Depuis plus de 10 ans, ce chercheur d'épaves attend l'autorisation de remonter à la surface sa plus belle découverte, un navire du 18e siècle, le Brederode, qui gît à plus de 60 m de profondeur. Ce bateau de la Compagnie des Indes Orientales (VOC) rentrait en Hollande après des escales en Chine et en Indonésie, quand il a sombré en 1785 au large du cap d'Algulhas, pointe australe du continent africain à l'ouest du cap de Bonne Espérance.
À son bord se trouvait une précieuse cargaison d'épices, de thé et de soieries. Mais aussi de l'or, de l'étain et de la porcelaine, qui restent intacts et dont la valeur est estimée aujourd'hui à 120 millions de rands (16 millions de dollars, 11 millions d'euros).
"Cette épave, c'est mon bébé, c'est le travail d'une vie entière", confie Charles Shapiro, qui a consacré une trentaine d'années à éplucher les archives des compagnies maritimes et à draguer les fonds sous-marins pour retrouver le Brederode.
Finalement en 1998, il parvint avec des coéquipiers à localiser le navire. Mais des mésententes dans le groupe, des changements législatifs et un moratoire sur les permis d'excavation (levé très récemment) ont pour l'instant immobilisé le bateau.
L'attente pourrait se prolonger. Les autorités sud-africaines exigent en effet une planification stricte de la remontée et de la conservation du navire parce qu'il s'agit d'"une épave unique, qui pourrait s'avérer une trouvaille majeure", selon l'archéologue Jonathan Sharfman. "Nous voulons juste être sûrs que tout se passe bien. Nous ne pouvons pas laisser (l'épave) être vendue", ajoute ce responsable de l'Agence sud-africaine pour les ressources de l'héritage (SAHRA).
Et de s'enthousiasmer : "C'est un bateau relativement préservé. C'est vraiment un exemple extraordinaire. Il fournit des informations archéologiques uniques."
Le Brederode n'est pourtant pas un cas isolé. Les experts estiment que 3.000 navires ont sombré à l'approche du cap de Bonne Espérance, dont la dangerosité a donné naissance à de sombres légendes. Parmi elles, celle du Hollandais Volant a inspiré Heinrich Heine et Richard Wagner : l'orgueilleux capitaine Van der Decken est condamné à errer pour l'éternité après avoir défié Dieu et tenté de contourner le Cap en pleine tempête.
Aujourd'hui, de nombreuses épaves gisent sur les plages sud-africaines où elles attirent les touristes. D'autres sont restées longtemps sous les eaux, avant d'être mises au jour par des passionnés comme Charles Shapiro.
Avec son entreprise Acqua Exploration, il a déjà fait remonter plusieurs vestiges, comme celui du navire anglais Birkenhead qui avait lancé lors de son naufrage en 1852 la tradition d'évacuer "les femmes et les enfants d'abord".
Dans sa maison, l'explorateur a réservé une pièce à ses trésors : des assiettes en porcelaine, des armes et des statuettes destinées aux rois du Portugal, de France ou d'Angleterre. Mais également des rangées de vieilles bouteilles de vin ou encore des instruments de médecine. Pour lui, il faut sortir ces richesses des eaux pour que le public puisse en profiter et revenir sur la convention de l'UNESCO, qui interdit l'exploitation commerciale des épaves de plus de 60 ans. "Ils veulent que les épaves restent sur les lieux pour les générations futures. Mais quel est le problème avec notre génération ?"
AFP/VNA/CVN