Sujata Budarapu, une femme au foyer de 38 ans, n'en a pas cru ses oreilles lorsque les médecins lui ont appris la nouvelle : ses deux fils étaient sur le point de développer un diabète de type II, une maladie caractérisée par un taux trop élevé de glucose dans le sang. "J'avais entendu que cela arrivait à d'autres enfants dans d'autres pays mais je n'avais jamais pensé que cela arriverait aux miens", avoue cette mère, rencontrée à Bombay.
Ses enfants ne sont pas des cas exceptionnels, même dans un pays où 44% des enfants de moins de cinq ans souffrent encore de problèmes de malnutrition, selon les chiffres de la Banque mondiale. "L'obésité infantile a vraiment augmenté au cours des dernières années", confirme le Dr Paula Goel, à la clinique Fayth de Bombay, qui dirige un programme de perte de poids pour adolescents. "C'est principalement parce qu'ils ne jouent plus dehors et ont trop d'activités sédentaires associées au mode de vie des gens aisés. Passer le week-end dans des centres commerciaux et manger des cochonneries provoque à coup sûr de l'obésité", analyse-t-elle.
À 12 ans, le plus jeune fils de Sujata, Saiprasad, regarde la télévision trois heures par jour et pèse 66 kg, alors qu'il devrait peser entre 52 et 58 kg. Son fils aîné, Sairaj, 15 ans et 89 kg, est lui en surpoids de 30 kg.
Les deux garçons, grands amateurs de fast-food, sont suivis depuis trois mois par les services du Pr Goel, qui contrôlent leur niveau de sucre.
L'Inde détient le plus grand nombre de diabétiques au monde, avec près de 51 millions de personnes touchées, selon Anoop Misra, président du Centre sur le diabète, l'obésité et le cholestérol à New Delhi. Et ce nombre pourrait bondir de 150% au cours des 20 prochaines années, prévient-il.
Le grand nombre de cas en Inde, mais aussi plus généralement en Asie du Sud, a été attribué à des facteurs génétiques, dont une prédisposition à stocker la graisse. À cela s'ajoutent aujourd'hui des facteurs socio-économiques.
Les diabètes de type II affectent aujourd'hui les enfants alors qu'ils touchaient jusqu'à présent les personnes déjà âgées.
Selon une étude d'EduSports, une agence qui promeut le sport à l'école, 23% des élèves âgés de cinq à 14 ans vivant en zone urbaine sont en surpoids. Cette étude a été menée l'an dernier auprès de 4.000 enfants dans 15 villes indiennes.
Dans les grandes villes, les enseignes de fast-food poussent comme des champignons, attirant une clientèle de cols blancs et de familles aisées venus dépenser leur argent nouvellement acquis.
Déjeuner dans un fast-food de marque occidentale est aussi pour eux un signe extérieur de richesse.
Selon une étude publiée en janvier dans la revue scientifique britannique The Lancet, 7,3% de la population est en surpoids et 1,2% des habitants sont obèses.
Pour Himank Doshi, un étudiant en médecine interrogé sur la plage de Chowpatty à Bombay, où sont alignés des dizaines de stands de fast-food à emporter, les Indiens ne se préoccupent pas de la qualité de la nutrition. "Ils font d'abord attention aux épices et au goût", reconnaît-il.
Outre le problème de santé publique, la hausse du nombre de diabétiques représente un coût pour les finances du pays : l'Inde a dépensé l'an dernier 27,6 milliards d'euros. Pour M. Misra, il faut aujourd'hui mettre l'accent sur la prévention, et notamment sur l'éducation de la population à une meilleure hygiène alimentaire.
AFP/VNA/CVN