Après la guerre, le soldat Dông Kim Ly retourne dans son village natal de Phu Luu, district de Thuy Nguyên, ville portuaire de Hai Phong (Nord), pour convoler avec sa voisine Nguyên Thi Phuong. Rapidement, il apprend que sa dulcinée est une victime de l’agent orange/dioxine. Leur premier fils n’a ni yeux, ni nez, ni bouche. Une douleur atroce pour Phuong, qui malgré cela, accouche en 1980 d’une fille, une fois de plus, difforme. Son corps était recouvert d’une peau rugueuse, elle n’avait pas de cheveux, sa tête suppurait et sentait mauvais.
Dông Thi Nga (premier plan, robe rouge) lors de la sixième conférence de félicitations des handicapés, enfants orphelins et bailleurs de fonds exemplaires en avril 2003 à Hanoi. Photo : TDKT/CVN |
Pour soigner son bébé, le couple vend tous ses biens de valeur et se retrouve sans argent. Cinq autres enfants suivent mais tous décèdent de l’agent orange/dioxine, exceptée la petite Nga.
Le père, Ly, déprime, devient alcoolique et bât régulièrement sa femme. Au bout de neuf ans de vie commune, il demande le divorce que Phuong accepte.
La petite Nga grandit loin de son père. À six ans, à l’occasion de ses premiers pas d’écolière, elle est victime de la discrimination de la part de ses petits camarades.
Une étudiante exemplaire
À tel point que sa mère décide de la retirer de l’école et de prendre en charge elle-même l’éducation de sa fille. À l’âge de sept ans, Nga savait lire et écrire. Phuong supplie à nouveau la direction de l’école primaire d’accepter sa fille. Elle sera exceptionnellement admise en deuxième année (équivalent au CE2 en France). «La rentrée scolaire a été ma plus grande joie. Ces leçons m’ont réconforté et m’ont permis de retrouver confiance en moi», se souvient Nga.
La famille de Dông Thi Nga lors d’une visite à Hai Phong. Photo : CTV/CVN |
En 1998, Nga décroche son bac avec la mention «Très bien» et réussit les concours d’entrée dans les Universités d’économie et du syndicat. Malheureusement, sa maladie s’aggrave. Elle retourne alors à Hai Phong pour étudier de 1998 à 2002 à l’Université privée de la ville. Grâce à l’aide du professeur Trân Huu Nghi, elle est exemptée des frais pour tout le cursus, soit l’équivalent de 10 millions de dôngs. À la première année universitaire, elle fait partie des meilleurs étudiants de sa promotion et décroche une bourse de 800.000 dôngs.
En juillet 2002, elle est diplômée avec la mention Bien. En décembre de la même année, elle devient enseignante. Dans la foulée, les bonnes nouvelles se succèdent. Elle devient la première fonctionnaire de l’université à étudier l’audit et la compatibilité en Malaisie. «Nga est une étudiante exemplaire, elle a longtemps lutté contre les pathologies causées par l’agent orange/dioxine. C’est l’une des fiertés de notre université», témoigne Hoàng Xuân Thung, un responsable de l’Université privée de Hai Phong.
Mars 2009 marquera sa vie. Elle se marie à Tuong, son ami d’enfance, et vit dès lors dans la paix. Elle est aujourd’hui mère de deux fillettes. «Bien que la page de la guerre soit définitivement tournée, ses effets perturbent encore nos vies. En attestent les nombreuses victimes comme moi. Je suis reconnaissante envers ma mère pour son amour et son soutien, et mes enseignants et amis pour leur générosité», confie-t-elle
Procès contre 37 compagnies chimiques américaines
Plus d’un demi-siècle après que les Américains aient déversé des milliers de tonnes d’agent orange/dioxine au Vietnam, l’environnement et des millions d’habitants en subissent toujours les conséquences. Ces dix dernières années, l’Association vietnamienne des victimes de l’agent orange/dioxine a intenté des procès contre 37 compagnies chimiques américaines qui ont produit l’agent orange. Elle demande réparation et partage de la douleur des victimes de ce défoliant.
Quê Anh/CVN