"Nous sommes au bord d'une déflation planétaire comme on n'en a jamais vu depuis un siècle et demi", a lancé samedi l'essayiste français Jacques Attali lors des rencontres économiques d'Aix-en-Provence, dans le Sud de la France.
Interrogé sur les craintes de voir le monde retomber dans la récession dont il vient de sortir, il précise : "les risques sont là. Si on ne change pas de politiques, on va dans le mur".
Alors que la reprise, tirée par les pays émergents, s'était renforcée ces dernières semaines, des mauvaises nouvelles en cascade ont jeté une ombre sur les perspectives économiques. Après la crise de la dette en Europe, ce sont la solidité de la croissance chinoise et la santé de l'économie américaine qui inquiètent les places boursières.
"Il y a encore des menaces qui planent sur la croissance mondiale", acquiesce Laura Tyson, de l'Université de Berkeley, en Californie. "Avec l'accélération des politiques d'austérité en Europe, je crains qu'il n'y ait pas assez de soutien pour le secteur privé, alors que c'est nécessaire après une crise financière majeure comme celle que nous venons de vivre." "Nous avons échappé au pire, mais il reste beaucoup d'interrogations", confirme l'ancien directeur général du Fonds monétaire international (FMI), Rodrigo de Rato.
Selon lui, les pays occidentaux "doivent poursuivre l'effort de nettoyage du système bancaire". Parallèlement, "l'Europe doit prendre des mesures pour renforcer son potentiel de croissance" et "les États-Unis doivent adopter une stratégie de réduction de la dette publique sur le moyen terme", ajoute-t-il.
Face aux inquiétudes, le président de la Banque centrale européenne (BCE), Jean-Claude Trichet, a assuré le 4 juillet qu'il ne croyait "pas du tout" au risque d'une nouvelle récession. "Il n'y aura pas de nouvelle récession", estime aussi Nouriel Roubini, l'économiste célèbre pour avoir prédit la crise financière.
Certains experts, comme la Française Agnès Bénassy-Quéré, jugent que les dirigeants devraient réussir à sauver la reprise cette année. "La question, c'est 2011", dit-elle. "Mais je pense qu'on suivra le bon scénario, où on ajuste d'abord les finances publiques en conservant une politique monétaire très accommodante".
Le tout est de connaître l'ampleur de la reprise. Pour Nouriel Roubini, "la croissance sera extrêmement anémique dans la plupart des économies avancées". Il prévoit, pour la fin de l'année, une progression "proche de zéro" dans la zone euro.
Laura Tyson redoute aussi que le dynamisme des pays émergents ne suffise pas. "Les États-Unis, l'Europe et le Japon demeurent une très grosse part de l'économie mondiale, et si la croissance de chacune de ces régions s'avère très lente pendant quelques années, c'est toute la planète qui s'en ressentira", prévient-elle.
Philippe Trainar, économiste du réassureur Scor, résume ces craintes : "Nous risquons de nous orienter vers une croissance molle, une croissance à la japonaise."
AFP/VNA/CVN