"Il y a un vrai problème avec les cyclistes qui ne respectent pas les règles, qui zigzaguent et roulent n'importe comment. Ils sont de moins en moins civilisés", s'emporte Tahmaures, 58 ans, chauffeur de taxi, sur Unter den Linden, la principale artère touristique de Berlin. Si le ministère des Transports salue "une renaissance du vélo depuis le début des années 90", les autorités s'inquiètent du nombre élevé de victimes d'accidents de la route chez les cyclistes.
Selon l'Institut allemand des statistiques, les vélos étaient impliqués l'an dernier dans un accident sur trois en ville et dans un accident mortel sur quatre. "Les infrastructures pour la circulation ne sont plus adaptées. Le nombre croissant de cyclistes nécessite un nouveau concept pour l'organisation urbaine", estime Claudia Nolte, porte-parole de l'Automobile club allemand (ADAC) pour la région Berlin-Brandebourg.
Plus de 500.000 des 3,5 millions d'habitants de la capitale utilisent quotidiennement le vélo pour leurs déplacements, deux fois plus qu'il y a dix ans. La ville a fait beaucoup pour favoriser leur essor. Le vélo ne pollue pas, ne fait pas de bruit et il maintient en forme.
En grand nombre pourtant, les cyclistes dérangent. Ils ont la réputation de passer au feu rouge, de rouler à contresens, et d'occuper tout l'espace des trottoirs sans beaucoup d'égard pour les piétons. "L'agressivité n'est pas l'apanage des vélos, il y a également beaucoup d'incivilités de la part des automobilistes qui ne font pas attention aux deux-roues", plaide Roland Huhn, de l'Association des cyclistes allemands ADFC.
"Sur un vélo, l'homme devient un monstre"
Un ouvrage sorti au printemps en Allemagne dénonce l'arrogance des deux-roues qui se croiraient tout permis sous couvert de protection de l'environnement. "Sur un vélo, l'homme devient un monstre", s'amuse l'auteur Annette Zoch, ironique et provocatrice dans son Livre pour ceux qui détestent les vélos. Et l'hebdomadaire Der Spiegel a consacré récemment sa Une aux conflits provoqués par la renaissance de la bicyclette.
À Fribourg (Bade-Wurtemberg, Sud-Ouest), vitrine écologique du pays, un tiers des déplacements urbains sont effectués en bicyclette. La ville universitaire s'enorgueillit d'avoir été pionnière, favorisant la petite reine dès les années 70. Près de la gare, un parking géant peut accueillir 1.000 vélos! Mais certaines rues étroites du centre-ville sont tellement encombrées par les deux-roues que les piétons se fraient difficilement un chemin. La ville a dû installer par endroit des interdictions de stationnement pour les bicyclettes. Et des piétons se plaignent de la vitesse excessive de certains cyclistes. "Les relations entre piétons et cyclistes se sont plutôt détériorées" ces derniers temps, "surtout parce que les vélos sont de plus en plus nombreux", constate Stefan Lieb, porte-parole de l'association de piétons Fuss e.V.
En 2011, l'État fédéral a consacré 86 millions d'euros aux infrastructures cyclistes. Mais selon l'association ADAC, 500 millions d'euros seraient nécessaires, dans le seul Land de Brandebourg, l'État qui entoure Berlin, pour élargir, assainir et développer les pistes cyclables.
Pour améliorer les conditions de circulation, de nombreuses villes allemandes ont entamé une réflexion sur l'urbanisme, en faveur de la circulation à deux roues. Certaines ont instauré des limitations de vitesse à 30 km/h dans certaines zones ou ont réservé des rues aux vélos. C'est le cas à Berlin, mais également à Aix-la-Chapelle (Ouest) ou encore Münich (Sud).
AFP/VNA/CVN
30/10/2011 [/body]