Le jazz coule dans ses veines

Le saxophoniste Trân Manh Tuân est le créateur d’un club à Hô Chi Minh-Ville, le Sax n’Art, qui réveille cette ville aux mélodies si particulières du jazz.

Avec le saxophoniste Quyên Van Minh, Trân Manh Tuân est l’un des rares jazzmen réputés du pays. Non pas seulement en tant que musicien, mais aussi comme compositeur et producteur de talent. Actuellement, en dehors de son activité au Sax n’Art et de ses concerts en divers lieux, il enseigne au Conservatoire de musique de Hô Chi Minh-Ville pour transmettre ses précieuses connaissances et son expérience aux jeunes épris de cette musique si difficile et complexe qu’est le jazz.

Le saxophoniste Trân Manh Tuân

Né dans une famille riche de traditions musicales de la province de Bac Ninh - le berceau du quan ho (chant alterné), ses parents et sa grande soeur étant d’ailleurs tous artistes de cai luong (théâtre rénové), son enfance, puis sa jeunesse ont été rythmées par la musique.

En 1979, Trân Manh Tuân commence le saxophone et reçoit finalement une bourse de Berklee College of Music, à Boston (États-Unis), devenant ainsi le tout premier étudiant vietnamien de cette prestigieuse université américaine. Le jeune Trân Manh Tuân s’est alors entièrement consacré à ses études, préférant apprendre et travailler plutôt que de trouver un «job» pour améliorer le quotidien. Plus encore, ce fut pour lui une période de privation pour assouvir davantage sa passion : il réussissait même à économiser l’argent de sa bourse pour acheter des documents sur le jazz.

Son retour au pays natal en 1996 fut, en quelque sorte et d’une certaine manière, une véritable petite révolution dans le milieu de la musique de la capitale : il faut dire qu’à l’époque, le jazz était résolument nouveau au Nord, alors que la vie musicale était assez calme... Il n’y avait guère que quelques étrangers qui écoutaient du jazz à Hanoi.

L’avant-gardiste touche à tout

Premier au Vietnam à avoir été formé professionnellement au jazz, il a rapporté des États-Unis des valises de documents sur cette musique. Cette documentation, il l’a partagée avec ses amis, enseignants et compositeurs. An Thuyên, un maître de la chanson lyrique, l’a alors invité à venir enseigner à l’École artistique de l’armée, où il a formé plusieurs musiciens de jazz.

Trân Manh Tuân (centre) lors d’un concert avec le quartette Smietana à l’Opéra de Hô Chi Minh-Ville.

En 2002, Trân Manh Tuân a quitté Hanoi pour Hô Chi Minh-Ville, laissant un grand vide dans la communauté des amoureux de jazz de la capitale. Ses débuts étaient très difficiles. Avec son saxophone, il s’est débrouillé pour gagner sa vie en organisant seul shows et programmes. «Je faisais tout de A à Z, allant chercher mécènes, scènes où se produire, réalisant les décors, sélectionnant les morceaux à jouer... Et sans patience, je ne pouvais rien avoir», se rappelle l’artiste.

Cette période difficile n’en a pas moins été très riche. C’est dans cette ville qu’il a rencontré celui qui est devenu l’un de ses plus grands amis, le célèbre Trinh Công Son, compositeur, interprète, musicien, poète, peintre... Ce dernier, qui a d’ailleurs laissé un certain nombre de portraits de Trân Manh Tuân, n’a eu de cesse de l’encourager à persévérer. Et réciproquement, Trân Manh Tuân a insufflé quelque chose de nouveau dans plusieurs oeuvres de Trinh Công Son. Son talent devenant de plus en plus reconnu, Trân Manh Tuân a commencé à diversifier son activité : outre les concerts en soliste, il s’est produit sur scène avec d’autres artistes, a fait des disques, en a produit, puis a ouvert son studio...

Jazz et airs folkloriques : rien n’est impossible

C’est en 2005 que Trân Manh Tuân a créé le Sax n’Art au 28, rue Lê Loi, dans le 1er arrondissement de Hô Chi Minh-Ville. Un temple exclusivement dédié au «jazz», lieu où tout passionné de cette musique écoute des oeuvres interprétées par Trân Manh Tuân en personne ou par tout autre jazzman de passage.

La créativité est de mise, ici. Au Sax n’Art, on peut en effet y entendre des transcriptions en jazz de musique folklorique vietnamienne, du Nord-Ouest jusqu’au Tây Nguyên, hauts plateaux du Centre, en passant par les deltas du Nord et du Sud, et souvent, sinon de préférence, des morceaux qui ne se trouvent plus qu’en zone rurale... Rien n’est impossible, en bien des sens, les genres n’ont point de frontières.

Cet artiste préfère que les gens l’appellent le jazzman Bac Ninh. Né et ayant grandi à Hanoi, son village natal est dans la province de Bac Ninh, le berceau du quan ho. «Je suis venu au jazz en partie parce que cette musique a fréquemment quelque chose de semblable avec les airs folkloriques de ma province. Je m’inspire aussi, en dehors d’airs de Bac Ninh, de chansons populaires de Huê et du Centre, que j’aime beaucoup». Il a même réalisé des clips où il se produit dans la pagode Bao Quôc. Au fond du coeur de cet homme comme dans la texture et la couleur du son de son saxophone, les mélomanes perçoivent la richesse infinie du jazz comme celle des traditions de la musique vietnamienne.

Diêu An/CVN

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