Entre ciel et terre : le “feu sacré” des hauts plateaux du Centre

Pour les habitants des hauts plateaux du Centre, le feu est tellement sacré qu’il est considéré comme un Génie. Il joue un rôle crucial dans le rassemblement des villageois, la connexion entre les gens, ainsi que la célébration des fêtes et cérémonies importantes de la communauté.

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Danse collective autour du feu dans les hauts plateaux du Centre. 
Photo : Van Thuong/CVN

La flamme danse et illumine le village, où les tasses d’alcool occupent leur place attitrée. Une fois le rituel de la “demande du feu” accompli, les sonorités des gongs, des tambours et des hautbois résonnent, invitant à la danse. Les soirées dans les hauts plateaux du Centre suivent souvent ce schéma : le feu s’allume, la communauté se rassemble, et la célébration débute.

Il est indéniable que l’une des plus grandes inventions de l’humanité est le feu, car il a ouvert la voie à d’autres découvertes et à l’évolution. Depuis des temps immémoriaux, le feu est utilisé pour la cuisson, le chauffage et l’éclairage. Les tribus des hauts plateaux du Centre en font de même. Cependant, pour elles, le feu conserve une puissance sacrée capable d’unir les êtres humains et de donner naissance à un monde fabuleux.

Flammes de fête

En plein Nouvel An lunaire, sous un ciel sans nuages, les kapokiers s’épanouissent, la récolte de riz est achevée, et la fête du nouveau riz succède. Dans tous les villages des hauts plateaux du Centre, les mélodies des gongs résonnent fréquemment, marquant l’arrivée de la saison festive tant attendue.

Devant la maison communale d’un village de l’ethnie Co Ho (district de Lac Duong, province de Lâm Dông), la population se rassemble en nombre. Dès que le patriarche du village, nommé K’Plin, souffle dans la corne pour initier les rituels destinés à communiquer avec les saints et les génies, la fête débute.

Les participants s’installent autour du feu, jouent d’instruments de musique, dansent et dégustent du ruou cân (alcool de riz à siroter avec une tige de bambou). La production locale de ruou cân est particulièrement prisée. Selon K’Plin, l’origine de cette spécialité demeure mystérieuse. Selon la légende, le Saint Nhim a enseigné à l’Homme à consommer cette boisson lors des festivités. Ainsi, les habitants des hauts plateaux du Centre doivent inviter leur Grand Dieu, appelé Giàng ou Yàng, ainsi que le Saint Nhim.

Pendant la saison sèche, de novembre à avril, les hauts plateaux du Centre revêtent une beauté féerique. C’est la période festive des ethnies minoritaires locales telles que les Bahnar, Gia Rai, Xê Dang, Ê dê, M’nông, Co Ho, Chu Ru, entre autres. Ils considèrent le printemps comme le moment des retrouvailles et des prières pour une vie prospère et heureuse. Le feu sacré demeure omniprésent dans leur système festif, allant des cultes au début de la récolte, du culte de l’eau à la célébration des premières pousses de riz, jusqu’à la fête du riz nouveau.

Toujours selon le patriarche, la plupart des femmes du village sont compétentes dans l’art de la confection du ruou cân. Que ce soit à base de riz, de riz gluant ou même de maïs, toutes ces variations sont envisageables. “Mais nous avons nos propres astuces secrètes pour produire un bon alcool”, précise-t-il fièrement. Il consent à révéler seulement que la saveur distinctive du ruou cân provient du choix particulier du riz et de l’utilisation de plantes servant de levure. Auparavant, la préparation obéissait à diverses règles : être en forme pendant le processus de fabrication et interdire l’accès aux “étrangers” dans les lieux de confection.

Dans les hauts plateaux du Centre, le ruou cân accompagne généralement les rassemblements autour du feu, et vice versa. Lors des activités collectives, là où il y a du feu, il y a également de l’alcool. Pour les habitants, en particulier ceux des ethnies minoritaires, le feu et l’alcool ne sont pas simplement des moyens ou des symboles, mais constituent aussi une raison de vivre et une partie intégrante de leur culture.

On peut affirmer que l’alcool des ethnies minoritaires ici revêt un caractère plutôt rituel. Il fait partie des offrandes consacrées aux Dieux et aux ancêtres, est consommé lors des festivités villageoises, des mariages ainsi que des funérailles. Sa quantité et sa qualité sont déterminées en fonction de chaque type d’événement.

Le feu et la vie familiale

Autrefois, dans les maisons longues des ethnies Ma et Ê dê, le feu ne s’éteignait jamais dans la pièce commune. Le soir, après le dîner, la famille se rassemblait autour du feu. Celui-ci jouait alors le rôle non seulement de source de chaleur, mais aussi de divinité témoignant des enseignements des parents et/ou grands-parents transmis aux enfants.

Du fait de la cohabitation de différentes générations, chaque foyer représente une petite famille au sein de la maison longue, selon les dires de K’Diêp, patriarche du village de Ma Lôc Bac, district de Bao Lâm (province de Lâm Dông). Plus la maison est longue, plus il y a de foyers.

Quant à la maison longue de l’ethnie Co Ho, le foyer principal est situé à gauche de la porte, à proximité de la perche et de la jarre de ruou cân. Ce foyer était utilisé pour réchauffer les hôtes et les invités, constituant ainsi l’espace où toute la famille se réunissait. “Autrefois, il y avait des maisons si longues qu’elles ressemblaient à des murailles courbées dans des vallées, entourant leur village. Lorsque le feu brûle, les enfants se rassemblent en cercle pour écouter des histoires, apprendre à jouer des gongs et d’autres instruments”, souligne-t-il.

Le feu, porteur de civilisation, représente la lumière légendaire dans la nuit. Il offre la possibilité de cuisiner et de célébrer des rituels symboliques qui tissent des liens entre des individus non liés par des liens familiaux lors des mariages.

Selon la légende, le Nord de la région était gouverné par trois groupes de Saints nommés Potao Apuih, Potao Ia, Potao Nhinh, respectivement rois du feu, rois de l’eau et rois du vent. Ils n’étaient pas des dirigeants législatifs, mais plutôt des figures sacrées. Ces Saints ont eu une influence considérable sur la vie spirituelle des habitants, s’adonnant à la culture du riz et des plantes médicinales.

Avec le temps, l’influence des rois de l’eau et du vent a diminué jusqu’à leur disparition. En revanche, les rois du feu continuent de susciter une vive reconnaissance jusqu’à nos jours. Les Potao Apuih sont évoqués comme des dieux dotés de pouvoirs importants.

Mai Quynh/CVN

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