>>Tiêng Dân, la voix du peuple sous la colonisation française
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Un journaliste mort en martyr pour la liberté
Le journal Dân Chúng a connu une progression rapide. Dès les premières éditions, il a été imprimé à 2.000 exemplaires. Le tirage a été augmenté à 3.500 exemplaires dès le 4e numéro. Au 9e, il comptait deux pages de plus et s’est vendu à 4.000 exemplaires. À l’occasion de la célébration de la fondation du Parti communiste indochinois, le journal a été imprimé à 10.000 exemplaires. Le numéro printanier de Dân Chúng, en 1939, a été vendu à 15.000 exemplaires. Un record.
Fortement soutenu par ses lecteurs, Dân Chúng - dont le premier numéro est sorti le 22 juillet 1938 - a été diffusé non seulement au Vietnam, mais aussi dans toute l’Indochine. D’ailleurs, lorsque Hô Chi Minh (fondateur du Parti communiste indochinois, actuel Parti communiste vietnamien) travaillait à l’étranger, il le recevait régulièrement.
Publication sans autorisation coloniale
Dân Chúng est le premier journal en vietnamien publié sans autorisation du régime colonial. Au moment de la sortie de son premier numéro, la poussée révolutionnaire a atteint son point culminant. La liberté de la presse était alors fortement soutenue. Un mois après la publication de Dân Chúng, les autorités coloniales ont approuvé à la hâte la «Loi sur les médias», reconnaissant le droit à la liberté de la presse pour l’Annam. Le 30 août 1938, les autorités coloniales françaises ont reconnu Dân Chúng comme légal. Paru le 10 septembre, le 15e numéro du journal était donc le premier à être autorisé.
Son contenu s’est concentré sur la lutte pour la démocratie, la demande d’amnistie pour les prisonniers politiques, d’assistance aux habitants touchés par les catastrophes naturelles, d’amélioration des conditions de vie des soldats, du droit de mettre en place des corporations, etc.
Le siège de Dân Chúng était situé au 43, rue Hamelin, aujourd’hui rue Lê Thi Hông Gâm, quartier de Nguyên Thái Bình, 1er arrondissement, à Hô Chi Minh-Ville. Le jour de la sortie du premier numéro, le journal a d’abord été amené aux journalistes, puis distribué gratuitement. Un événement important pour la vie intellectuelle des Saïgonnais.
Des articles au double visage
Pendant environ un an, toujours basé au 43, rue Hamelin, Dân Chúng a publié des satires contre les colonialistes impérialistes. La rédaction du journal a ensuite déménagé au 51 E, rue Colonel Grinaud, actuelle rue Pham Ngu Lao.
Créé dans un contexte difficile, notamment à cause du contrôle rigoureux des autorités coloniales françaises, le journal a dû, pour survivre et se développer, produire des articles qui satisfaisaient à la fois les exigences des colons, mais qui encourageaient aussi à la révolution. La rédaction a donc formulé ses objectifs dans son premier numéro : «Dân Chúng promet d’être l’organe commun de tous ceux qui veulent que l’Indochine ne sombre pas dans l’obscurité et la souffrance». Une première déclaration qui a permis au journal de se développer, sans que les autorités françaises en Indochine n’aient de raison de l’interdire.
Plus de 80 numéros publiés en un peu plus d’un an
Pourtant, le 7 septembre 1939, les autorités françaises ont ordonné la fermeture de Dân Chúng, confisqué ses biens, envoyé des espions pour arrêter ceux qui avaient collaboré avec le journal et le comité de rédaction.
Au total, 81 numéros de Dân Chúng ont été publiés. La rédaction a changé à quatre reprises, en raison de la persécution coloniale. L’imprimerie a également dû être déplacée plusieurs fois, à Sati, Bao Tôn et Xua nay.
Bien que son existence n’ait durée qu’un peu plus d’un an, le journal a réalisé un exploit historique : celui d’ouvrir la voie à la liberté de la presse. Dân Chúng se classe 3e parmi les journaux ayant publié le plus grand nombre de numéros avant août 1945. Il a eu l’honneur de publier le premier article qu’a écrit le Président Hô Chi Minh pour la presse vietnamienne, afin de sensibiliser les citoyens à la démocratie. Il s’agissait aussi du journal ayant le plus grand tirage et le plus grand nombre de lecteurs en Indochine avant la Révolution d’Août. La création de Dân Chúng est une note glorieuse dans l’histoire traditionnelle de la presse vietnamienne.