Les 59% des Afghans considèrent le paiement de pots-de-vin comme leur principal souci selon l'Office des Nations unies contre la drogue et le crime (ONUDC), devant l'insécurité (54%), dans ce pays livré à la violence depuis plus de 30 ans, et devant le chômage (52%).
Le phénomène, plus marqué dans les provinces du Nord et du Sud, prend des proportions exorbitantes pour l'Afghan moyen. Celui-ci verse en moyenne chaque année 160 dollars (environ 111 euros) en dessous-de-table, soit plus du tiers de ses revenus pour un PIB par habitant de 425 dollars (295 euros).
Agrégée au niveau de l'ensemble de la population, la corruption représenterait ainsi 2,5 milliards de dollars (1,7 milliard d'euros), soit 23% du PIB de l'Afghanistan, selon les calculs de l'ONUDC dont le siège est à Vienne.
Les 7.600 personnes interrogées dans 12 capitales de province et plus de 1.600 villages ont évoqué comme possibles situations de corruption la volonté d'accélérer une procédure administrative, de soudoyer un juge, un responsable officiel ou un policier pour obtenir un meilleur traitement.
"Nous vendons de nombreux articles dans la rue ici. Le chef de la police a nommé quelqu'un responsable de la collecte de l'argent qui lui revient", témoigne un marchand cité dans le rapport.
"Mon cousin tient un cabinet médical. Des médicaments périmés y ont été trouvés, une procédure a été lancée contre lui. Un peu plus tard, il a soudoyé le médecin chef et son dossier a été réglé. Mon cousin vend toujours ces médicaments périmés venant du Pakistan, vendus sous des marques allemandes et américaines", rapporte une autre personne.
Même les ONG sont perçues comme corrompues par les Afghans, relève l'organisation onusienne.
Face à l'ampleur de l'économie du bakchich, le patron de l'ONUDC, Antonio Maria Costa, a appelé le président Hamid Karzaï à faire de la lutte contre ce "cancer" sa première priorité.
"La corruption est le principal obstacle à l'amélioration de la sécurité, du développement et de la bonne gouvernance. Elle favorise aussi d'autres formes de criminalité, comme le trafic de drogue et le terrorisme", a-t-il rappelé.
"Si l'Afghan ordinaire ne peut obtenir des services ou la protection de la part du gouvernement à cause de la corruption, ou uniquement par ce biais, le gouvernement n'obtiendra pas le soutien dont il a désespérément besoin de la part de toutes les communautés à travers le pays pour gagner sa lutte contre les talibans", selon le rapport.
En conséquence, l'ONUDC recommande à Kaboul de créer une autorité anticorruption, de rendre les procédures administratives transparentes et de faire publier les revenus des responsables publics.
AFP/VNA/CVN