouvernement de Kiev.Une lutte, ensemble, contre le radicalisme islamiste
Le pape François a fait de l'oecuménisme une priorité absolue, insistant sur le fait que les chrétiens luttent ensemble, en particulier au Moyen-Orient, contre le radicalisme islamiste. Il utilise souvent la formule « oecuménisme du sang » pour évoquer les martyrs chrétiens, de la Syrie au Nigeria, relevant qu'ils sont ciblés en tant que chrétiens, et non en tant que catholiques, orthodoxes, protestants ou anglicans.
« La situation actuelle au Moyen-Orient, en Afrique du Nord et central et dans quelques autres régions où les extrémistes se livrent à un véritable génocide des populations chrétiennes, nécessite des mesures urgentes et une véritable coordination entre les églises chrétiennes », a reconnu l'Église orthodoxe russe dans un communiqué. « Le thème de la persécution des chrétiens sera central » dans la rencontre, a-t-elle ajouté.