Sous les tours de la City, 3.000 squelettes oubliés

L’Histoire s’est invitée chez les cols blancs de la City de Londres avec la découverte de 3.000 squelettes sur un chantier d’aménagement ferroviaire, où les fouilles ont permis d’exhumer le premier cimetière municipal de la ville.

C’est au beau milieu des tours de verre du quartier des affaires de Londres qu’a été découvert le cimetière de Bedlam, sur un terrain acheté à l’hôpital psychiatrique voisin du même nom. Il accueillait les dépouilles de personnes décédées entre 1569 et 1738.

Alors qu’une soixantaine d’archéologues sondent aujourd’hui le site, banquiers et avocats du quartier ont une pensée pour ces défunts qui, en leur temps, affrontèrent la peste, la guerre civile ou encore le grand incendie qui ravagea Londres en septembre 1666.

Des archéologues travaillent le 17 mars sur des fouilles en plein milieu de la City de Londres qui ont permis d’exhumer le premier cimetière municipal de la ville.
Photo : AFP/VNA/CVN

«J’ai parcouru tellement souvent cette rue, marchant sur toute cette histoire...», s’étonne Mark Bugeja, 48 ans, cadre d’une société de conseil en management. «Il y a probablement eu beaucoup de tristes destinées», dit-il.

Etaient notamment enterrés dans le cimetière de Bedlam des familles qui ne pouvaient pas payer un enterrement religieux, des opposants politiques ou encore des victimes de la Grande peste de 1665-1666.

À partir de 2018, le site accueillera le hall flambant neuf de la gare de Liverpool Street, qui recevra la nouvelle ligne ferroviaire du Crossrail censée désengorger le réseau de transports en commun londonien. Elle traversera la capitale britannique d’est en ouest, reliant notamment la City à l’aéroport de Heathrow.

Les gigantesques travaux menés à travers Londres pour créer cette ligne ont déjà permis de mettre au jour plus de 10.000 artefacts, pour certains anciens de plusieurs millions d’années.

«Un processus respectueux»

D’ici au début du chantier ferroviaire prévu en septembre, les archéologues vont travailler sans relâche pour dégager les squelettes, ont précisé les responsables du chantier.

Grâce à l’étude de leur ADN, les scientifiques espèrent en apprendre plus sur la dernière grande épidémie de peste à Londres, alors que 2015 marque le 350e anniversaire de ce fléau qui décima l’Europe au Moyen-âge.

Les squelettes découverts en plein milieu de la City de Londres sont minutieusement répertoriés.

Un ancien registre répertoriant 5.000 des 20.000 personnes enterrées dans le cimetière de Bedlam a été publié sur le site internet de Crossrail.

On y lit que James Lawson, dessinateur inhumé en 1584, est mort d’une «nouvelle maladie», vraisemblablement la peste. Richard Wyttor, un épicier décédé en 1583, serait, lui, «mort d’une mâchoire enflammée» tandis que Raulf Langworthe, enterré en 1610, aurait péri à cause «d’une pensée».

S’il est pratiquement impossible d’établir formellement les identités des squelettes retrouvés, leur état fournit en revanche certains indices, explique Nick Elsden, le responsable des fouilles pour le musée d’archéologie de Londres.

«Les os peuvent nous en dire beaucoup sur la manière dont ces personnes ont vécu, qu’il s’agisse de fractures, de jambes arquées causées par le rachitisme ou de signes de syphilis comme les lésions crâniennes», explique-t-il.

«Vous pouvez déduire des traces d’usure sur les os s’ils avaient ou non un travail manuel, si leur vie a été facile ou difficile», ajoute-t-il.

Alison Telfer, une archéologue du musée, souligne que chaque squelette est «singulier».

Leur étude procède d’«un processus respectueux, on s’attache à eux d’une certaine manière», raconte-t-elle. «Vous avez le sentiment que vous leur devez de vous occuper d’eux jusqu’à ce qu’ils soient enterrés à nouveau».

Un nouveau lieu doit accueillir ces dépouilles dans l’Essex, à l’est de Londres.

Quant à l’histoire du site de Bedlam, elle ne s’arrêtera pas au cimetière: les archéologues comptent fouiller les couches plus profondes datant des époques médiévale et romaine, avant de céder la place au chantier ferroviaire.

Parmi les objets déjà découverts figure notamment un patin à glace fabriqué à partir du tibia d’une vache datant du Moyen-Âge. À l’époque, la région était recouverte de marais qui gelaient en hiver.

Dans la couche inférieure, d’anciens fers à cheval ont été trouvés ainsi que des épingles à cheveux ou encore des urnes funéraires datant de l’ère romaine. Le site est loin d’avoir révélé tous ses mystères.

AFP/VNA/CVN

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