Nigeria : l’école de deuxième chance pour femmes défavorisées

Le bruit de machines à coudre résonne dans une petite cour ombragée. C’est ici, dans une ruelle de Kaduna, grande ville du Nord du Nigeria, que s’est installée la «Tattalli Free school», une école gratuite pour jeunes femmes défavorisées et leurs enfants.

Des mères défavorisées de la «Tattali Free school» apprennent à tisser et à coudre à Kaduna... Photo : AFP/VNA/CVN

Elles sont quelque 150 élèves à s’y former à la couture, la teinture, la fabrication d’accessoires en perles et d’autres métiers pratiques. La plupart ont été abandonnées par leur mari ou ont quitté ce dernier à la suite de maltraitances. L’éducation publique est cen sée être gratuite. Mais entre les livres à acheter et des professeurs sous-payés qui demandent un «extra» pour faire passer un examen, la réalité est autre. Ainsi, dans le Nord du pays, environ 50% des fillettes ne vont pas à l’école, selon le réseau associatif Campagne mondiale pour l’éducation.

Dans une société très patriarcale, l’éducation reste donc leur meilleure arme pour éviter les abus et assurer l’avenir de leurs enfants. À 17 ans, Bilkisou est mère d’une petite fille et a fui un mari violent. «J’étais mariée, enceinte, et mon mari ne faisait rien chez nous. Parfois il me battait ou me criait dessus», raconte-t-elle. «Quand j’allais voir mon père pour le mettre au courant de la situation, il me renvoyait auprès de lui».

Bilkisou a fini par quitter le domicile conjugal, son bébé sur le dos, et s’est réfugiée à Tattali. Ce centre d’apprentissage a été fondé il y a cinq ans par Saratu Aliyu, une femme d’affaires nigériane, qui le finance sur ses propres fonds. Mme Aliyu a cependant fait le déplacement depuis la capitale fédérale pour faire connaître son école aux journalistes et pouvoir lever des fonds.

Sauver de la rue les adolescentes maltraitées ou divorcées

...tandis que leurs enfants apprennent à lire et à écrire gratuitement à l’école Tattali.
Photo : AFP/VNA/CVN

Elle veut ainsi offrir une seconde chance à ces filles mariées trop jeunes et leur éviter de tomber entre de mauvaises mains. «Il y a tellement de mauvaises choses qui pourraient leur arriver», dit la fondatrice. «Elles pourraient être embarquées dans la prostitution (...) Parce qu’elles n’ont aucun moyen de s’en sortir. Et quelqu’un qui a besoin d’argent est prêt à n’importe quoi».

Au Nord du Nigeria, au sein de l’ethnie Haoussa majoritaire, la tradition veut que les filles se marient jeunes, dès 12 ou 14 ans, parfois plus tôt encore. La plupart sont promises à des hommes plus âgés. Et la pression sociale est forte sur ces jeunes femmes dont le rôle principal, dans une société patriarcale et musulmane traditionnelle, est d’enfanter. «Les familles n’ont pas d’argent pour nourrir leurs enfants ou les envoyer à l’école. Une fille mariée, c’est une bouche de moins à nourrir», déplore Rukayyat Adamu, la directrice de l’école. Mais dans les États du Nord, où il est facile pour un homme de répudier une épouse dont il n’est pas satisfait.

Des femmes, victimes de trop nombreuses violences conjugales, décident aussi de prendre la fuite. «C’est la pauvreté qui est à l’origine de tout ça, affirme Rukayyat Adamu. Les hommes sont frustrés car ils n’ont pas les moyens d’entretenir leur famille. Alors, lorsque la femme se plaint, les coups partent».

Le taux de divorce au Nord du Nigeria semble très élevé, selon diverses sources, et des mariages collectifs y sont organisés. Des adolescentes, parfois mères, se retrouvent ainsi à la rue, leur famille n’ayant pas les moyens de les reprendre.

AFP/VNA/CVN

 

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