M. Denis. |
Au 631, rue Hai Bà Trung, au centre de la ville de Hôi An, juste près du pont couvert japonais. Une maison coquette, ou plutôt un restaurant, qui porte une enseigne incitative : Voulez-Vous, comme une invitation… que l’on ne saurait refuser.
À l’extérieur de la bâtisse, rien d’exceptionnel. Des menus affichés sur l’ardoise et quelques tables en terrasse. Mais en regardant de plus près, l’on aperçoit un tableau où sont écrits les mots usuels, termes courants, expressions et phrases simples en français, en anglais, puis leur traduction en vietnamien. Ou l’inverse, c’est selon… «Le personnel du restaurant et moi donnons ici des cours de langues gratuits. Notamment de français pour les habitants de Hôi An et de vietnamien pour les touristes étrangers de passage», explique M. Denis, le patron, d’une authentique gentillesse.
En poussant les portes de l’établissement, un intérieur élégamment meublé mais sobre s’offre à nous. Quatre tables pour les convives, une ancienne pompe à essence en guise de déco, en attente de devenir une clepsydre (horloge antique) pour jouer aux échecs. L’accueil, la cuisine - qui mixe astucieusement Asie et Occident- et l’atmosphère - qui se dégage de ce cadre - détonnent nettement des autres restos. Un restaurant sympathique, et surtout une ambiance chaleureuse, conviviale et ludique. Ici, des dizaines de jeux sont à votre disposition. Et pour posséder une telle collection, le propriétaire du restaurant a dépensé sans compter…
Un franco-vietnamien fou d’échecs
M. Denis est né en France. «Ma mère est Vietnamienne et mon père Français». Avant de s’installer à Hôi An, il a, pendant 21 ans, été professeur d’histoire-géographie. Et pourtant, il a décidé de tout quitter. Sans regrets.
Mais pourquoi Hôi An ? «J’apprécie la qualité de vie ici que je ne trouve pas à Hanoi, ni à Hô Chi Minh-Ville. De plus, les habitants ici sont très ouverts».
M. Denis est un grand voyageur, en Afrique et surtout en Asie. Sa première venue à Hôi An remonte à 1991. «Depuis, j’ai fait le voyage une trentaine de fois», sourit-il avec un petit clin d’œil.
Mais ce qui le guide véritablement dans la vie, ce sont les jeux. Denis a découvert les échecs à 11 ans, «par hasard», comme il raconte. Le hasard d’une passion qui a grandi avec lui au fil du temps. «J’ai joué environ 43.800 parties d’échecs jusqu’à aujourd’hui», calcule-t-il, n’oubliant pas de glisser son petit clin d’œil.
Une sacrée pointure
M. Denis peut présenter durant des heures aux curieux les origines et les règles des jeux qu’il propose dans son restaurant à Hôi An. La plupart sont des jeux de société ou de stratégie. D’abord, trois «jeux millénaires» comme l’awalé, le jeu de go et les échecs chinois. Ensuite, des «jeux de réflexion» tels que Puissance 4 et le backgammon (un jeu de hasard raisonné). Puis, Abalone, le jeu de dominos, Quarto, les gobelets, la Tour Infernale (Le Jenga). Et aussi des jeux populaires comme le 421…
Un rendez-vous indispensable pour les francophones qui peuvent se croiser dans une atmosphère très décontractée. |
Ses échiquiers sont tous de qualité, lui qui les a acquis moyennant 200 à 500 euros. Il peut se targuer de posséder «les plus beaux jeux d’échecs au Vietnam».
En effet, outre son poste dans l’éducation nationale, M. Denis tenait un pub en banlieue parisienne, où il pouvait rencontrer un nouveau joueur chaque semaine. «Insuffisant» pour lui. À Hôi An, il peut rencontrer des maîtres d’échecs.
On l’a bien compris, le propriétaire du restaurant Voulez-Vous est, en plus d’un grand voyageur, un grand joueur d’échecs. Et le meilleur à Hôi An, à «égalité avec M. Jildas du Diving Center». Mais sa «finalité» est d’attirer les touristes à pratiquer ce magnifique jeu de stratégie. Le Voulez-Vous est un «restaurant où nous avons aimé nous ressourcer avec les enfants entre nos excursions. Le propriétaire est un Français sympa, fou d’échecs. Les tournois avec mon mari et mon fils seront de merveilleux souvenirs, imprévus au programme. À ne pas rater surtout…», a écrit une touriste de Senlis, une commune française, sur tripadvisor.fr, le plus grand forum de voyage au monde.
«Ici, c’est le seul endroit au Vietnam où le personnel a envie d’initier les touristes aux jeux», confie M. Denis. Et, plus important, c’est de «créer des liens» entre touristes étrangers et Vietnamiens, en abattant la barrière de la langue, de la culture. «C’est tellement beau quand mon établissement est rempli de joueurs», dit-il, avec son indéfectible clin d’œil.
Pas de marketing ? Et alors !
Alors que beaucoup de restaurants mettent la clé sous la porte, crise économique oblige, M. Denis est parti à contre-courant et a décidé d’en ouvrir un à Hôi An. «Je ne suis pas doué en marketing», avoue-t-il. Mais l’homme a trouvé la recette - dans tous les sens du terme - grâce à son «personnel magnifique». «M. Denis a le cœur sur la main. Si durant un mois, les affaires sont meilleures qu’escomptées, il nous réserve des primes», révèle Tuyêt Nga, gestionnaire du Voulez-Vous. Et d’ajouter : «M. Denis ne s’intéresse pas encore aux profits. Il préfère se concentrer sur la qualité des mets».
Et ce n’est pas les gens de passage qui diront le contraire ! «Le Voulez-Vous est un endroit sympathique où l’on peut siroter un bon café noir en observant la vie grouillante dans la rue. On peut aussi y manger de délicieuses grillades et bavarder avec le patron (Denis) qui nous a appris beaucoup sur les traditions et réalités vietnamiennes. Un rendez-vous indispensable pour les francophones qui peuvent se croiser dans une atmosphère très décontractée», selon un touriste québécois de Saint-Alexis-des-Monts.
Un nom difficile à trouver
M. Denis a eu toutes les peines du monde à trouver un nom pour son restaurant. «Cela m’a pris six mois avant de me fixer». Beaucoup d’idées, mais rien de transcendant. Une semaine avant son ouverture, le restaurant était toujours sans nom…
Et puis un jour, en rencontrant une écrivaine britannique, Deborah, à la plage, le nom Voulez-Vous lui est venu à l’esprit, comme une révélation après une discussion à bâtons rompus avec elle. «Ce nom répond à mes exigences avec sa touche poétique, une connotation française, une sonorité agréable, une prononciation facile pour les Vietnamiens, et compris par les anglophones».
Après leur repas, les convives féminines du restaurant se voient offrir un sac portant le nom du Voulez-Vous. Mais pourquoi diable est-il en jonc, et non en soie traditionnelle de Hôi An ? Petite fausse note qui prouve que non, décidément, le marketing n’est pas son truc ! Mais l’essentiel est ailleurs…
NGUYÊN HÔNG NGA/CVN