C'est l'appel de l'humoriste français Coluche pour "donner à manger à tous ceux qui ont faim" qui a présidé à l'instauration en 1987 du Programme européen d'aide aux plus démunis (PEAD), par le président de la Commission européenne Jacques Delors.
Créé dans le cadre de la PAC, alors qu'existaient des stocks importants de produits agricoles, le PEAD prévoit que l'UE puise dans ces réserves pour subvenir aux besoins des Européens les plus pauvres, et finance l'achat sur les marchés de denrées à distribuer lorsque ces stocks se tarissent.
Avec un budget de quelque 500 millions d'euros, le PEAD est devenu crucial pour les associations caritatives et les 13 millions d'Européens qui en bénéficient. Rien qu'en France, il finance entre un quart et la moitié des denrées distribuées aux plus démunis.
Mais il pourrait disparaître : un groupe de sept pays emmenés par l'Allemagne affirme que le système ne peut plus relever de la PAC, puisqu'il ne sert plus à gérer les excédents, de plus en plus rares. Comme il finance de plus en plus souvent des achats sur les marchés, il s'apparente plutôt aujourd'hui à une politique sociale, donc dépendante de la compétence de chaque État membre, argumentent ces pays.
L'inquiétude des associations est d'autant plus grande que cette fronde intervient dans un contexte particulier : la nouvelle PAC, qui entrera en vigueur en 2013, est en pleine discussions.
Saisie de la question, la justice européenne a annulé mercredi dernier une partie d'un règlement européen relatif au financement du PEAD, jugeant en particulier que l'achat direct de produits sur les marchés doit rester "l'exception" et "ne saurait en aucun cas être élevé au niveau de règle".
Si l'on suit ce principe à la lettre, les achats de produits sur les marchés lorsqu'il n'y a pas d'excédents deviendraient impossibles, explique le président de la Fédération françaises des banques alimentaires européennes, Alain Seugé.
Ainsi, "on pourrait se retrouver dès 2012, année où l'on ne prévoit pratiquement pas d'excédents agricoles, avec une baisse drastique des quantités de produits disponibles" pour les distributions, prévient-il.
À terme, ce pourrait être la disparition pure et simple du PEAD si les discussions pour définir la nouvelle PAC tournent à l'avantage du bloc emmené par l'Allemagne.
Les associations françaises, en pointe dans le combat pour "sauver" le système, veulent toutefois rester optimistes, et voir dans la décision de la CEJ une occasion de lancer le débat.
La justice européenne a certes "ébranlé un peu" le PEAD, en remettant en cause son mode de financement, mais elle "ne le remet pas totalement en cause" , a réagi Didier Piard, responsable de l'action sociale à la Croix-Rouge.
La Cour "n'a pas contesté son utilité et son efficacité" , soulignent les Restos du Coeur.
Les associations en appellent aujourd'hui aux parlementaires européens "pour sauver l'un des rares dispositifs qui se préoccupe davantage des concitoyens que des structures".
Elles ont pour elles le soutien de la Commission européenne qui a proposé en septembre aux 27 de maintenir le PEAD actuel en l'état. Le gouvernement français a aussi prévenu qu'il "ne transigera pas" sur sa "pérennité". "On peut difficilement imaginer que l'Europe soit absente du cercle de nos partenaires" , fait valoir Alain Seugé.
AFP/VNA/CVN