Ces femmes qui défient la tradition et les taureaux à Pampelune

Elle en rêvait depuis des années. Cette fois Oneika Raymond, une Canadienne de 29 ans, a réalisé ce que peu de femmes ont osé : courir devant les impressionnants taureaux lâchés dans les rues étroites de Pampelune, lors des fêtes de la San Fermin.

Beaucoup de personnes participent aux courses de taureaux, le 12 juillet à Pampelune, Nord de l’Espagne.

«J’ai survécu. Je suis si heureuse. J’étais à la fois exaltée et effrayée», s’exclame cette enseignante vivant à Londres, aux côtés d’autres aventurières, à l’arrivée, le 9 juillet, de la troisième des huit courses annuelles de ces fêtes mondialement connues, les plus célèbres courses taurines d’Espagne.

Il y a encore quelques années, il était extrêmement rare de voir une femme dans la foule des hommes courant dans les ruelles de Pampelune pour perpétuer une tradition datant du Moyen Âge.

Mais de plus en plus de femmes, la plupart venue de l’étranger, viennent chercher les sensations fortes que procure cette course folle devant des taureaux d’une demi-tonne, dévalant 850 mètres jusqu’aux arènes de la ville.

Sur les 20.500 personnes qui ont tenté l’expérience en 2011, 6% étaient des femmes, selon la mairie. «Il n’y a jamais eu de loi qui empêche les femmes de courir avec des taureaux. C’est une question de tradition. À Pampelune, auparavant, un homme courait pour prouver son amour à une femme, c’était l’une des raisons principales», explique Paula Diaz, du musée des courses de taureaux de la ville.

«Mais petit à petit, avec les années, les femmes ont osé participer, avec courage. C’est toujours mal vu, parce que briser la tradition est compliqué, mais les femmes ont les mêmes droits que les hommes de courir».

À aucun moment, Oneika n’a eu le sentiment que les hommes étaient gênés par sa présence, ni qu’ils lui réservaient un traitement de faveur.

«Je pense que c’était chacun pour soi. Tout le monde essayait juste de survivre et de s’écarter du chemin des taureaux», raconte la jeune femme, qui a reçu un coup dans la figure lorsque des coureurs sont tombés.

La Canadienne Oneika Raymond (droite), la Canadienne Jeannie Mark (centre) et l’Australienne Nicole Smith à Pampelune.

Oneika et ses trois nouvelles amies, une Américaine, une Australienne et une autre Canadienne, ne l’ont appris qu’après la course. Elles se sont connues par l’intermédiaire de l’une d’entre elles, Jeannie Mark, une enseignante canadienne de 41 ans travaillant en Chine, qui a lancé un appel sur Facebook.

Mais ce n’est qu’à Pampelune qu’elles se sont rencontrées pour la première fois. Depuis, elles ont décidé de raconter leur aventure dans un blog intitulé «les filles qui courent avec les taureaux».

«On essaie toutes les quatre d’encourager d’autres femmes à faire des choses inhabituelles», explique Jeannie Mark, qui a décidé il y a deux ans de tout quitter pour recommencer une nouvelle vie et voyager.

«En tant que femmes, on n’est pas toujours encouragées à chercher les limites et l’aventure. Les hommes et les garçons sont poussés à faire ça depuis tout petits», ajoute-t-elle. Oneika, Jeannie et les autres se sont bien préparées et ont élaboré leur stratégie en regardant la course du 8 juillet depuis un balcon.

«Il s’agit de bien faire. Je veux bien représenter les femmes mais j’essaie aussi de tester mes limites», explique Oneika, qui a déjà participé à des expéditions au Népal et en Afrique. Globalement, les femmes se préparent mieux que les hommes, relève Ryan King, président de la compagnie canadienne Spyns, qui organise ce type de voyage.

«Elles connaissent les statistiques, les risques, et une fois à Pampelune, elles changent rarement d’avis», ajoute-t-il sur le site de la compagnie.

«Les hommes, eux, parlent beaucoup pendant la préparation». Mais, selon ce voyagiste, «une fois proches du but ou dans la course, j’estime qu’ils ont dix fois plus de chances d’abandonner qu’une femme».

AFP/VNA/CVN

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