Nouvelle-Calédonie : les Chân Dang immortalisés par une statue

Une statue représentant les travailleurs engagés vietnamiens de Nouvelle-Calédonie vient d’être achevée au Vietnam. Elle sera installée en septembre à Nouméa pour honorer ces Vietnamiens ayant contribute à la prospérité de ce territoire.

 

La statue Chân Dang. Photo : Hoàng Hoa/CVN


Une journée de dimanche du mois de juillet, sous la chaleur estivale, des descendants des travailleurs engagés vietnamiens de Nouvelle-Calédonie sont réunis au village de Quang Bô (province de Bac Ninh, Nord) pour un événement particulier. Venus de différentes provinces du Nord (Quang Ninh, Hai Phong, Nam Dinh, Hai Duong, Tuyên Quang et Hanoi), ces personnes, du 3e âge pour la plupart, célèbrent l’achèvement d’une statue dénommée Chân Dang, qui désigne les travailleurs engagés vietnamiens sous contrat venus en Nouvelle-Calédonie depuis le début du siècle dernier.
La statue en bronze représente une famille de travailleurs comprenant le père mineur, la mère et leur garçon. Le père porte le casque des mineurs, la mère est vêtue d’une longue tunique typique des paysannes du Nord du Vietnam. Sa tête est couverte d’un fichu qui se termine par un «bec de corbeau» au dessus du front. Elle a aussi un chapeau conique. L’enfant et sa mère apportent le repas de midi au père. Des groupes d’hommes et de femmes en tunique traditionnelle prennent la pose à côté de la statue. «Cette statue nous rappelle nos parents et notre enfance pendant nos années de vie en Nouvelle-Calédonie», confie avec émotion Pham Van Duc, septuagénaire, membre de la section hanoienne de liaison avec les Vietnamiens de Nouvelle-Calédonie et du Vanuatu. «Les sculpteurs ont été inspirés par une riche documentation sur la vie et le travail des Chân Dang que nous leur avons fournie», explique Pham Van Duc. Il y a, entre autres, des photos prises dans les années 30 et 40, montrant des mineurs dans une galerie, leur habitat près de la mine de chrome de Chagrin, des femmes maniant la pelle ou en habit traditionnel à Koumac. Ces photos ont été retrouvées aux Archives territoriales de Nouvelle-Calédonie.

Nouméa accueillera la statue

La statue a été réalisée pendant plus de trois mois par un groupe de peintres, sculpteurs et notamment de fondeurs du village de Quang Bô, connu pour ce métier traditionnel, situé à une quarantaine de kilomètres au nord de Hanoi. Sa dimension respecte la taille moyenne des Vietnamiens.

Des descendants de Chân Dang à côté de la statue. Photo :  Pham Duc/CVN


Elle a été commandée il y a près d’un an par l’Amicale vietnamienne de Nouvelle-Calédonie. Le suivi de sa réalisation et le transport jusqu’à Nouméa sont confiés à des personnes de Hanoi et de Hai Duong, membres des sections locales de liaison avec les Vietnamiens de Nouvelle-Calédonie et du Vanuatu. Le coût de l’ouvrage et de son transport jusqu’à Nouméa est pris en charge par les Viêt kiêu de Nouvelle-Calédonie et du Vanuatu, qui y vivent actuellement ou qui sont rentrés au Vietnam il y a une cinquantaine d’années. «La contribution de nos parents à la prospérité de la Nouvelle-Calédonie et des Nouvelles-Hébrides, aujourd’hui Vanuatu, a été reconnue par les autorités de ces territoires, et la Mairie de Nouméa soutient l’érection d’une statue en leur honneur», confie Pham Van Duc qui est chargé du suivi de la réalisation de la statue. La mairie de Nouméa construira le piédestal dans un quartier asiatique pour l’accueillir. «Quant à nous, poursuit Pham Van Duc, nous voulons par ce geste de reconnaissance honorer nos parents qui, pour la plupart originaires du delta du fleuve Rouge, nous ont inculqué les valeurs spécifiques des Chân Dang…». Il cite notamment l’amour du pays natal, la fidélité aux traditions nationales, l’amour du travail et des études.
La statue a quitté le port de Hai Phong (Nord) et sera inaugurée en septembre prochain à Nouméa, en présence notamment d’environ 200 descendants de Chân Dang venus du Vietnam pour l’occasion.

L’histoire des Chân Dang

La rencontre de Vietnamiens originaires de la Nouvelle-Calédonie et du Vanuatu a été l’occasion de rappeler l’histoire des Chân Dang.
Le premier contingent de travailleurs vietnamiens débarque dans la colonie du Pacifique (Nouvelle-Calédonie) en 1891. Il est composé essentiellement de prisonniers du bagne insulaire de Poulo Condor, aujourd’hui Côn Dao, à 300 km au sud de Hô Chi Minh-Ville. Mais après avoir eu recours à la déportation de la population carcérale, les autorités coloniales constatent qu’elles n’ont aucune difficulté pour recruter de la main-d’oeuvre sous contrat.
À partir de 1895, ce sont donc des volontaires, engagés directement à Hai Phong, qui arrivent sur le territoire. Ils viennent presque tous du delta du fleuve Rouge. La plupart de ces travailleurs engagés n’avaient pas l’intention de se fixer en Nouvelle-Calédonie ou au Vanuatu. Ils voulaient revenir dans leur pays natal après avoir terminé le contrat. Le nombre d’engagés jusqu’en 1939 est d’environ 21.000 personnes, d’après Pham Van Duc, né en 1942 en Nouvelle-Calédonie.
Les travailleurs engagés ou Chân Dang en vietnamien, ce terme est utilisé de nos jours pour désigner ces migrants de première génération qui vivent encore et leurs descendants s’identifient comme des fils des Chân Dang, les «niaoulis» comme ils se disent entre eux.
En Nouvelle-Calédonie, ces Vietnamiens ont été envoyés dans les mines ou sur des plantations. Leurs conditions de vie et de travail étaient très dures. Ils réclamaient sans discontinuité leur droit au rapatriement fixé par le contrat de travail et bien que leur niveau de vie se soit nettement amélioré depuis les années 50, la majorité d’entre eux ont regagné leur pays natal entre 1960 et 1964.
La plupart des personnes réunies à l’occasion de l’achèvement de la statue Chân Dang ont leurs parents qui sont partis en Nouvelle-Calédonie entre 1919 et 1939. Actuellement, il y a environ 25 Chân Dang âgés plus de 90 ans sur le territoire vietnamien, selon le recensement récent effectué par des «niaoulis».

Hoàng Hoa/CVN


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