Un vétéran australien en quête de rédemption

À 65 ans, Brian Cleaver, soldat vétéran australien ayant participé à la guerre au Sud du Vietnam en 1968, retourne régulièrement dans la province de Binh Duong à la recherche des restes de soldats vietnamiens tombés au champ d’honneur.

Cela fait maintenant une dizaine d’années que Brian Cleaver (portant le foulard) recherche des restes de soldats vietnamiens tombés au champ d’honneur.
Photo : The Telegraph/CVN

Depuis une dizaine d’années, les habitants de la commune de Binh My (district de Tân Uyên, province de Binh Duong, Sud) se sont habitués à l’image de cet homme occidental à l’allure mince, discret et souriant. Brian Cleaver, ex-militaire dans l’infanterie australienne, est ici pour chercher les restes des soldats vietnamiens dans la forêt d’hévéas, située à quelques kilomètres du marché de Binh My.

«Je me souviens qu’une quarantaine de soldats vietnamiens ont été enterrés ici dans une fosse commune. Personne ne l’a su jusqu’à ce que je revienne ici et que je l’annonce pour soulager ma propre souffrance morale. Cela fait maintenant une dizaine d’années que je recherche cet endroit», nous dit Brian Cleaver, 65 ans. Se hissant hors d’une fosse profonde de 2 m, il se frotte les mains pour s’épousseter, le visage et son tee-shirt trempés de sueur sous l’effet de la chaleur, suffocante.

Brian Cleaver avait 20 ans quand il s’est engagé dans l’Armée avec des centaines d’autres jeunes. «L’État nous a demandé d’effectuer une tâche +particulière+», se souvient-il. Nous pensions simplement qu’il s’agissait d’une mission lambda qui durerait deux ans». Et la mission en question était de participer à la guerre dans le Sud du Vietnam entre mars et décembre 1968.

Le «syndrome du Vietnam»

«Tout a empiré après le retour des soldats, poursuit le vétéran. Pendant les années 1968-1969, les Australiens semblaient être en contradiction avec eux-mêmes. Nous, jeunes soldats, étions encouragés à partir en guerre. Mais après, nos compatriotes nous ont considérés comme des tueurs d’enfants. Dans la rue, si nous disions que nous venions de revenir du Vietnam, on nous crachait au visage ! Nous n’osions même plus prononcer le mot +Vietnam+».

Brian Cleaver savait qu’il avait un problème après son retour. «Je m’écroulais en pleurs, sans raison. Il m’arrivait même de pleurer pendant de joyeux festins. Durant ces moments, je m’éclipsais, seul, se souvient-il. Pendant les années où je travaillais, chaque matin, une fois au bureau, je m’enfermais à double tour, je ne voulais voir personne ! On ne pouvait me contacter que par téléphone. J’ai pris conscience de mon état psychologique et j’ai décidé d’aller consulter un psychiatre, à qui j’ai tout raconté. Il m’a dit qu’il était prêt à m’écouter pendant 18 mois. C’est ainsi que j’ai fini par admettre que je souffrais d’un traumatisme psychique». Pendant plus de 30 ans, il a été sous antidépresseurs, et ce à forte dose, pour tenter d’oublier les horreurs de la guerre. En vain.

Retour oblige

En 2002, Brian Cleaver a annoncé à sa femme qu’il voulait revenir au Vietnam. Il a pris la direction du district de Tân Uyên (province de Binh Duong) et cherché à retrouver le lieu où avaient eu lieu les combats d’autrefois. Aujourd’hui, le champ de bataille où il a combattu s’est substitué en une forêt d’hévéas.

Avant son départ au Vietnam, l’homme s’était mis en tête de retrouver ses camarades de son escouade pour leur demander s’ils se souvenaient de la fosse où les soldats vietnamiens avaient été enterrés. Mais à chaque rencontre, il se dressait à un mur, ses anciens camarades ne voulant pas évoquer le sujet. Il a alors compris que tous souffraient des mêmes troubles que lui.

Brian Cleaver a poursuivi ses recherches. Il a également trouvé des livres parlant de la bataille, avec des photos prises après l’opération. Avec ces informations, il est sûr et certains que 42 soldats vietnamiens ont été enterrés dans cette zone.

Le vétéran a commencé à prospecter sur le terrain, finançant cette opération par lui-même. Malheureusement, l’affaire n’a toujours pas abouti, même si en 2009, après les efforts avec le concours des armées vietnamienne et australienne, le reste d’un soldat vietnamien a été retrouvé.

La quête se poursuit

Suite à cela, grâce aux aides de l’ambassade d’Australie au Vietnam, des autorités de la province de Binh Duong et des organismes concernés, le groupe de recherche de Brian Cleaver a mené des opérations plus importantes. Certains vétérans australiens ont surmonté leur obsession de la guerre du Vietnam pour revenir au pays l’aider dans ses travaux.

L’ancien soldat australien souhaite qu’un temple soit construit ici pour commémorer ces Morts pour la Patrie.

Expliquant ce qui le motive, Brian Cleaver dévoile : «Au début, j’avais simplement l’idée de revenir au Vietnam, de revoir les paysages. Une façon de faire face au passé pour remédier à mon traumatisme. Mais quand je suis ici, je pense aux soldats tombés au champ d’honneur. Ils avaient des parents, des frères, des sœurs... Ils avaient peut-être des enfants, leur propre famille. Ces derniers ont le droit de savoir où leur fils, leur mari, leur père ont été sacrifiés. Je veux chercher les restes de ces soldats pour les ramener à leurs proches». Et d’ajouter : «Personne ne m’oblige à effectuer cette quête. Mais je dois le faire ! Et je veux vraiment le faire ! Nous avons fouillé plusieurs endroits, une dizaine de fosses. Bien qu’à présent, nous n’ayons encore rien trouvé, nous sommes heureux de faire ce travail». L’ancien soldat australien souhaite qu’un temple soit construit ici pour commémorer ces Morts pour la Patrie.

Hoàng Hoa/CVN

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