Haro sur l’exploitation du patrimoine

Quel que soit le pays, le patrimoine est exploité au service du développement touristique. Si le Vietnam ne déroge pas à la règle, la copie est à revoir. La préservation est notamment pointée du doigt, de même que l’attitude de certains. Enquête.

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Le Temple de la Littérature, première université nationale, est victime de certains comportements qui dégradent le site.

C’est un fait : le Vietnam dispose d’un grand nombre de patrimoines naturels et culturels reconnus au niveau international. Porteurs d’une valeur tant matérielle que morale, ils sont un véritable trésor.

Selon les chiffres du Département des patrimoines culturels (ministère de la Culture, des Sports et du Tourisme), le pays compte 40.000 monuments historiques et sites pittoresques dont plus de 3.000 classés au niveau national et 5.000 au niveau provincial. Viennent s’y greffer près d’un millier de patrimoines immatériels collectionnés, étudiés et préservés.

«Les patrimoines culturels sont un élément important pour l’essor du tourisme. En retour, le tourisme doit contribuer à leur préservation, leur restauration, de même qu’à profiter à l’économie locale et/ou nationale. Ces patrimoines ont aussi pour vocation de renforcer les échanges culturels. Cependant, le développement touristique en dehors du cadre de la stratégie établie nuit à leur préservation», avertit Duong Bich Hanh, chef de la Commission de la culture du Bureau de l’UNESCO au Vietnam. La symbiose ainsi recherchée est rompue.

Des comportements déplorables

Chaque année, l’on assiste, impuissants, aux mêmes scènes perpétrées par des individus sans vergogne sur le lieu de patrimoines pourtant réputés. Comme par exemple à la pagode Huong (des Parfums) dans le district de My Duc, Hanoi, ou au temple des rois Hùng (province de Phu Tho, Nord). Ces deux sites - superbes hors saison - se retrouvent, lors de leur fête, souillés par les immondices jetées par les touristes, sans compter certaines auberges sordides alentour qui proposent des services scandaleux qualitativement parlant.

Le Temple de la Littérature, première université nationale créée en 1076 sous la dynastie des Ly (1010-1225), est lui aussi victime de certains comportements. En effet, lors de la période des concours scolaires et universitaires, les candidats viennent toucher les têtes des tortues pour s’attirer la chance. Si ce geste paraît anodin et n’est surtout pas à blâmer d’un point de vue culturel, il est responsable de la détérioration - par polissage - des statues en question.

Idem au mausolée de l’empereur Khai Dinh, dans la province de Thua Thiên-Huê (Centre), où de nombreux visiteurs indisciplinés, pour ne pas dire stupides, s’assoient ou crapahutent sur les statues. Dans la cité impériale de Huê, il n’y a presque pas de poubelles. Du coup, c’est l’environnement qui en devient une.

L’UNESCO a également donné l’alerte à plusieurs reprises pour la baie de Ha Long (Nord), l’une des sept Nouvelles Merveilles naturelles du monde. Alerte qui concerne le non-encadrement des activités dans la baie : rejet des déchets des navires touristiques directement dans la mer, dégazages intempestifs, projets d’urbanisme côtiers qui souillent le paysage, etc.

Repartir d’une page blanche

L’idéal de développement touristique associé à la préservation des patrimoines est bien loin. Et aucune solution efficace pour y parvenir n’a encore été appliquée. Outre les problèmes cités précédemment, les produits touristiques manquent de variété et surtout, d’originalité.

Le niveau des guides touristiques n’est pas non plus, en règle générale, à la hauteur. Sans parler du déséquilibre du développement du tourisme en fonction des localités. À titre d’exemple, la cité impériale de Huê accueille chaque année plus de 2 millions de touristes, contre à peine 100.000 pour la cité impériale de Thang Long, à Hanoi. Et la différence d’envergure entre les deux sites ne suffit pas à justifier le fossé qui les sépare.

La cité royale de Thang Long, Hanoi, un des patrimoines mondiaux de l'UNESCO.

La cité royale de Thang Long. Vieille de plus de mille ans, ce site compte parmi les sites historiques et culturels inestimables du Vietnam. En 2010, elle a été inscrite dans la liste des patrimoines mondiaux de l’UNESCO.
«Avec ses mille ans d’histoire, Hanoi abrite de nombreuses valeurs matérielles et immatérielles»,
constate Truong Minh Tiên, directeur adjoint du Service de la culture, des sports et du tourisme de Hanoi. Problème : la gestion et l’exploitation des ressources touristiques de la capitale ne sont pas bonnes. En premier lieu, les produits proposés sont peu ou prou les mêmes, avec très peu de nouveautés.

Le manque de concurrence entre les voyagistes associé au fait qu’il s’agit, dans l’écrasante majorité des cas, de petites entreprises, peuvent expliquer ce manque de créativité. Deuxièmement, Hanoi ne dispose pas encore suffisamment d’espaces de loisirs. Ensuite, les activités de promotion du tourisme manquent de professionnalisme. Enfin, il reste les soucis en matière d’hygiène (alimentaire notamment), de propreté de l’environnement et de sécurité dans les sites touristiques.

Un tableau bien sombre qui ne doit pas occulter le fait que des solutions existent. Les experts préconisent notamment la collaboration entre l’État, les entreprises et la communauté. Affaire à suivre.


Les patrimoines du Vietnam reconnus par l’UNESCO

- Patrimoines mondiaux : l’ancienne capitale impériale de Huê (1993), la baie de Ha Long (1994, 2000), le Vieux quartier de Hôi An et les ruines de My Son (1999) ; le Parc national Phong Nha-Ke Bàng (2003, 2015), le complexe central de la cité impériale de Thang Long (2010), la citadelle des Hô (2011) et le complexe paysager de Tràng An (2014).
- Patrimoines immatériels de l’Humanité : le nha nhac (musique de la cour de Huê) et l’espace de la culture des gongs du Tây Nguyên (2008) ; le quan ho de Bac Ninh (chants alternés de la province de Bac Ninh, 2009) ; les fêtes du génie Giong des temples de Phù Dông et de Soc (2010) ; le culte des rois Hùng (2012) ; le don ca tài tu (chant des amateurs, 2013) ; les chants populaires ví et giặm (2014).
- Patrimoines immatériels nécessitant une sauvegarde d’urgence : le ca trù (chant des courtisanes, 2009) et le hat xoan (chant printanier, 2011).
- Patrimoines documentaires : les Môc ban de la dynastie des Nguyên (tablettes de bois de la dynastie des Nguyên, 2009), les stèles des Docteurs au Temple de la Littérature de Hanoi (2011), les tablettes de bois liturgiques de la pagode de Vinh Nghiêm (2012), les Châu ban (documents administratifs présentant les activités de la gestion d’État des empereurs de la dynastie des Nguyên, 2014).


Huong linh/CVN

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