Menacé par le climat, le vin grec peine à conquérir des marchés

Dans la vallée de Némée (Ouest) couverte de vignobles parsemés de cyprès et d'oliveraies, les viticulteurs partagent leurs inquiétudes avec leurs collègues de toute la Grèce : les changements climatiques menacent leurs récoltes, défavorisant les exportations qui peinent à décoller.

Les vendanges ont dû cette année être avancées de 15 jours dans cette région viticole du Péloponnèse en raison du réchauffement et les pluies torrentielles survenues au cours des dernières semaines ont entraîné l'apparition de pourriture sur les grappes, note Nicos Manessis, un expert des vins grecs, auteur de plusieurs ouvrages de référence dont un Guide des vins grecs.

"La récolte sera sans doute peu abondante et ne favorisera pas les exportations qui piétinent malgré une grande amélioration des vins grecs depuis plusieurs années", ajoute M. Manessis, qui enseigne à l'École du vin de Changins (Suisse) et à l'Université du vin de Suze-La-Rousse (France).

Si la Grèce fait partie des 20 plus grands pays producteurs de vins, elle ne met sur le marché qu'environ 3,5 millions d'hectolitres et n'en exporte que près de 10%, rappelle Nico Manessis.

"Après les Jeux olympiques de 2004, nous pensions être prêts à conquérir le monde en profitant de la bonne image de la Grèce", rappelle de son côté Yannis Paraskevopoulos, un producteur de la vallée de Némée formé à l'Université de Bordeaux (France) et qui enseigne l'oenologie à Athènes et Salonique (Nord).

"Mais il ne s'est rien passé, ce fut un +momentum+ perdu car la Grèce a fait preuve de trop d'optimisme. Il n'existe toujours pas de stratégie nationale pour exporter, les producteurs travaillent chacun de leur côté, les techniques de promotion sont inexistantes", note M. Paraskevopoulos.

"Nous n'exportons pas, nous transportons, car nos vins sont toujours vendus essentiellement aux Grecs installés à l'étranger", ajoute-t-il.

Pourtant, les vins grecs ont atteint aujourd'hui "une grande qualité reconnue par les experts et ils sont présentés lors des plus importantes dégustations internationales. L'époque où les seuls vins grecs connus étaient les Résinés, des vins mélangés à la résine de pins, est révolue", estime Nico Manessis.

"La Grèce n'a pas de bureau de promotion des vins digne de ce nom, capable de s'adresser aux sommeliers du monde entier et ce n'est que cette année que pour la première fois les producteurs de tout le pays se sont unis pour faire appel à une agence de relations publiques chargée de définir une image de marque pour leurs produits", précise-t-il.

Si les changements climatiques présentent un nouveau défi pour les viticulteurs, il sera sans doute possible d'adapter une grande partie des quelques 300 cépages cultivés dans le pays, affirme Konstantinos Bakasietas, fondateur de la première "pépinière de vigne" de Grèce.

"Pour améliorer leurs vins, les producteurs ont commencé par l'étape finale en investissant dans du matériel de vinification innovant et en recrutant des oenologues formé à l'étranger, mais ils ont quelque peu négligé la source, la vigne elle-même", affirme cet agronome formé à Bordeaux. "Aujourd'hui, nous produisons des vignes résistantes aux maladies, capables de subir les modifications climatiques, mais il faudra environ 10 ans pour renouveler le vignoble grec," dit-il.

"La Grèce a de nombreux atouts, ses cépages sont enviés et de nombreux pays nous sollicitent pour leur fournir des plants. Le Chili et d'autres pays d'Amérique latine qui disposent de vastes espaces qu'ils souhaitent consacrer à la viticulture sont très demandeurs des cépages grecs," ajoute M. Bakasietas. "Il serait dommage que les viticulteurs grecs laissent le vin grec devenir une spécialité d'Amérique latine", conclut-t-il.

AFP/VNA/CVN

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