>> Maîtriser le multimédia avec le formateur belge Alain Gérard
>> La rue du train à Hanoï, une balade sans pareil
Alain Gérard s'exprime lors de la cérémonie d'ouverture de la formation au siège de l'Agence Vietnamienne d'Information. |
Photo : Xuân Quang/VNA/CVN |
La formation s'inscrit dans le cadre du projet 2.5 intitulé "Renforcement des compétences professionnelles et de français des journalistes francophones", partie intégrante du programme de coopération entre le Vietnam et Wallonie-Bruxelles pour la période 2022-2024.
Du côté vietnamien, les opérateurs sont l'Agence Vietnamienne d'Information (VNA) et la radio nationale La Voix du Vietnam (VOV), tandis que du côté belge, ce sont la Radio-télévision belge de la Communauté française (RTBF), l'Agence de presse Belga et l'ULB.
L’atelier, divisé en deux sessions d'une semaine chacune, a accueilli 14 journalistes francophones et 29 reporters non francophones, tous issus de la VNA et de la VOV.
Pourriez-vous, Alain Gérard, présenter la thématique de la formation de cette année ?
C’est la troisième fois que je me rends au Vietnam, après une première en 2019 et une deuxième en 2023. Cette année, la thématique principale est la transition numérique. L’objectif est d’aider les journalistes de la VNA et de la VOV à passer du format papier au format Internet et multimédia.
La thématique a été choisie par Le Courrier du Vietnam et la Délégation Wallonie-Bruxelles. Mon rôle est d’adapter un programme de 4 à 5 jours par session, qui réponde au mieux à cette demande. Partout dans le monde, le journalisme évolue, et il est nécessaire de se moderniser en apprenant à maîtriser les nouveaux outils d'information, notamment sur le web et le web 2.0.
En tant que journaliste chevronné, comment vous êtes-vous adapté à la transition vers le journalisme multimédia ?
Je suis journaliste depuis un peu plus de 30 ans, dont 22 années passées au journal Le Soir, l’un des plus grands journaux francophones en Belgique. Pendant dix ans, j'ai travaillé sur le format papier, puis pendant douze ans sur le web. J'ai donc acquis une expertise en matière de transition numérique. Écrire pour le papier est très différent de l’écriture pour le web. Il y a des différences de style, de temporalité, etc.
C’était une facette du journalisme que je ne connaissais pas encore : introduire la vidéo, le son et la caméra sur le site d'un journal traditionnellement papier. Au journal Le Soir, nous avons même créé un studio au sein de la rédaction et lancé une émission quotidienne appelée "Le 11h02". Chaque jour, à 11h02, je recevais un invité en fonction de l’actualité, et les internautes pouvaient interagir en posant des questions en direct. J’ai animé cette émission pendant cinq ans.
Cela a été très enrichissant, car dans ma formation initiale, je n'avais pas appris à parler devant un micro ou une caméra. J'ai dû me former, et c’est ce qui me passionne aujourd’hui : partager ces expériences avec les journalistes vietnamiens. Ce n’est pas simplement transmettre un savoir, mais aussi échanger et discuter, car le journalisme n’est pas une science figée. Il évolue sans cesse.
Vous avez souvent mentionné l'influence de l'intelligence artificielle sur le journalisme. Quel est votre avis à ce sujet ?
Photo de famille entre Alain Gérard et les journalistes bénéficiaires de la formation et les responsables de la Délégation Wallonie-Bruxelles et de l'Agence Vietnamienne d'Information. |
Photo : VNA/CVN |
Depuis deux ans, l'intelligence artificielle (IA) est apparue dans le monde du journalisme, et comme souvent face à la nouveauté, la réaction initiale est la peur. J’ai moi-même exploré ChatGPT et d’autres IA, et j’en suis venu à la conclusion que, finalement, l’IA est un outil, au même titre que les réseaux sociaux, les podcasts ou le data journalisme. C’est un outil supplémentaire.
Cependant, il faut être prudent. L’IA peut être à la fois un formidable outil d'information et un outil dangereux, car en journalisme, la source est primordiale. Or, avec l'IA, il est parfois difficile de connaître la provenance des informations. C’est là le risque. Il est essentiel de continuer à faire notre travail de vérification, de recouper les informations fournies par une IA.
En ce sens, l'IA pourrait être à la fois l'avenir et la mort du journalisme. Elle représente une opportunité, mais il faut savoir l’utiliser correctement.
Quelles sont les principales difficultés rencontrées par les jeunes journalistes dans l'adaptation au multimédia ?
Quand on est jeune - et je considère que l’on reste jeune jusqu’à 60 ans - on s’adapte rapidement. C'est ce qui rend le journalisme si passionnant pour moi. Chaque jour, de nouveaux outils apparaissent, et il faut savoir s'adapter pour survivre.
Si les journalistes d'aujourd'hui ne parviennent pas à intégrer les nouvelles technologies, à maîtriser l'intelligence artificielle générative, à s'adapter aux réseaux sociaux, aux fake news, au fact-checking, au data journalisme, aux podcasts, à la vidéo, à la photographie... alors ils sont voués à disparaître. C’est pour cela que je cherche à fournir aux journalistes des outils qui les aideront à évoluer et à s'adapter à ce nouvel environnement.
Merci beaucoup d’avoir répondu à nos questions !
Propos recueillis par Vân Anh/CVN