L’homme qui préserve l’âme rurale du Vietnam

Le bourg de But Son, dans la province de Thanh Hoa (Centre), abrite un musée d’objets typiques du monde agricole et rural du Vietnam. Son propriétaire, Nguyên Huu Ngôn, a passé plus de 30 ans à constituer sa collection, qu’il expose désormais chez lui.

Dès l’enfance, l’âme de nombreux enfants vietnamiens est nourrie de chansons populaires et de proverbes. Ils s’habituent au petit plateau de bétel, à la petite marmite de riz, à l’écope au long manche. Mais, nombre d’entre eux devenus grands sont étonnés par le petit musée de vestiges ruraux du Vietnam de Nguyên Huu Ngôn, directeur adjoint des Éditions de Thanh Hoa. Un homme qui, au premier coup d’oeil, n’est guère différent d’un simple agriculteur.

Nguyên Huu Ngôn dans son écomusée.

Dans sa maison de trois étages transformée en petit musée, M. Ngôn expose les objets de la vie quotidienne des campagnes du Nord à travers l’histoire du pays. Tout y est présent, des plus petits (faucille, pioche...) aux plus grands (moulin, tarare). Les instruments aratoires sont regroupés par fonctions. Il y a ceux pour travailler le sol (charrue, herse), pour désherber (coupe-coupe, faucille), pour transformer les produits agricoles (moulin, marmite, marmite au fond percé de trous), pour préserver les produits alimentaires (jarres, boîtes, vases de toutes tailles). Ces objets relèvent en général de deux grands thèmes que sont la civilisation agricole et la culture agricole du Vietnam.

Une passion curieuse

La collection de Nguyên Huu Ngôn est réellement riche, avec des ensembles de jarres, de marmites, de casseroles, et même de plateaux dont on trouve toutes les variations possibles, en bambou, en bois ou en cuivre, de tous les diamètres. «Je possède plus de 500 anciennes assiettes très précieuses d’une valeur de 200.000 dôngs/pièce. J’ai l’ambition d’en posséder 1.000 pour battre le record national», déclare-t-il.

Quelques objets de la collection de M. Ngôn.

Nguyên Huu Ngôn est né et a grandi à la campagne où l’on côtoie constamment la riziculture dans les villages, et tout ce qu’elle représente en termes de culture comme de vécu quotidien, à commencer par sa pénibilité qui s’exprime à travers maints détails. L’existence des agriculteurs, il la connaît on ne peut mieux, au point qu’il considère que l’on devrait les honorer. Ces considérations sont gravées dans son esprit et, d’une certaine façon, l'obsèdent sur un point : «Comment faire pour que nos enfants comprennent mieux la vie pénible et laborieuse de leurs ancêtres ?».

Une obsession qui l’a conduit à agir depuis maintenant plus de 30 ans, durant tous ses moments libres. Il part «en vadrouille» sur son vélo, y compris dans les coins les plus reculés de la campagne, pour trouver des objets de cette culture agricole et rurale qui est véritablement l’âme du Vietnam, et qui demeure jusque dans les grandes villes. Ce que n’importe qui considère comme un rebut bon pour le feu ou le chiffonnier du coin, M. Ngôn le récupère soigneusement pour le préserver dans sa maison-musée. Et il n’est pas rare qu’il y passe tout son salaire pour satisfaire sa passion que ses proches auraient plutôt tendance à considérer comme une pulsion obsessionnelle. Des situations qui conduisent Nguyên Huu Ngôn à travailler davantage pour vivre, en écrivant des articles et des livres, ou faire de la photographie.

Un minuscule musée de l’agriculture

D’après Huu Ngôn, dont le savoir vaut celui d’un agronome, chaque ethnie et chaque zone rurale a ses propres objets. Ils sont sans nombre, pourrait-on dire, et plus il les connaît, plus sa passion gagne du terrain. D’où sa décision, il y a quelques années déjà, de transformer la plus grande partie de sa maison en musée pour exposer cette vaste collection, pour ses amis d’abord, mais aussi aux visiteurs vietnamiens comme étrangers. Et qu’importe ! Tous les week-ends, même si personne ne vient, il les admire d’un air pensif, les entretient minutieusement, les classe selon un ordre que lui seul connaît.

«Le Vietnam possède de nombreux musées, tous sont des lieux de perpétuation de ses valeurs culturelles. Mais, confie aussitôt M. Ngôn, il me semble à tout le moins qu’il y manque quelque chose d’important, sinon d’essentiel, les valeurs de notre civilisation rizicole, de la riziculture en eau pratiquée dans nos deltas par nos ancêtres depuis plus de 4.000 années».

Cet homme ajoute que «la création d’un musée agricole évite de voir disparaître ces objets agricoles de la vie rurale, que ce soit matériellement comme de l’esprit des gens en cette période de développement et de modernité».

L’idée de M. Ngôn est particulièrement estimée par le ministère de la Culture, des Sports et du Tourisme qui considère sa collection comme très précieuse car elle contribue à préserver les valeurs culturelles comme le patrimoine du Vietnam. Une œuvre qui est aussi vue comme une reconnaissance des agriculteurs attachés toute leur vie au travail de leurs rizières pour nourrir le peuple entier.

Quê Anh/CVN

 

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