L'ancien chef du gouvernement britannique doit être entendu pendant une journée complète. Rien de trop pour le disert Tony Blair, qui aura à coeur de justifier ce qui reste sans conteste la décision la plus controversée de son passage à Downing Street (1997-2007).
Signe de l'engouement suscité par ce témoin-vedette, aujourd'hui émissaire du Quartette pour le Proche-Orient, la commission procédant depuis novembre aux audiences publiques dans une petite salle du centre de Londres, a dû organiser un tirage au sort pour le public.
Pas loin de 7 ans après, Tony Blair reste très critiqué pour avoir engagé quelque 45.000 soldats dans ce conflit malgré l'absence d'une résolution de l'ONU et l'opposition d'une majorité de son opinion publique. Cette décision, dénoncée par plusieurs alliés européens dont la France, avait contribué à son impopularité grandissante en son propre pays, amenant le parti travailliste à l'évincer du pouvoir en 2007 au profit de Gordon Brown.
M. Blair a lui-même relancé la polémique le mois dernier, en reconnaissant sur la BBC qu'il aurait suivi les États-Unis de George
W. Bush dans la guerre en Irak pour renverser Saddam Hussein, même s'il avait su que Bagdad ne disposait pas d'armes de destruction massive (ADM).
"J'aurais continué à penser qu'il était juste de le renverser", a-t-il expliqué. "Évidemment, nous aurions employé et développé des arguments différents quant à la nature de la menace".
La menace présumée de ces armes était au coeur d'un dossier resté célèbre, publié fin 2002 par le gouvernement britannique. Il avait contribué à donner une justification à l'invasion de l'Irak et au renversement du régime de Saddam Hussein.
Depuis le début des audiences publiques en novembre, plusieurs témoins, dont son ancien conseiller en communication Alastair Campbell, se sont succédé devant la commission Chilcot pour assurer que M. Blair a tout fait pour obtenir une solution diplomatique.
Lundi, son ancien chef de cabinet, Jonathan Powell, a cependant confirmé que M. Blair avait promis de soutenir les États-Unis, au cours d'une rencontre avec M. Bush dans son ranch de Crawford, dès 2002. Il a toutefois démenti que son ex-patron ait à cette occasion signé un "pacte de sang" avec le dirigeant américain, lui promettant de participer à une invasion de l'Irak.
"Il était parfaitement clair qu'on ne s'engageait pas à faire la guerre, on suivait la voie de l'ONU pour donner à Saddam l'occasion de se conformer" aux exigences des Nations unies en matière de désarmement, a assuré M. Powell. Au contraire, Londres a prévenu Washington des éventuelles "conséquences imprévues" d'une action militaire en Irak, selon lui : flambée de violences, perte du soutien de la population, etc. "On essayait de leur dire, ne vous précipitez pas... rassemblez d'abord une coalition", a-t-il insisté.
L'enquête de la commission Chilcot est entrée dans une phase décisive : d'ici à la déposition cruciale de M. Blair, elle doit entendre son ancien ministre de la Défense, Geoff Hoon, mardi, puis son ancien chef de la diplomatie Jack Straw, jeudi.
Le 25, déposera l'ancien conseiller juridique du gouvernement, l'ex-Attorney General Peter Goldsmith. Ce dernier avait levé l'un des derniers obstacles à la participation britannique en Irak en jugeant qu'une intervention militaire était légale. Un point sur lequel M. Blair devrait être longuement interrogé. La commission Chilcot doit rendre ses conclusions au plus tôt fin 2010.
AFP/VNA/CVN