"Personne n'est certain de ce qui va se passer à partir du 31 décembre 2012 pour ces mécanismes de projets du protocole de Kyoto", souligne Benoît Leguet, directeur de la recherche à CDC Climat.
Le principal outil économique de ce type est le "Mécanisme de développement propre" (MDP), inclus dans le protocole de Kyoto, traité emblématique dont l'avenir va être âprement discuté à la conférence de l'ONU sur le climat qui débute le 28 novembre à Durban (Afrique du Sud).
Ce protocole impose des objectifs de réduction d'émissions de gaz à effet de serre (GES) aux pays les plus industrialisés, à l'exception notable des États-Unis qui ne l'ont pas ratifié.
Ces pays riches et leurs entreprises peuvent, pour atteindre ces objectifs, "déduire" de leurs émissions réelles des "crédits" obtenus en investissant dans des projets "propres" dans des pays émergents ou en développement (énergie renouvelable, valorisation énergétique des déchets, reforestation). "Aucun autre mécanisme n'a été aussi efficace pour attirer des milliards de dollars en capitaux privés vers des projets qui réduisent les émissions dans les pays en développement", affirme James Cameron, fondateur du fonds d'investissement britannique Climate Change Capital.
Un outil dont le futur est toutefois loin d'être assuré alors que la première période d'engagements de cinq ans du protocole de Kyoto s'achève fin 2012. Et que plusieurs pays industrialisés ont indiqué qu'ils ne souhaitaient pas reprendre de nouveaux engagements dans ce cadre.
Dans ce climat incertain, les investissements dans des projets "MDP" ont chuté de 7,4 milliards de dollars en 2007 à 1,5 milliard USD en 2010. "On se rend compte que les pays ne seront peut-être pas capables de signer une deuxième période d'engagement à Durban, mais ils peuvent apporter des éclaircissements" sur l'avenir des mécanismes eux-mêmes, souhaite Steven Gray, vice-président de Climate Change Capital.
Les industriels européens soumis à des contraintes de réduction (centrales à charbon, cimenteries, verre, etc.) sont aujourd'hui les principaux acquéreurs des crédits générés par les MDP via le marché européen du carbone.
Les autres acteurs sont des États comme le Japon ou l'Espagne et l'Italie. Juridiquement, rien ne s'oppose à ce que ces mécanismes continuent de fonctionner même sans nouveaux engagements de réduction des pays industrialisés dans le cadre du protocole de Kyoto, estiment plusieurs experts.
Certains pays refusant de nouveaux engagements sous Kyoto, comme le Japon, ne sont ainsi pas contre continuer à utiliser de tels mécanismes de projets via notamment des accords bilatéraux. "Ce qu'on a appris avec les MDP, c'est que ça marche : on réussit à réduire les émissions quand on met un signal-prix", note Benoît Leguet, pour CDC Climat, optimiste sur le fait que ces mécanismes vont perdurer à terme.
Les MDP auront permis, fin 2012, d'éviter 1,5 milliard de tonnes de CO2 dans l'atmosphère, selon ses estimations.
L'Europe a d'ailleurs déjà établi les règles du jeu post-2013 pour son marché carbone, où les nouveaux crédits acceptés ne pourront venir que de projets menés dans les pays les moins avancés (PMA).
En mai, selon le décompte officiel de l'ONU, les pays les plus pauvres étaient les grands oubliés des projets, les MDP servant principalement à financer des projets en Chine, mais aussi en Inde ou au Brésil.
Reste que cet outil, pour vraiment permettre de lutter contre le changement climatique, doit être adossé à des objectifs élevés de réduction de CO2 de la part des pays. "Sans ambition, souffle Steven Gray, il est difficile de voir comment les mécanismes actuels, réformés ou à venir seront à l'échelle suffisante pour répondre à l'enjeu qui est devant nous."
AFP/VNA/CVN