Pyros, 23 ans, a déboulé à Melles (Haute-Garonne) le 2 mai 1997, au lendemain de sa capture dans sa Slovénie natale.
Depuis, il a "fait son travail : assurer la survie de l'espèce (menacée d'extinction) tout en se jouant de la présence des hommes" dont tous n'étaient pas forcément ravis de voir revenir l'ours dans les Pyrénées centrales, résume Etienne Dubarry, membre de l'équipe de suivi de l'ours à l'Office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS) depuis ses débuts. "Il a survécu 15 ans en évitant tout. Il ne doit pas avoir un seul plomb dans la carcasse".
Ses débuts furent mouvementés. L'équipe ours se demandait même si les Slovènes allaient laisser partir un si bel animal (235 kg), susceptible de rapporter gros dans un pays où le privilège de tirer des trophées se paie.
Puis, huit jours après son arrivée en France, il nous tape une brebis et la consomme presque complètement". Les trois premières années, l'ours se révèle être un gros prédateur et, avec une cinquantaine de brebis tuées par an, se fait encore plus d'ennemis chez les éleveurs.
Emmanuel Ménoni, autre membre de ONCFS, se rappelle la fois où une bergère itinérante au service des éleveurs avait veillé toute la nuit sur son troupeau à 2.000 mètres d'altitude. Le bip-bip du collier émetteur de l'ours résonnait en permanence dans le récepteur dont elle était équipée. "L'ours tournait autour du troupeau et elle aussi. Je me rappelle sa tête décomposée au matin". Pyros "soulevait la haine des éleveurs locaux". Il perd son collier émetteur mais les autorités le rééquipent à cause de son appétit et de la polémique. Au bout de trois ans, peut-être en raison des mesures d'effarouchement de l'équipe de suivi ou de sa meilleure maîtrise du territoire et de ses sources de nourriture, l'ours cesse de faire ripaille à tout bout d'alpage.
Pyros se fait alors tellement oublier que "la rumeur l'a tué plusieurs fois", raconte Alain Reynes, directeur de l'association Pays de l'ours-Adet.
L'équipe ours n'est pas crue lorsqu'elle dit "qu'il est encore là" sur la foi des indices génétiques et autres photos prises par les caméras automatiques, ajoute Etienne Dubarry.
Car il est très rare d'apercevoir Pyros (contraction de Pyrénées et Fos, l'une des communes volontaires pour accueillir des ours), d'autant que son territoire (Sud de la Haute-Garonne, Ouest de l'Ariège et Val d'Aran en Espagne) est vaste.
Etienne Dubarry ne l'a vu qu'une fois, en juin 2008. "C'est une de mes plus belles observations, un de mes plus beaux souvenirs".
S'il vit dans une totale discrétion, "on sait que les femelles, il ne les manque pas" puisqu'il s'est accouplé avec au moins cinq d'entre elles et est le père, voire le grand-père, d'une quinzaine d'oursons nés depuis 1997, dont une dizaine ont survécu. Les ours sont 20 ou 25 au total dans les Pyrénées. "Il les attrape toutes, même celles qui sont loin de son territoire habituel. On en enfermerait une dans une cabane, il trouverait la clé", sourit le technicien.
Manque de chance pour la diversité génétique, il s'avère que les deux femelles slovènes lâchées en France un an avant l'arrivée de Pyros sont arrivées enceintes et c'était déjà lui : les analyses montrent qu'il est le père de trois de leurs quatre oursons nés début 1997. C'était "énorme", se souvient Etienne Dubarry. "C'était déjà un mâle dominant en Slovénie".
Pour la première fois cette année, Pyros, loin de "faire sénile" mais qui a un âge certain, a de la concurrence. Moonboots et Balou ont osé une incursion dans le cercle des femelles cet été. "Il a dû y avoir des matches de boxe", dit Étienne Dubarry.
AFP/VNA/CVN